Année politique Suisse 1966 : Wirtschaft / Landwirtschaft
 
Politique agricole
Deux rapports importants ont été publiés, qui ont confirmé les pratiques suivies auparavant plus qu'ils n'ont suscité de nouveaux développements. Le Troisième Rapport sur l'agriculture, daté du 10 décembre 1965, a porté sur l'évolution survenue depuis la publication, en 1959, du Deuxième Rapport qui déjà avait mis l'accent sur la nécessité d'accroître la productivité [1]. Il a mis en évidence l'amélioration, parallèle à celle des revenus ouvriers dans l'industrie, des revenus du travail agricole; pour cela, il s'appuie sur les statistiques de comptabilités établies par le secrétariat de l'Union suisse des paysans, les «chiffres de Brougg », mais il marque la différence entre les exploitations de plaine et celles de montagne. En plaine, selon les données de Brougg, le revenu du travail agricole atteint presque (95 %) la parité avec celui du travail dans l'industrie. En montagne, la hausse des revenus est correspondante, mais ceux-ci, restant à 40 % en dessous de ceux de plaine, doivent faire l'objet de mesures d'encouragement spéciales. Le rapport envisage pour l'avenir une meilleure adaptation de la production aux conditions naturelles et économiques, l'agrandissement des exploitations par l'extension des surfaces et le développement des branches de culture intensives, la hausse de l'aide financière aux améliorations structurelles, des subventions affectées au soutien des secteurs peu favorisés, ainsi que l'application plus large des méthodes modernes d'élevage.
Le Troisième Rapport a reçu un accueil en général favorable. L'Union suisse des paysans, tout en reconnaissant le sérieux et l'optimisme du rapport, a critiqué cependant le fait qu'on n'ait pas assez tenu compte des facteurs défavorables [2]. Au Conseil national, plusieurs interventions se portèrent sur l'amélioration des structures, d'autres sur les mesures de protection [3]. Au Conseil des Etats, après que le rapporteur Danioth (ccs., UR) se fut fait le porte-voix de diverses doléances paysannes, le président Schaffner insista sur la nécessité, imposée par l'intégration européenne, de rendre l'agriculture suisse plus concurrentielle. Les deux Chambres prirent acte du rapport sans opposition [4].
Les bases de calcul du revenu agricole ont été examinées pour leur part par une commission d'experts, la Commission verte, dont le rapport a été publié en octobre [5]. Les méthodes employées par le secrétariat de l'Union suisse des paysans ont été analysées et reconnues comme valables; le revenu journalier dans les exploitations de plaine a été estimé toutefois par Brougg à un niveau trop élevé, de Fr. 1.50 à Fr. 2.—. Mais la « Commission' verte » avait en outre suscité une nouvelle enquête sur la rationalité, exigée par la loi, des exploitations pilotes dont les comptabilités sont utilisées par le secrétariat: un groupe de travail institué en 1965 par le DEP pour examiner ce problème n'avait pas rendu son rapport à la fin de l'année [6]. De plus, la «Commission verte» a fait remarquer que le calcul du revenu du travail agricole, tel qu'il est exigé par la législation, ne peut pas empêcher des estimations et des choix, du moment que la vie paysanne diffère totalement de celle des ouvriers d'industrie [7]. Le Rapport, soumis à l'appréciation des cantons et des associations, a suscité des réactions très diverses [8].
Le Conseil fédéral a fait suivre le Troisième Rapport d'une proposition d'élever les crédits d'investissements destinés à encourager les réformes de structure [9]. Un montant de 200 millions que les Chambres avaient la liberté d'augmenter de 50 millions, avait été voté pour la période de 1962 à 1968; ce crédit a été déjà dépassé au budget pour 1966, la demande ayant été influencée par la tension du marché des capitaux et par la hausse de l'intérêt. Le Conseil fédéral a proposé de mettre à disposition une somme de 150 millions pour le reste de la période, sous forme de prêts à des conditions très favorables, comme précédemment; pour l'avenir, il prévoyait d'y consacrer des montants plus considérables, grâce aux remboursements effectués, sans que la Caisse fédérale y participe autant. Le parlement surenchérit et accorda 50 millions supplémentaires, portant ainsi le montant total à 450 millions [10].
 
[1] Troisième Rapport sur la situation de l'agriculture suisse et la politique agricole de la Confédération, in FF, 1965, III, p. 433 ss. Cf. aussi NZZ, 1068, 11.3.66; 1081, 12.3.66.
[2] NZZ, 828, 25.2.66, et R. Juni « Agrarpolitische Rundschau » in Agrarpolitische Revue, 22/1965-66, S. 368 if., et plus bas, p. 152.
[3] Ainsi Broger (ccs., AI) et Ami (rad., SO) plaidèrent contre la tendance à industrialiser l'élevage, en particulier celui des porcs (Bull. stén. CN, 1966, p. 166 s., 171 s., 194 ss.).
[4] Délibérations au CN les 21 et 22 mars (Bull. stén. CN, 1966, p. 159 ss.), au CE 1e22 juin 1966 (Bull. stén. CE, 1966, p. 200 ss.).
[5] Rapport de la commission d'experts chargée de déterminer et d'apprécier le revenu paysan (« Commission verte ») à l'intention du DEP, Berne 1966 (ronéographié).
[6] Ibid., p. 18 s.; NZZ, 4481, 20.10.66.
[7] Ibid., p. 243 ss.
[8]Cf. NBZ, 246, 21.10.66; 248, 24.10.66; CdL, 248, 24.10.66; Tw, 248, 21.10.66; Tat, 249, 22.10.66. La création d'une centrale statistique agricole indépendante a été discutée par le DEP et l'Union suisse des paysans, qui n'en a pas fait une question de prestige (Ostschw., 244, 21.10.66).
[9] FF, 1965, III, p. 509 s.
[10] Y compris les 50 millions dépendant de la compétence des Chambres, cf. Délibérations des Chambres, plus haut, note 4.