Année politique Suisse 1966 : Grundlagen der Staatsordnung / Rechtsordnung
Droit de vote et droit de cité
La cause du
suffrage féminin a été très en vue pendant l'année. Sur le plan fédéral, les Chambres ont eu à s'occuper d'une motion Schmitt (rad., GE) au Conseil national, demandant une nouvelle consultation populaire sur l'attribution du droit de vote aux femmes. Cette motion a été acceptée par les deux Conseils, ainsi que par l'exécutif; pourtant, une des raisons principales de l'adoption résidait dans le Mit qu'aucun délai n'était fixé pour l'organisation de la consultation. Seuls les représentants de cantons à « Landsgemeinde » se sont opposés à la motion: L'introduction du suffrage féminin est en effet tout à fait contraire à leurs traditions
[8]. L'Association suisse pour le suffrage féminin a mis l'accent sur la nécessité de parvenir à l'universalité des droits civiques avant la révision totale de la Constitution
[9]. L'opinion générale cependant a prévalu qu'il convenait d'attendre les développements de la cause dans les cantons, pour ne pas risquer un nouvel échec en votation fédérale.
C'est dans les cantons que l'attention a été la plus vive. En effet, plusieurs d'entre eux se sont prononcés sur le sujet, et les débats n'ont pas manqué d'être vifs. Le demi-canton de Bâle-Campagne s'est prononcé sur le principe d'une révision constitutionnelle tendant à introduire le suffrage féminin, par étapes, selon la procédure législative normale: ce scrutin indicatif a été favorable, tous les partis avaient recommandé le oui à l'exception du PAB
[10]. Bâle-Ville, quant à lui, a tranché la question définitivement. Le Grand Conseil s'est prononcé favorablement en février et la votation populaire a eu lieu le 26 juin. Son résultat, positif, par 13.713 oui contre 9141 non, fait de Bâle-Ville le premier canton alémanique à accorder. le droit de vote aux femmes. Tous les partis étaient favorables au projet; un comité d'action ad hoc représentait l'opposition. On n'a pas manqué de relever la faible participation au scrutin, 34,5 %, qui a été interprétée comme un signe de découragement chez les adversaires, dont le nombre, comparé à celui des votations précédentes, a fondu beaucoup plus nettement que ne croissait celui des partisans
[11].
Mais face à ces deux succès, deux échecs ont été tout aussi retentissants et ont montré l'ampleur des difficultés liées à cette innovation. Ils ont donné raison à ceux qui, en rapport avec l'adhésion éventuelle de la Suisse à la Convention européenne des droits de l'homme, ont admis l'imperméabilité des citoyens helvétiques aux courants venus du dehors: le débat ne se déroule pas sur la question d'un alignement de la Suisse sur les modes de penser démocratiques du reste de l'Europe, mais sur celles *de la place de la femme dans la société et de son intégration à des structures dont la valeur démocratique est éprouvée. Dans le canton du Tessin, une initiative lancée par les sections de jeunes de tous les partis avait recueilli près de 12.000 signatures; elle fut déposée le 3 janvier. Le débat qui s'ensuivit aboutit à l'élaboration d'un contre-projet, adopté par le Grand Conseil, à l'unanimité moins une voix, le 24 février
[12]. La campagne référendaire se déroula sans qu'apparaisse une opposition tessinoise organisée
[13]. Pourtant, le 24 avril, le peuple repoussa le contre-projet par 17.116 non contre 15.974 oui, avec une participation de 58 %
[14]. Dans le canton de Zurich, où la campagne des partisans comme celle des adversaires s'étala sur toute l'année, le résultat fut identique. Tous les partis sauf le PAB étaient favorables au projet, qui fut soumis au Grand Conseil le 6 janvier et adopté par lui à la fin d'août
[15]. Le peuple, appelé à se prononcer le 20 novembre, décida, par 107.773 non contre 93.372 oui, d'en rester au statu quo; la participation était de 70 %. La ville de Zurich acceptait le projet, par 49.394 contre 37.872, alors que Winterthour le refusait; on a noté que les quartiers rejetants de la ville de Zurich étaient ceux qui donnent aux élections des majorités de gauche, malgré les positions sans équivoque prises par les syndicats et le parti socialiste en faveur du suffrage féminin
[16]. Les progrès par rapport aux consultations précédentes sont sensibles.
Dans les autres cantons, à la fin de l'année, un projet attendait le verdict populaire à Schaffhouse; des motions ou des projets gouvernementaux étaient pendants, devant le législatif, en Valais, à Fribourg, à Lucerne, à Soleure, aux Grisons. Les cantons d'Argovie et de Zoug prévoyaient une consultation des femmes
[17].
Si la question du
droit de cité a été évoquée en rapport avec la politique des autorités envers la population étrangère, un dernier aspect des droits fondamentaux, la liberté d'établissement, a fait l'objet d'une communication du Conseil fédéral aux cantons en rapport avec le postulat Schaffer (soc., BE) de 1964. L'exécutif fédéral estime ne pas devoir modifier l'article 45 Cst.; il demande aux cantons, pour sauvegarder leur souveraineté, de faire usage avec modération. du droit de refuser l'établissement. Les cantons sont d'ailleurs tous parties maintenant au concordat sur l'assistance au lieu de domicile. Une abolition de l'article 45 entraînerait une certaine dévalorisation du droit de cité
[18].
[8] Cf. TdG, 145, 24.6.66; TdL, 176, 25.6.66; NZZ, 3872, 14.9.66; Bull. stén. CE, 1966, p. 258 ss. ; Zürcher Woche, 41, 14.10.66.
[9] NZZ, 221, 16.5.66; Bund, 191, 17.5.66; BN, 205, 17.5.66; NZZ, 2232, 20.5.66; Lib., 126, 12.6.66.
[10] Votation du 13 mars; 8321 oui contre 6210 non, avec une participation de 32,2 %. Cf. BN, 119, 14.3.66; NZ, 120, 14.3.66. A la suite de ce succès, le Conseil d'Etat a publié un projet de révision de la Constitution le 30 août; cf. BN, 366, 30.8.66; NZZ, 3650, 31.8.66; TdG, 204, 1.9.66.
[11] Cf. NZ, 82, 18.2.66; 84, 20.2.66; BN, 76, 18.2.66; 77, 19.2.66. — NZZ, 2617, 14.6.66; NZ, 289, 27.6.66; BN, 265, 27.6.66. Les commentaires de la presse suisse ont été très largement répandus; cf. notamment GdL, 147, 27.6.66; NZZ, 2831, 27.6.66; Var., 147, 28.6.66; Ostschw., 151, 2.7.66.
[12] NZZ, 94, 9.1.66; 790, 23.2.66; Dov., 46, 25.2.66.
[13]Tract du Comité d'action de la ligue suisse des femmes opposées au suffrage féminin; cf. TdL, 116, 24.6.66. Cf. aussi PL, 89, 19.4.66; 90, 20.4.66; GT, 89, 19.4.66; LS, 92, 22.4.66; CdT, 23.4.66.
[14] Cf. PL, 94, 25.4.66; NZZ, 1814, 25.4.66; GdL, 95, 25.4.66.
[15] NZZ, 63, 7.1.66; 473, 4.2.66; 2060, 9.5.66; 2176, 16.5.66; 2280, 23.5.66: 3622, 29.8.66. Le Grand Conseil entra en matière après trois séances de débat le 23 mai, par 118 oui contre 47 non. Le vote final en deuxième lecture, le 29 août, fut de 104 oui contre 40 non.
[16] NZ, 539, 21.11.66; GdL, 272, 21.11.66.
[17] Sur l'état de la question au début de 1966, cf. Bund, 44, 1.2.66; NZZ, 431, 1.2.66; Lib., 25, 1.2.66; à la fin de 1966, cf. Bund, 44, 1.2.67. Cf. aussi plus bas, p. 129 s.
[18] Cf. NZZ, 790, 23.2.66; NZ, 91, 24.2.66; GdL, 46, 24.2.66 et plus haut, p. 10. Sur le problème de l'assimilation des étrangers, voir plus bas, p. 105 s.
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