Année politique Suisse 1966 : Allgemeine Chronik / Öffentliche Finanzen
 
Planification des finances publiques
Une planification à long terme des finances publiques a été prévue dans le programme complémentaire. Le DFD, au cours de 1965 déjà, s'est livré à des estimations qui l'ont conduit à prévoir, pour la période âllant de 1966 à 1974, une série de déficits au compte financier, allant de 500 millions à 1 milliard [10]. Les chiffres publiés avec le budget 1967 indiquent que l'administration a prévu déjà un déficit de 1 milliard en 1967, à supposer que toutes les demandes pendantes soient satisfaites [11]. Selon la méthode utilisée, les calculs ont été poussés assez loin pour la période allant jusqu'en 1969, alors que pour celle de 1970 à 1974, les estimations sont plus vagues. Dans la période rapprochée, les calculs faits sur la base des prix initiaux sont réajustés d'année en année en fonction du renchérissement intervenu. Ce travail a cependant été rejeté dans l'ombre par celui, parallèle, accompli par une commission de huit experts économistes présidée par le professeur Jöhr de Saint-Gall. Formée, à l'origine, pour établir des méthodes d'estimations et pour vérifier celles mises au point par l'administration, elle a préféré, au cours de quatorze mois d'activité, poursuivre son travail jusqu'au bout et établir ses propres conclusions prospectives. Son rapport, publié le 5 septembre, a soulevé un vif intérêt. La commission a fondé ses calculs sur les données de croissance économique qu'elle tirait des quinze dernières années. Elle a admis un taux de croissance de la population active de 0,6 %, un accroissement annuel de la productivité de 2,8 %, ainsi que la progression du produit national brut (PNB) réel à un taux de 3,5 %. Elle a présenté ses calculs selon.trois variantes, aux prix de 1965, puis en admettant une hausse de l'indice des prix du PNB de 1 % (ce qui correspond à la stabilité des prix à la consommation) et enfin en prévoyant une hausse de l'indice des prix du PNB de 3 % (hausse des prix à la consommation de 2 %). Selon la variante la plus élevée, la hausse du PNB nominal serait donc de 6,5 % par an. La commission a réduit chacun des groupes de recettes et de dépenses à une fonction d'élasticité, en tenant compte d'une part des tâches déjà arrêtées ainsi que d'autres, probables (transports, routes, aide aux universités), des conséquences probables de l'AELE et du Kennedy Round sur les droits de douane; pour les recettes fiscales, d'autre part, elle s'est fondée sur les bases légales de 1965. Elle a .ainsi pu estimer le taux de croissance des recettes à 8,5 % pour les impôts et à 4,6 % pour les droits de douane et les autres postes, aboutissant à un total de recettes, selon la variante supérieure, de 9151 millions en 1974. Pour les dépenses, elle a retenu un taux de croissance de 9,4 %, qui porterait le total à 11.054 millions en 1974. Le déficit s'élèverait alors à 1903 millions. Les calculs parallèles menés pour les cantons et les communes aboutissent à des déficits de 2196 et de 1536 millions en 1974. La part des dépenses publiques au PNB serait alors de 25 % environ [12]. La commission a émis aussi des conclusions, d'ordre politique. Elle a constaté qu'il y avait peu de possibilités de restreindre les dépenses, qu'il faudrait donc rechercher de nouvelles recettes pour éviter un endettement estimé à 12 milliards en 1974 (et dont la charge représenterait plus d'un demi-milliard); elle a suggéré d'éviter les dépenses publiques à l'étranger, et tout au moins de compenser celles-ci par des impôts nouveaux pour éviter l'inflation. Elle a émis l'avis que les calculs devraient être révisés tous les deux ans. Enfin, une hausse des impôts correspondant aux montants à couvrir serait encore supportable pour l'économie et n'empêcherait pas la hausse du niveau de vie.
Ce travail, très important, n'a pas manqué d'impressionner. Il a contribué à accélérer une prise de conscience que le Conseil fédéral n'était pas parvenu à obtenir malgré ses avertissements. Cependant, il a été critiqué assez vivement par des observateurs, pour la plupart liés aux affaires, qui ont reproché à la Commission Jöhr d'avoir pris des options politiques en préjugeant de décisions encore pendantes, d'avoir fait preuve de fatalisme et d'avoir voulu forcer l'idée d'une hausse des impôts [13]. La guerre menée ainsi contre l'expertocratie s'explique par la volonté d'agir d'abord sur les dépenses, comme nous allons le voir; elle n'a d'ailleurs pas empêché le Conseil fédéral de juger les travaux de la Commission Jöhr comme utiles et extrêmement valables, même lorsque ses conclusions s'écartent de celles du rapport [14]. Un autre groupe d'experts a en outre estimé les besoins d'investissements pour l'infrastructure à 585 milliards d'ici à 1985, dont 295 à la charge des pouvoirs publics, ce qui n'est pas contradictoire avec le rapport Jöhr [15].
 
[10] Cf. Rapport du Conseil fédéral sur sa gestion en 1965, p. 9.
[11] Cf. Message du Conseil fédéral concernant le budget de la Confédération pour 1967, p. 40.
[12] Rapport de la commission d'experts chargée de procéder d une évaluation des recettes et des dépenses de la Confédération pour la période de 1966 d 1974 (Commission Jôhr), Berne 1966. Cf. aussi NZZ, 3729 et 3743, 6.9.66; 3809, 10.9.66; TdG, 208, 6.9.66.
[13] NZZ, 3772, 8.9.66; Vat., 219, 21.9.66 (interpellation Korner, ces., LU) ; NZZ, 3987, 21.9.66 (Société pour le développement de l'économie suisse); Bund, 380, 29.9.66 (interpellation Raissig, rad., ZH, et Correspondance politique suisse); Vat., 246, 22.10.66 (service de presse conservateur).
[14] Message du Conseil fédéral concernant le budget 1967, cf. plus haut, note 11.
[15] Groupe de recherche de l'Institut pour l'aménagement local, régional et national, présidé par le professeur Rotach; cf. NZ, 526, 13.11.66.