Année politique Suisse 1966 : Wirtschaft / Allgemeine Wirtschaftspolitik
Politique conjoncturelle
La politique conjoncturelle a été dominée par le sort fait aux arrêtés urgents destinés à lutter contre le renchérissement. Celui qui prévoyait des mesures dans le domaine de la construction a été abandonné à son échéance, soit à la fin du mois de mars. De l'avis presque général, cet arrêté n'avait pas pu déployer tous ses effets en raison des restrictions de crédit et avait entraîné une intervention trop lourde de l'Etat dans les affaires. Le but recherché, à savoir l'accalmie des prix dans le secteur foncier, était atteint de toute façon. Seuls les socialistes, dont l'accord donné au programme urgent reposait sur cette réglementation, essayèrent de demander sa prolongation devant la commission du Conseil national, mais sans succès
[5]. Quant à l'arrêté sur le crédit, dont la prolongation d'une année avait été décidée par le Conseil des Etats en décembre 1965
[6], il fut soumis à l'avis du Conseil national à la session de printemps. Un revirement d'opinion se produisit dans les rangs socialistes; l'ancien conseiller fédéral Weber, qui avait joué un rôle important pour l'adoption du programme, changea de bord, estimant que l'arrêté avait des conséquences néfastes pour la construction de logements; il entraîna une grande partie de son groupe
[7]. Les demandes d'assouplissement en faveur du capital étranger, posées en conditions par les milieux d'affaires pour la reconduction, ne reçurent pas de réponses impliquant un engagement formel du Conseil fédéral. La commission, forte de 27 membres, n'accepta la reconduction que par 9 voix, contre 5 non et 5 abstentions, les autres étant absents lors du vote
[8]. Le Conseil national lui-même, après un long débat, vota la prorogation par 89 voix contre 55, un grand nombre de députés s'abstenant. Les socialistes avaient voté en majorité contre le projet; les autres « non » émanaient des indépendants, des libéraux, des communistes, mais aussi de radicaux et de conservateurs
[9].
Au 1er avril, cependant, une première mesure d'assouplissement fut prise en faveur du capital étranger, autorisé désormais pour les emprunts des centrales des lettres de gage, ceux des banques hypothécaires, ainsi que pour les obligations fédérales concernant l'aide au logement
[10]. L'effet de cette première mesure fut pratiquement nul, car le marché manifestait une tendance à l'exportation de capitaux plutôt qu'à l'importation, l'intérêt étant plus haut à l'étranger. Aussi, dès le 23 juin, les capitaux étrangers furent-ils à nouveau admis pour tous les emprunts obligataires ainsi que pour les émissions de bons de caisse
[11]. Comme le marché restait extrêmement tendu, et que la tendance à l'exportation ne se renversait pas, de nouvelles voix s'élevèrent pour demander l'abolition ou l'assouplissement de l'arrêté
[12]. Un nouveau pas fut fait le 17 octobre, qui supprima toute restriction au placement des capitaux étrangers en Suisse, maintenant seulement l'autorisation obligatoire pour l'achat de biens fonciers et l'interdiction de servir des intérêts aux capitaux étrangers placés en banque à court terme
[13]. Enfin, au leT janvier 1967, l'arrêté fut pratiquement aboli par le Conseil fédéral, qui leva les limitations de crédit et les remplaça par un système de directives émanant de la Banque nationale. Celle-ci, en accord avec l'Association suisse des banquiers, fixa un taux de croissance du crédit de 7 %, mais selon une formulation souple laissant la place à des interprétations larges, en fonction de considérations régionales notamment. Le seul domaine où l'arrêté déploya ses effets de façon continue fut celui du contrôle des émissions; à la fin de l'année, aucun accord entre la Banque nationale et les banques n'était intervenu sur le système qui lui succéderait à partir de mars 1967
[14]. L'année a donc été caractérisée par l'abandon. progressif des mesúres rigides et par la recherche d'un régime plus souple fondé sur des accords volontaires, évolution dictée par celle du marché et par l'impossibilité d'accroître les pouvoirs de la Banque nationale.
Sur le plan du marché du travail, les dispositions sévères du double plafonnement sont restées en place, malgré les revendications des milieux industriels qui leur reprochaient de geler les structures de production
[15].
Le programme complémentaire auquel les groupes politiques avaient accordé beaucoup d'importance en 1964 et en 1965 a continué en 1966 à occuper les esprits, mais la volonté d'en réaliser les points les plus décisifs a fait défaut. Il devait fixer les principes de la succession à donner aux arrêtés conjoncturels. A cet égard, la révision des statuts de la Banque nationale ainsi que la réforme des finances publiques étaient au premier plan. Nous exposons plus bas ce qu'il est advenu de ces projets, faute d'entente entre les partenaires sociaux
[16]. Les autres mesures contenues dans le programme constituaient en quelque sorte le catalogue des domaines dans lesquels on pouvait chercher à influencer la croissance de l'économie. Les auteurs du programme ne lui ont jamais attaché un caractère normatif; ils se sont adressés à la bonne volonté de tous les groupes sociaux.
Sur le plan général, diverses interventions ont tendu à mettre au jour les moyens dont dispose la Confédération pour influencer la conjoncture et la croissance. Une motion Heil (ccs., ZH) a demandé au Conseil fédéral de préparer un projet d'article constitutionnel accordant à la Confédération les moyens d'agir dans ce domaine; elle a été appuyée par le groupe conservateur
[17]. Un programme a été élaboré par la Fédération des sociétés suisses d'employés, préconisant diverses mesures tendant à assurer le libre jeu de la concurrence: lutte contre les cartels et les prix imposés, rationalisation de l'agriculture, de l'industrie et des services
[18]. Le problème d'une véritable politique des prix et des revenus a été soulevé au Conseil national lors de la prorogation de l'arrêté sur le crédit: l'interpellation Eibel (rad., ZH) a mis en garde le Conseil fédéral contre les tentations d'abuser de la situation pour accorder des avantages au secteur public au détriment du secteur privé
[19].
Dans le domaine des prix et des salaires, il faut signaler l'élaboration d'un nouvel indice des prix à la consommation. L'importance de l'indice comme régulateur des salaires a incité les groupes sociaux à surveiller la nouvelle pondération des articles avec le plus grand soin. Le nouveau système de calcul, entré en vigueur en octobre (base 100 = septembre 1966), couvre désormais le 87 % des dépenses des ménages d'ouvriers et d'employés. Le nombre des positions a passé de 170 à 250. Le poste alimentation entre pour 31 % dans les nouveaux calculs (40 % auparavant), celui des loyers a été pondéré à 17 % (20 %); ainsi, les hausses intervenant dans ces secteurs pèseront moins sur les salaires, mais les dépenses pour les transports, l'aménagement du logement, la santé, l'instruction et les loisirs prennent plus d'importance
[20]. La suggestion, contenue dans le programme complémentaire, d'arriver à un accord de stabilisation sur les prix et les salaires, est restée lettre morte. Chacun des groupes économiques concernés a préféré garder sa liberté d'action, et s'est refusé aux concessions que l'intérêt général aurait pu commander. Une conférence des partenaires sociaux, en février, a mis cet échec en lumière
[21].
[5] NZZ, 698, 18.2.66; NZ, 81, 18.2.66.
[6] Cf. APS 1965, in ASSP, 6/1966, p. 157.
[8] NZZ, 698, 18.2.66; NZ, 81, 18.2.66: GdL, 41, 18.2.66; Tat, 48, 25.2.66.
[9] Cf. Bull. stén. CN, 1966, p. 13 ss., ainsi que NZZ, 1037, 10.3.66.
[10] Cf. NZZ, 1308, 25.3.66. Cette mesure était destinée à renforcer les possibilités du financement de logements. Quant à l'emprunt fédéral pour le logement, il n'a pas eu lieu, l'état du marché ne le permettant pas. Cf. plus bas, p. 94 s.
[11] Cf. NZZ, 2683, 17.6.66; GdL, 140, 18.6.66. On estime à 100 millions de francs par mois l'excédent d'exportations de capitaux à ce moment-là. Le conseiller fédéral Bonvin annonça le 22 juin au Conseil national, où deux postulats réclamaient de nouveaux assouplissements, que la moitié des fonds bloqués par la Banque nationale était déjà placée (NZZ, 2765, 23.6.66; GdL, 144, 23.6.66).
[12] Cf. Association suisse des banquiers, in TdG, 218, 19.9.66; CN Eisenring in Vat., 234, $.10.66.
[13] Cf. NZZ, 4383, 14.10.66; TdG, 241, 15.10.66; GdL, 241, 15.10.66.
[14] Cf. GdL, 289, 10.12.66; 304, 28.12.66; NZ, 575, 12.12.66; NZZ. 5601 et 5611, 28.12.66.
[15] Cf. plus bas, p. 103 s.
[16] Voir plus bas, p.49 s. et p. 60 ss. Sur l'ensemble du programme conjoncturel complémentaire, voir APS 1965, in ASSP, 6/1966, p. 158, ainsi que le Bulletin d'information des délégués aux possibilités de travail et à la défense nationale économique, 22/1966, 1, mai; cf. NZZ, 1259, 23.3.66; TdG, 97, 27.4.66.
[17] Cf. Vat., 238, 13.10.66; Bund, 396, 11.10.66.
[18] Cf. NZZ, 3468, 18.8.66.
[19] Cf. note 9, ainsi que Weltwoche, 1687, 11.3.66; Bund, 100, 12.3.66.
[20] Cf. Révision de l'indice suisse des prix à la consommation, rapport de la Commission fédérale de statistique sociale, 77e supplément de La Vie économique, Berne 1966. Voir aussi Domaine public. 55, 23.6.66; TdG, 161, 13.7.66; 188, 13.8.66; NZZ, 3407, 12.8.66; NZ, 370, 13.8.66; GdL, 188, 13.8.66; Tw, 190, 15.8.66; PS, 195, 25.8.66.
[21] Cf. GdL, 31, 7.2.66; PS, 278, 1.12.66. Le patronat, l'artisanat et l'industrie n'ont pas voulu se lier quant aux prix; les travailleurs de même en ce qui concerne les salaires. Cf. aussi GdL, 120, 25.5.66; TdG, 209, 7.9.66; 210, 8.9.66.
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