Année politique Suisse 1967 : Grundlagen der Staatsordnung / Politische Grundfragen und Nationalbewusstsein
Révision totale de la Constitution fédérale
La vie politique en Suisse a accéléré son mouvement
[1]. Les signes en sont apparus dans plusieurs domaines, notamment dans le voeu exprimé d'une révision totale de la Constitution fédérale. L'acceptation des motions Obrecht et Dürrenmatt
[2] a entraîné, en 1967, les premiers examens de cette question. Parmi les travaux qui ont été entrepris pour aplanir le champ des investigations, il faut mentionner en premier lieu l'Annuaire 1967 de la NSH
[3]. Cet ouvrage expose sans détours la tension existant entre le droit constitutionnel et la réalité. Bien que la vingtaine de contributions qui le composent ne parviennent pas à des conclusions semblables, l'existence de ce fossé en ressort à l'évidence. Ainsi, nous y apprenons que le développement rapide de la technique, des domaines économique et social, place la Suisse devant de sérieux problèmes inconnus jusqu'ici (pollution de l'eau, de l'air et du sol, par exemple), qu'il fait croître en raz de marée des tâches anciennes (éducation; recherche, communications), qu'il rend plus urgente, tout en la rendant plus facile, l'intervention de 1'Etat sur le plan social
[4]. Les structures politiques ne répondent plus du tout aux conditions qui régnaient en 1874 ou même en 1848. La multiplicité des partis, l'existence d'associations économiques bien plus influentes, une administration
[5] qui a atteint le gigantisme en même temps que les tâches de l'Etat et qui volontiers se complaît à l'autocratie, sont des données dont les constituants du XIXe siècle n'avaient pu tenir compte. Le problème central qui est posé à la Suisse est celui, selon Huizinga, de savoir si elle parviendra « à trouver les formes de liberté qui seront encore possibles dans un monde fortement mécanisé »
[6].
Le Conseil fédéral chargea en mai un groupe de travail, composé de neuf membres et placé sous la présidence de l'ancien conseiller fédéral Wahlen, des préparatifs préliminaires à une révision totale
[7]. Le 27 novembre déjà, ce groupe publia un catalogue de 100 questions. Les gouvernements cantonaux,.les universités et les partis furent invités à prendre position sur les questions qui les intéresseraient et, au besoin, à en formuler d'autres. On laissa ouverte l'opportunité qu'il y aurait à faire précéder la révision totale d'une série de révisions partielles (suffrage féminin, droit foncier, articles confessionnels) ou non. Partout, on se montra agréablement surpris de la manière ouverte et expéditive avec laquelle ces premiers travaux avaient été conduits. Toutefois, des critiques furent émises sur le choix des autorités et des groupes consultés
[8]. Mais, sur ce point, la presse accorda un appui sérieux au groupe de travail
[9].
L'opinion publique s'est partagée sur plus d'un point particulier. Tout d'abords un accord a fait défaut sur les problèmes de l'opportunité de révisions partielle, préalables, du moment choisi, qui n'est peut-être pas du tout propice ni ne le justifie, enfin de l'ampleur à donner à cette révision. Ce sont les milieux catholiques qui se montrèrent les plus sceptiques à ce sujet
[10]. Ils préféreraient que les points dont la révision s'impose avec le plus d'urgence (les articles confessionnels entre autres) soient réglés d'abord par des révisions partielles. On a avancé, pour justifier ce point de vue, qu'une révision totale, à moins d'être superficielle seulement, serait trop chargée et ne survivrait pas à la votation populaire. A ce propos, le conseiller national Leo Schürmann a qualifié le travail de la commission Wahlen de vulgaire exercice de séminaire au niveau le plus élevé
[11]. Pour des raisons analogues, une révision par paquets a été demandée par de nombreux observateurs
[12]. En ce qui concerne l'ampleur de la révision, le groupe de travail s'attira un soutien d'autant plus large que, tout en affirmant qu'il ne fallait pas mettre en question les fondements spirituels de la Constitution, il proposa de réévaluer tout ce qui touche au rôle de la Suisse dans le monde et à son intégration
[13]. Certains cantons se mirent tout de suite à l'ouvrage, et en premier lieu le Tessin
[14].
Malgré ces débuts prometteurs, le destin de la révision totale est encore incertain. Par ailleurs, la réforme de plusieurs structures et institutions qui ne sont plus adaptées aux réalités est d'une telle urgence qu'on ne peut pas attendre un règlement global. Cela vaut particulièrement pour les structures du fédéralisme et pour le système actuel de gouvernement, qui n'est plus en mesure, à bien des égards, de satisfaire à une efficacité suffisante.
[1] TdG, 282, 1.12.67; GdL, 304, 29.12.67.
[2] Voir ASP 1966, p. 8 s.
[3] La Suisse, Annuaire national de la NSH, 38/1967, Essais sur la réforme de l'Etat, Berne (1966).
[4] Cf. W. KÄGI in La Suisse, op. cit., p. 35 ss.
[5] Cf. KARL HUBER, ibid., p. 242 ss.
[6] Cf. KURT BÄCHTOLD, ibid., p. 138 SS.
[7] Cf. NZZ, 2305, 26.5.67.
[8] La Société pour le développement de l'économie suisse regretta qu'on n'ait pas fait appel aux associations économiques; la NZ, 560, 3.12.67, estime qu'on ne peut rien attendre de créateur de la part des cantons et des partis.
[9] Cf. NZZ, 5175, 1.12.67.
[10] Vat., 5, 7.1.67; Ostschw., 280, 2.12.67.
[12] Bund, 314, 28.11.67; NZZ, 2305, 26.5.67.
[13] Cf. Genossenschaft, 33, 19.8.67; GdL, 278, 28.11.67; Bund, 314, 28.11.67; NZZ, 5243, 5.12.67.
[14] Constitution d'un groupe de travail destiné à représenter la Suisse italienne, cf. GdL, 286, 7.12.67.
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