Année politique Suisse 1966 : Wirtschaft / Landwirtschaft
 
Production animale
C'est l'élevage bovin qui posa le problème de structures le plus vif. La rébellion, latente depuis 1964, de paysans romands contre la politique d'améliorations, jugéetrop conservatrice et trop rigide, menée par les fédérations d'élevage, a atteint son point critique. Les autorités fédérales ayant refusé d'autoriser l'importation de semence de la race montbéliarde en vue de croisements avec celle du Simmental, la contrebande de semence se développa, entraînant à partir de mars 1966 celle de bétail; ce qui fut la cause d'amendes, d'arrestations, de saisies et d'abattages [11]. Les agriculteurs rebelles réagirent en démissionnant des fédérations et en manifestant; une interpellation eut lieu au Grand Conseil vaudois [12]. Après avoir consulté la conférence des chefs des départements cantonaux de l'agriculture, le Conseil fédéral se décida à une certaine libéralisation, dépassant les conclusions du Troisième Rapport [13]. Reconnaissant le retard des races suisses quant à la productivité laitière, il autorisa la Fédération suisse pour l'insémination artificielle à importer les semences de quelques races étrangères. Il chargea aussi le DEP de préparer une nouvelle ordonnance pour l'élevage qui supprime les zones géographiques attribuées aux races et les restrictions à l'insémination artificielle. L'interdiction d'importer du bétail étranger, défendue par les fédérations, fut maintenue. Les éleveurs « progressistes » ne furent pas satisfaits de ces concessions et proclamèrent leur méfiance à l'égard des fédérations officielles, peu prêtes à introduire les méthodes nouvelles. Ces fédérations s'opposèrent à une plus grande libéralisation, faisant valoir le double rôle des races suisses, productrices de lait et de viande, alors que les races meilleures laitières ne conviennent pas à la boucherie: il importait en outre de préserver l'existence des éleveurs de montagne [14].
La nouvelle loi sur les épizooties contribua aussi à améliorer les structures; elle acquit au cours de sa délibération parlementaire une actualité considérable, due à la pénible vague de surlangue qui sévit pendant l'hiver 1965-1966. Elle modernisait et étendait la lutte contre les épizooties, prévoyant en outre l'accroissement des compétences de l'Office vétérinaire fédéral dans les cas d'urgence. Le Conseil fédéral tenta de restreindre la part de la Confédération aux charges supportées dans ce domaine par les cantons, mais n'obtint qu'un succès partiel [15]. Se fondant sur la nouvelle loi, le Conseil fédéral décida en décembre la vaccination générale du cheptel bovin contre la surlangue [16].
Dans le domaine des prix et de la distribution, on a constaté des tentatives de libéralisation, qui ont conduit à transférer des charges sur le consommateur. Le lait de consommation a subi une hausse différente selon les régions, du fait de la suppression de la Caisse de compensation du prix du lait, au début de l'année [17]; l'Office fédéral du contrôle des prix avait cependant reçu la compétence de fixer au besoin des prix et des marges maxima [18]. L'arrêté sur l'économie laitière de 1966, destiné à succéder à celui de 1962 qui venait à expiration en octobre, prévoyait une participation plus différenciée des producteurs aux frais de mise en valeur, ainsi qu'une limitation des subventions fédérales destinées à couvrir les écarts causés par les hausses de prix du lait sur les coûts des produits dérivés. Au Conseil national, les socialistes et le PAB tentèrent en vain de supprimer la limitation des subventions [19]; la suppression totale des subventions destinées à abaisser le prix des produits laitiers sur le marché intérieur, décidée par le Conseil fédéral selon l'avis de la commission Stocker, précipita le mouvement en sens contraire [20]. La hausse des prix qui en résulta pour le consommateur engagea les associations agricoles à repousser au printemps 1967 les revendications fondées sur la parité des revenus, après que le président Schaffner leur eut promis une adaptation du prix du lait et du bétail de boucherie à cette date, la hausse immédiate des suppléments de prix sur les graisses et huiles comestibles ainsi que le maintien intégral des crédits destinés aux améliorations de structures [21]. Le chef du DEP n'a pas manqué, au congrès de l'Union syndicale suisse, de faire valoir la retenue manifestée par la paysannerie [22].
Le commerce du fromage a fait l'objet aussi de certains efforts libéralisateurs, dus à l'initiative de la Confédération. La division de l'agriculture du DEP, se fondant sur le rapport d'une commission formée en 1961, prépara un projet d'organisation du marché du fromage, qui fut communiqué en juin aux milieux intéressés. Les contingents alloués aux firmes groupées dans l'Union suisse du commerce de fromage (Käseunion), qui jusqu'alors étaient sujets à révision tous les quatre ans, devaient être abolis progressivement, et la distribution pratiquée selon les besoins et les capacités de stockage grâce à la constitution d'une réserve de marchandises. Il s'agissait par-là d'encourager l'initiative des firmes en vue de restaurer la concurrence. L'organisation en vigueur rendait très difficile la révision périodique des contingents, à cause de la sous-enchère pratiquée sur les prix, de l'insuffisance des sanctions qui en découle et des groupements de firmes faussant les conditions de la concurrence. Le Conseil fédéral proposa par conséquent aux Chambres de renoncer à la révision fixée au ler août 1966, en espérant qu'une nouvelle organisation du marché pourrait être mise en place avant l'échéance de la loi actuelle à fin juillet 1968 [23]. La discussion de principe exerça ses effets sur les délibérations parlementaires visant à renoncer à la révision des contingents. La Käseunion, appuyée par les milieux laitiers, se rangea de façon inattendue à l'idée d'une répartition souple. Au Conseil national, les tenants du libéralisme agricole comme les représentants des producteurs proposèrent d'abandonner la répartition à la Käseunion jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle organisation. Le DEP proposa en retour de réserver, en 1967 déjà, 30 % des marchandises dont la distribution serait de la compétence fédérale. L'opposition libéralisatrice à la poursuite d'un système étatique se heurtait aux opinions de ceux qui ne croient pas à la volonté de la Käseunion de libérer le marché; celle-ci, d'ailleurs, ne renonçait pas à la garantie de son déficit par la Confédération. La controverse prit fin lorsque le Conseil national, se ralliant à la décision du Conseil des Etats et à la proposition initiale du Conseil fédéral, repoussa l'examen du problème à la révision totale de l'organisation [24].
 
[11] NZZ, 3181, 22.7.66; TdG, 125, 1.6.66; TdL, 156, 5.6.66; Lib., 133, 11.6.66; GdL, 306, 30.12.66.
[12] TdG, 75, 30.3.66; GdL, 116, 18.5.66 (Interpellation Candaux au Grand Conseil vaudois); 129, 6.6.66; TdL, 193, 12.7.66; 250, 7.9.66; 314, 10.11.66.
[13] GdL, 197, 24.8.66; 205, 2.9.66; 206, 3.9.66; 227, 29.9.66; TdG, 208, 6.9.66. Voir aussi Troisième Rapport, in FF, 1965, III, p. 464.
[14] Cf. Landammann Feusi (GL) in NZZ, 3386, 11.8.66, et Danioth (ccs., UR) au CE le 22 juin (Bull. stéra. CE, 1966, p. 202). Les vétérinaires, pour des raisons sanitaires, s'opposèrent aussi à l'importation de bétail (GdL, 255, 1.11.66).
[15] Message du Conseil fédéral, in FF, 1965, Il, p. 1082 ss. Délibérations du CE le 14 décembre 1965 et le 6 juin 1966 (Bull. stéra. CE, 1965, p. 178 ss. et 1966, p. 135 ss.), du CN le 17 mars et le 14 juin 1966 (Bull. stén. CN, 1966, p. 117 ss. et 359). Texte définitif in RO, 1966, p. 1621 ss. Sur l'extension de l'épizootie de surlangue, la plus grave depuis 1939, cf. ASW, 1966, p. 73; TdG, 62, 15.3.66; Rapport du Conseil fédéral sur sa gestion en 1966, DEP, p. 48 ss. et p. 59 ss.
[16] RO, 1966, p. 1638 s.
[17] Cf. APS 1965, in ASSP, 6/1966, p. 166 s.; TdG, 299, 22.12.65; NZZ, 5583, 30.12.65.
[18] RO, 1965, p. 1315 s.
[19] Message du Conseil fédéral, in FF, 1965, III, p. 545 ss. Délibérations du CE le 15 mars (Bull. stén. CE, 1966, p. 29 ss.), du CN le 9 juin (Bull. stén. CN, 1966, p. 338 ss.). Cf. aussi NZZ, 49, 6.1.66; 996, 8.3.66.
[20] Voir plus haut, p. 59 s.
[21] TdG, 237, 12.10.66; 245, 20.10.66; NBZ, 250, 26.10.66. La fédération des producteurs de lait de Suisse centrale critiqua la suppression des subventions qui, selon elle, rendrait plus difficile la hausse du prix du lait à la production (NZZ, 4675, 1.11.66).
[22] GdL, 240, 14.10.66.
[23] FF, 1966, I, p. 937 ss. Cf. aussi NZZ, 3556, 25.8.66; 3569, 26.8.66; 3633, 30.8.66; 3637, 31.8.66.
[24] Délibérations du CE le 28 septembre (Bull. stén. CE, 1966, p. 253 ss.), du CN le 29 novembre et le 7 décembre (Bull. stén. CN, 1966, p. 583 ss. et 612 ss.).