Année politique Suisse 1966 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
 
Europe
Sur le plan européen, l'année 1966 a été la dernière de la période de désarmement douanier au sein de l'AELE dont la Suisse fait partie. Le 31 décembre, les derniers 20 % des droits sur les produits industriels ont été supprimés et le Traité de Stockholm a commencé à déployer tous ses effets [23]. Ce succès est réjouissant et n'a pas manqué de susciter la satisfaction des milieux officiels. Les institutions dont l'AELE est dotée ont paru suffisantes aux yeux des autorités suisses qui, décidées à poursuivre l'élaboration d'un grand marché européen libre-échangiste, n'ont pas admis pourtant qu'on pût considérer l'AELE comme un instrument provisoire et limité, et qu'on n'en exploitât pas toutes les ressources. C'est cependant la CEE qui est restée au centre des préoccupations, et son évolution, ainsi que la politique des membres de l'AELE à son égard, a été suivie avec une extrême attention. La crise politique qui avait paralysé le Marché commun en 1965 a pu se résoudre par l'abandon provisoire de la règle de la majorité au sein du Conseil des ministres; de même, un règlement pour le financement du Marché commun agricole a pu être mis sur pied; la fusion des exécutifs des trois communautés, CEE, Euratom et CECA, n'a cependant pas progressé. On a noté, dans l'évolution de la CEE, un certain assouplissement de l'application du Traité de Rome et l'arrêt du déplacement du centre de gravité en direction de la Commission exécutive et de la supranationalité. Mais les effets de la division économique et de la discrimination tarifaire à l'égard des pays tiers se sont accentués, en même temps que les Six retrouvaient une unité et une position de force envers l'extérieur.
Au sein de l'AELE, les rapports avec la CEE ont fait l'objet de plusieurs discussions. Aucune négociation d'ensemble n'a été décidée. L'Autriche, pour sa part, a poursuivi les négociations entreprises en vue d'une association avec la CEE, mais sans faire de grands progrès; la CEE était peu encline à accorder des concessions de taille à un petit pays, par crainte de devoir en faire de même envers l'Angleterre [24]. C'est bien celle-ci qui a cherché le plus, au cours de l'année, à reprendre le dialogue, en proposant des résolutions au Conseil de l'Europe, en s'efforçant de faire admettre par ses partenaires de l'AELE que la CEE constituait la seule solution et que les autres devaient se greffer sur elle; les débats de la session de janvier du Conseil de l'Europe, puis les réunions des ministres de l'AELE à Bergen et à Lisbonne ont été en grande partie consacrés à ce problème [25]. La Grande-Bretagne a admis de tenir régulièrement au courant ses partenaires de I'AELE des sondages et des négociations qu'elle paraissait décidée à entreprendre à nouveau en fin d'année. La Suisse n'a pas été pressée pour sa part de relancer le dialogue avec la CEE: elle a préféré miser sur le Kennedy Round pour amorcer la discussion et obtenir des abaissements douaniers généraux. Le Conseil fédéral a pourtant indiqué que la position de notre pays ne s'était pas aggravée, en raison des modifications subies par la CEE et dé la pénétration plus grande des industries suisses d'exportation au sein du Marché commun [26].
Le Conseil de l'Europe a constitué un lieu de rencontre et d'échange de vues très utile pour les parlementaires qui y représentent la Suisse. Ceux-ci y ont été très actifs, mais se sont trouvés isolés dans le camp des neutres, lors des débats touchant à l'extension de la CEE, seuls à proposer des solutions en dehors du Traité de Rome. Une proposition de coopération européenne sur le plan de la recherche scientifique et technologique, due à Olivier Reverdin, président de la Commission scientifique et culturelle, a considérablement retenu l'attention [27]. La Suisse a, par ailleurs, ratifié six conventions européennes au cours de l'année, concernant l'extradition, l'entraide judiciaire, le régime de la circulation des personnes, la suppression des visas pour les réfugiés, la circulation des jeunes sous le couvert de passeports collectifs, la classification internationale des brevets d'invention [28]. A la fin de l'année, la Suisse avait ainsi ratifié 17 conventions du Conseil de l'Europe. Sur la question de notre adhésion à la Convention des droits de l'homme, une motion a fait l'objet d'un débat au Conseil national [29].
 
[23] Cf. plus bas, p. 52 s.
[24] Cf. NZZ, 4064, 26.9.66.
[25] Cf. Conseil de l'Europe, in NZZ, 328, 25.1.66; 343, 26.1.66: 356, 27.1.66; 365, 27.1.66; TdG, 24, 29.1.66; GdL, 24, 29.1.66. Sur Bergen, cf. NZZ, 2114, 13.5.66; GdL, 112, 14.5.66; sur Lisbonne, cf. GdL, 251, 27.10.66: 253, 29.10.66.
[26] Cf. Bund, 250, 30.6.66; 451, 18.11.66; NZZ, 2898, 1.7.66; JdG, 307, 31.12.66.
[27] Cf. NZZ, 1996, 6.5.66: 2012, 6.5.66: 4029, 24.9.66: 4127, 30.9.66., et plus bas, p. 121.
[28] Cf. Message du 1.3.66 in FF, 1966, I, p. 465 ss.: les instruments de ratification ont été déposés à Strasbourg le 20 décembre.
[29] Cf. plus haut, p. 13.