Année politique Suisse 1966 : Wirtschaft / Allgemeine Wirtschaftspolitik
Politique structurelle
Certains domaines de l'économie sont particulièrement marqués par
l'intervention de l'Etat. C'est le cas notamment de l'agriculture, à laquelle nous consacrons un chapitre spécial
[31]. Il convient ici de s'arrêter brièvement sur deux branches de l'économie privée, qui ont requis la protection de l'Etat à un moment donné. Leur évolution est représentative des tendances contradictoires de libéralisation et d'intervention.
La Confédération a dû contribuer au développement du tourisme dont l'importance pour l'équilibre de la balance des paiements est considérable: n'a-t-il pas participé à l'actif pour un montant de 1,58 milliard en 1965
[32] ? Le Conseil fédéral a modifié son intervention en faveur des rénovations et de l'amélioration des installations hôtelières et des stations de villégiature affectées par le mouvement saisonnier. Il a proposé de prendre à sa charge une partie des pertes, sur cautionnement, jusqu'à concurrence de 100 millions en 10 ans. Cette mesure se doublait d'une réorganisation du crédit hôtelier, créant une Société suisse du crédit hôtelier destinée à reprendre les activités des deux organismes existant: la Société fiduciaire de l'hôtellerie à Zurich, et la Coopérative suisse de cautionnement pour l'hôtellerie saisonnière à Berne
[33]. Par respect du régionalisme, le siège de la nouvelle société, fixé à Zurich, devait être doublé d'une annexe à Berne. Les Chambres supprimèrent l'annexe de Berne et inclurent les auberges de jeunesse dans la liste des établissements bénéficiant de prêts à taux réduits
[34]. Les efforts de publicité ont sollicité plus encore la caisse fédérale, en raison de la hausse des coûts, de la concurrence étrangère et de l'insuffisance des fonds mis à disposition par les milieux intéressés. Le Conseil fédéral et les Chambres ont décidé de porter la subvention annuelle à l'Office national suisse du tourisme (ONST) à 8 millions pour les années 1967-1969, à 10 millions ensuite. Le projet était accompagné d'une demande de crédit de 2,99 millions pour les frais de rénovation de l'agence parisienne de l'ONST. Ce crédit a suscité une vive controverse, en raison du coût élevé des travaux à effectuer sur un immeuble loué, mais surtout à cause de l'intention manifestée par les commissions parlementaires d'aller siéger à Paris pour juger de la situation. Une partie de l'opinion a estimé qu'il ne fallait pas pousser le contrôle parlementaire aussi loin; la commission du Conseil national a fini par faire le voyage, mais en mettant les frais supplémentaires à la charge de ses membres. Et le crédit a été voté
[35].
L'horlogerie est aussi l'une des branches de l'économie les plus importantes du pays; elle joue un rôle considérable pour les exportations, ainsi que sur le marché de l'emploi. Au ler janvier 1966, son statut a été libéralisé par l'abolition du régime du permis de fabrication auquel elle était soumise depuis 1934, et qui avait pour effet de bloquer les structures de production. Il en est résulté une tendance plus vive à lutter contre la concurrence étrangère et à faire passer les considérations économiques avant le maintien d'unités de productions faibles et vieillies. Alors que les anciens accords étaient dénoncés, une nouvelle collaboration s'instaura entre la Fédération horlogère (FH), qui groupe les établisseurs et les manufactures, et la Société générale de l'horlogerie suisse (ASUAG) qui réunit les fabricants d'ébauches et de parties réglantes; une société à participations financières, la Chronos Holding, fut fondée par la FH et l'ASUAG, avec l'appui des grandes banques, pour faciliter les accords de concentration, de recherche et de formation professionnelle entre les entreprises d'horlogerie
[36]. Cette première entente fut suivie d'une seconde, plus étroite, en octobre, entre la FH et 1'ASUAG, tendant à renforcer la politique de. production et de vente
[37]. L'Union des associations de fabricants de parties détachées horlogères (UBAH), qui réunit quelque 600 entreprises, employant 30.000 ouvriers, et qui fournit entre autres produits les boîtiers et les cadrans, ne s'est pas jointe à ces nouveaux accords, menant une politique conservatrice tendant au maintien des structures de production; ses membres ne sont plus au bénéfice des mesures de protection existant auparavant. Le conflit a pris de l'extension lorsque la FH a entrepris de remettre de l'ordre dans le marché international de la montre suisse. Une convention a été conlue avec l'industrie horlogère de Hong-Kong pour réglementer la vente des montres équipées de mouvements suisses, mais qui sont vendues en Asie avec des boîtiers ou des cadrans portant la marque d'origine suisse, alors qu'ils sont fabriqués à Hong-Kong ou au Japon; un contrôle des normes et de qualité sera exercé par la FH
[38]. Cet accord, visant à protéger les marques suisses dans un marché où la concurrence devient très menaçante, allait dans le sens de la libéralisation encouragée par la Confédération; il a été vivement combattu par l'UBAH
[39]. De même, la FH est entrée en contact avec l'URSS, dont l'industrie horlogère est de plus en plus puissante, en vue de chercher les bases d'un accord d'échanges techniques
[40]. Alors que quelques concentrations intervenaient dans le pays, deux manufactures suisses ont été absorbées par des entreprises américaines; les négociations de la FH avec les USA se sont poursuivies avec plus de succès qu'auparavant
[41]. Dans tout ce processus, il s'est agi de rendre la montre suisse plus compétitive sur le plan international et non plus de. conserver des structures de production inadéquates en ignorant la concurrence étrangère.
[31] Voir plus bas, p. 64-68.
[32] La situation économique au 4" trimestre de 1966, 181 ' Rapport de la commission de recherches économiques, supplément à La Vie économique, 40/1967, février, p. 11.
[33] Cf. FF, 1965, III, p. 600 ss. La Société fiduciaire bénéficiait d'une participation de la Confédération à son capital.
[34] Délibérations du CE les 24 mars et 15 juin (Bull. stén. CE, 1966, p. 97 ss. et 167 s.), du CN le 7 juin (Bull. stén. CN, 1966, p. 281 ss.); texte définitif in RO, 1966, p. 1715 ss.
[35] Cf. FF, 1966, I, p. 1136 ss. et 1149 ss. Sur le voyage à Paris, voir Bund, 273, 16.7.66; NZZ, 3189, 23.7.66; 3559, 25.8.66; GdL, 166, 19.7.66; 173, 27.7.66; 253, 29.10.66; 267, 15.11.66. Délibérations du CE le 29 septembre (NZZ, 4114, 29.9.66) et du CN le 29 novembre (NZZ, 5169, 29.11.66).
[36] Cf. TdG, 6, 8.1.66; TdL, 106, 16.4.66; BN, 172, 25.4.66; Bund, 159, 25.4.66. Sur la nécessité d'opérer des concentrations, cf. TdL, 71, 12.3.66 (FH) et GdL, 116, 20.5.66 (Ebauches S.A.).
[37] Cf. TdG, 245, 20.10.66; 277, 26.11.66.
[38] Cf. TdL, 307, 3.11.66; NZZ, 5105, 25.11.66; TdG, 277, 26.11.66.
[39] Protestation de l'UBAH: TdG, 269, 17.11.66; GdL, 287, 8.12.66; Vat., 285, 9.12.66.
[40] GdL, 287, 8.12.66; 297, 20.12.66; TdL, 291, 13.12.66.
[41] Cf. GdL, 33, 9.2.66: 133, 10.6.66; 202, 30.8.66; 239, 13.10.66; NZ, 407, 4.9.66. — On sait que les Etats-Unis ont renoncé à la surtaxe douanière au début de 1967.
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