Année politique Suisse 1967 : Grundlagen der Staatsordnung / Wahlen / Elections fédérales
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Campagne électorale
La conduite de la campagne électorale de 1967 a clairement montré que les anciens moyens de propagande tels que les assemblées publiques avaient largement perdu de leur efficacité face à des moyens plus récents, tels que la télévision. Les assemblées ne servent plus guère qu'à driller les militants. Elles ont cependant perdu tout pouvoir d'attraction sur les électeurs indépendants, et ne sont plus par conséquent l'instrument qui servait à les capter. Elles ont été généralement mal revêtues en 1967. Dans la banlieue bernoise, en guise d'exemple, où une réunion contradictoire avait été annoncée, ne se retrouvèrent que les deux orateurs et deux fonctionnaires de parti. On a pourtant essayé d'animer ces assemblées par des moyens artificiels, en combinant la réunion avec une revue de patinage, ou en offrant une collation aux membres du parti [12]. Le «Team 67 », groupement ad hoc formé pour les élections par les jeunes radicaux d'Argovie, pensa bien faire en affichant comme tambour électoral le fameux écrivain non-conformiste allemand Günther Grass, qui est d'ailleurs le beau-frère d'un des chefs du groupe [13]. Le succès des urnes ne répondit pas à cette audace, qui eut pourtant le mérite de faire battre le record de participation à une assemblée: 5000 curieux se trouvèrent même prêts à payer leur place pour assister à une représentation politique de ce style; ils ne furent pas autant à appuyer le «Team 67 ».
L'efficacité propre à chacun des autres moyens traditionnels de propagande ne peut être évaluée avec précision. Plusieurs journaux consacrèrent de nombreux articles aux élections et aux partis [14]. Il ne faut pas sous-estimer, en tout cas, la propagande de bouche à oreille, le porte-à-porte, pratiqués par les militants des partis. Ainsi, le travail discret de citoyens modestes semble avoir eu une influence déterminante sur le résultat des élections de Bâle-Ville au Conseil des Etats; le Parti libéral, riche en moyens financiers, en effet, malgré sa propagande démesurée — ou peut-être précisément à cause d'elle — ne parvint pas à faire passer son candidat. L'importance croissante de la radio et de la télévision ne doit pas être négligée; elle s'est développée avec le nombre des concessionnaires. Tous les groupements, même si leur importance politique n'était pas très considérable, purent utiliser ce canal pour plaider leur cause devant un large public [15]. Une chance supplémentaire fut ainsi accordée aux partis qui disposaient de faibles moyens financiers. En Suisse allemande, trois grandes émissions furent organisées. Le sujet de la première (les tâches de l'Etat moderne et leur financement) était formulé de façon si vague que les participants purent facilement sortir du sujet et faire de la propagande partisane [16]. La deuxième émission fut consacrée à une discussion contradictoire entre soi-disants partis gouvernementaux et partis d'opposition, qui trahit une méconnaissance étonnante des réalités politiques suisses et fit dévier le sujet [17]. La troisième enfin, au cours de laquelle neuf représentants des partis durent répondre sur le champ aux questions que leur posaient les téléspectateurs par téléphone, fut au contraire très passionnante [18]. On peut en conclure que la télévision a certes servi à intéresser les citoyens, mais sans leur simplifier le choix en aucune manière.
Le phénomène marquant des élections fédérales a été constitué sans aucun doute par l'apparition de nouveaux groupements politiques marginaur. Certes, en 1963, le Mouvement populaire zurichois contre la surpopulation étrangère, d'un certain Stocker, n'avait été pris au sérieux par personne. Quatre ans plus tard, ce mouvement, avec d'autres, qui réunissent des citoyens mécontents, défavorisés par la conjoncture économique, s'imposait comme une réalité politique impossible à ignorer. L'un de ces partis, les « Vigilants » genevois, était pourtant parvenu en 1965 déjà à s'assurer un succès remarquable en conquérant 10 sièges au Grand Conseil [19]. Miroirs fidèles de l'aigreur de leurs militants, ces nouveaux groupes jouèrent habilement du courant d'opposition dont on sentait la vigueur croissante, et se prononcèrent pour des solutions politiques plus ou moins extrêmes. A Genève et à Zurich, ils ont emboîté le pas, sans qu'on puisse néanmoins le prouver entièrement, aux partis frontistes d'extrême-droite apparus dans les années trente. Mario Soldini, l'un des chefs des Vigilants genevois, s'était par exemple signalé en 1935 comme collaborateur étroit du fasciste Oltramare. A Zurich, James Schwarzenbach, avec son « Action nationale contre la surpopulation étrangère », succéda en quelque sorte au groupe emmené par Stocker, en 1963 [20].
A l'aile gauche, faisant acte de non-conformisme, apparurent non seulement des jeunes gens en colère, mais aussi des hommes d'âge mûr. Il faut signaler, dans cet ordre d'idées, les « Junge Löwen » de Winterthour, qui ne présentèrent pas de liste particulière, et le «Team 67 », en Argovie, qui prônait une manière de libéralisme progressiste, et qui fit annoncer par son porte-parole Günther Grass que le premier devoir du citoyen était de refuser la tranquillité [21]. Le professeur Marcel Beck, qui appartenait au Conseil national, sans être inscrit à un groupe, représenta l'homme âgé en colère avec sa « Liste pour la libre expression au parlement ». Dans le canton de Vaud, des jeunes gens acquis à l'idée ethnique propagée par les séparatistes jurassiens formèrent le « Parti unitaire romand ».
Les partis représentés au Conseil fédéral se sont trouvés, en ce qui concerne les arguments électoraux, devant un choix: ou bien ils se sont décidés à défendre la politique faite par le gouvernement pendant la législature, ou bien ils ont essayé de démontrer qu'ils ne pouvaient être tenus pour responsables de certaines décisions critiquées. Cette seconde attitude ne doit pas être considérée à priori comme ambiguë. L'absence de 'responsabilité gouvernementale, telle que la connaissent les démocraties représentatives, rend naturel le fait que, dans un style d'ailleurs coutumier de la politique suisse, les partis «gouvernementaux» se soient livrés, dans la campagne électorale de 1967, à une manière plus ou moins compétitive d'opposition, afin de couper les ailes à l'« opposition » au sens étroit du terme [22]. La distance que certains partis cantonaux entendent ainsi prendre à l'égard du parti fédéral reste une question de tact et de mesure. Les radicaux bâlois, pour se mettre en valeur, déclaraient: «Si vous n'êtes pas toujours d'accord avec la politique radicale suisse à Berne, c'est une bonne raison de voter radical à Bâle... »; car ils désirent « un peu plus de courant d'air international, un peu moins de société des officiers et moins de mentalité de fabricants » [23]. Les thèses des radicaux vaudois furent quant à elles plus précises; ceux-ci critiquèrent ouvertement le régime actuel, en décrivant comme dépassées les structures de l'Etat, l'organisation du gouvernement et de l'administration [24]. De nombreux socialistes ont cru devoir se compter parmi les membres de l'opposition, et ont même revendiqué pour leur parti le qualificatif de parti d'opposition [25]. Cependant, tous les partis représentés au Conseil fédéral se sont trouvés unis pour combattre l'opposition au sens strict et les non-conformistes [26].
 
[12] Cf. NBZ, 241, 16.10.67; NZZ, 4336, 15.10.67; Bund, 272, 10.10.67.
[13] Cf. NZZ, 3485, 24.8.67; Vat., 197, 26.8.67.
[14] En Suisse allemande notamment, la NZZ procéda à une analyse détaillée et objective des programmes des partis (NZZ, 4262, 4298, 4364, 4404, 4475, 4481, 4489, 4536, 11.10.-26.10.67). La NZ offrit aux partis l'occasion de se présenter eux-mêmes, mais fit coiffer aprés coup ces textes d'un commentaire à l'effet cynique par A. Huber signant Urs Schweizer (« Wen schicken wir ins Bundeshaus »: NZ, 411, 423, 434, 449, 458, 470, 473, 483, 6.9.-19.10.67); voir aussi plus bas, p. 000, note 32. Le Bund donna en outre une série d'articles (« Vor den Nationalratswahlen »: Bund, 270, 274, 276, 279, 281, 283, 288, 8.10.-29.10.67). Il faut signaler en outre une étude de la NZZ sur la formation de la volonté politique dans la Confédération (NZZ, 3636, 3734, 3816, 3910, 3945, 4023, 4086, 4207 ,4.9.-7.10.67), et l'enquête faite par la NZZ sur les problèmes jugés les plus importants par l'électeur, résultats d'un sondage d'opinion (NZZ, 4460, 22.10.67).
[15] En octobre 1963, 1 581 000 concessionnaires radio et 349 000 concessionnaires de télévision. En octobre 1967, ces chiffres avaient passé à 1 725 000 et 849 000 respectivement. — Voir aussi JdG, 251, 27.10.67; NZZ, 4437, 20.10.67; Ostschw., 248, 25.10.67.
[16] BN, 434, 13.10.67; Bund, 293, 3.11.67.
[17] Bund, 293, 3.11.67; Vat., 20.10.67.
[18] Bund, 287, 27.10.67.
[19] Cf. APS 1965, in ASSP, 6/1966, p. 147 s.
[20] Cf. ASSP, 4/1964, p. 116 s.
[21] Voir plus haut, p. 22.
[22] Cf. NZZ, 3573, 30.8.67; 4336, 15.10.67; NZ, 423, 19.9.67.
[23] Cf. NZ, 453, 2.10.67.
[24] NZZ, 3573, 30.8.67; 4336, 15.10.67.
[25] Vat., 244, 20.10.67.
[26] Cf. NZZ, 4219, 8.10.67; NBZ, 200, 20.8.67. Voir aussi NBZ, 236, 10.10.67.