Année politique Suisse 1967 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
 
Europe
Sur le plan européen, l'année a été dominée par les efforts qu'a accomplis la Grande-Bretagne en vue d'obtenir son admission à la CEE. L'intégration est donc restée au centre des préoccupations, sans pour autant entraîner de changements radicaux dans la situation, ni d'orientation fondamentalement nouvelle de la politique suisse. L'AELE, dont la Suisse fait partie, a atteint ses objectifs au .ler janvier 1967, soit l'abolition des droits de douane pour les produits industriels. Il a été question en cours d'année de poursuivre la libéralisation par l'élimination des obstacles non tarifaires, mais sans qu'on parle d'harmoniser ou de coordonner les politiques des Etats-membres. Au contraire, l'indépendance de chacun de ceux-ci a été soulignée encore une fois par l'abandon de la formule prévoyant la recherche d'arrangements communs et simultanés avec la CEE. En effet, cette formule a été la victime de la volonté britannique d'adhérer rapidement aux Communautés; à la réunion ministérielle de Londres, en avril, la Suisse n'a pu obtenir, avec ses associés de l’AELE, que la promesse qu'on ménagerait des périodes transitoires suffisantes pour éviter le bouleversement des courants d'échanges [43]. Cette liberté accordée en vue des négociations a été interprétée en Angleterre comme un dégagement des obligations britanniques à l'égard de l’AELE [44]; les autorités suisses, réalistes, ont fait valoir le compromis intervenu [45]. L'AELE n'a en tout cas pas été renforcée politiquement par cette évolution, ni comme point de départ pour une grande zone de libre-échange, ni comme partenaire éventuel à négociations.
C'est en fait vers la CEE que les regards ont été tournés, dont le pouvoir d'attraction a été fort sensible. La dernière phase du Kennedy Round a montré aux autorités suisses que des négociations étaient possibles, qu'on pouvait en attendre des arrangements fructueux par secteurs sur le plan commercial [46]. Renforcée sur le plan politique, la CEE était devenue un interlocuteur de poids, dont la longévité ne pouvait plus être mise en doute. L'association, telle qu'elle avait été demandée en 1962, n'apparaissait en outre plus comme la formule la plus favorable. Toutes les possibilités d'accord avec la CEE ont été passées en revue, sans que le Conseil fédéral sorte de la réserve prudente qu'il avait manifestée au cours des années précédentes. L'échec britannique, l'incapacité d'extension dont les Six étaient frappés, lui ont donné raison [47]. La neutralité, les structures démocratiques et fédéralistes, les aspects divers des politiques sociale, fiscale ou agricole des Six, tout cela a été au centre de discussions sur les possibilités d'une adhésion suisse à la CEE. Défenseurs de la souveraineté dans son étendue la plus vaste, des groupes ont pris position contre tout lien institutionnel (adhésion ou association) avec la CEE [48], alléguant que la discrimination douanière était supportable en l'état actuel. D'autres ont reproché au Conseil fédéral son immobilisme apparent et ont souhaité que rien au moins ne fiât entrepris qui éloignât encore la Suisse de la CEE dans le domaine de la législation [49]. L'Union européenne, pour sa part, a continué à faire campagne pour l'adhésion et à rechercher des solutions aux problèmes politiques posés; elle a organisé un sondage auprès des candidats au Conseil national, où sur quelque 500 réponses données (il y avait 1261 candidats), 60 % se sont prononcées favorablement à l'adhésion, et seulement 5 % pour une abstention totale [50].
Les déclarations, nombreuses, des autorités, tout en justifiant l'attentisme officiel, ont laissé planer un doute sur les limites que l'on entend tracer entre ce qui est souhaitable d'obtenir sur le plan économique et ce qui, dans le domaine politique, ne doit en aucun cas être sacrifié. La volonté de tirer le maximum d'avantages économiques de l'Europe intégrée semble cependant primer sur le désir de participer politiquement, avec les concessions et les abandons que cela implique nécessairement, à l'édification de l'unité européenne. La formule d'un accord de commerce avec la CEE, accord préférentiel ou non, devrait retenir les esprits pour les temps à venir [51].
L'activité du Conseil de l'Europe a été dominée par les démarches britanniques, par le conflit du Moyen-Orient et l'établissement d'un régime autoritaire en Grèce. Les délégués suisses sont intervenus notamment dans les débats sur l'intégration (MM. Duft et Weber), sur l'ouverture à l'Est (MM. Bretscher et Bringolf); M. Reverdin a été élu président de la nouvelle commission de la science et de la technologie, qui devrait servir de point de départ à une coopération efficace européenne dans ce secteur [52].
 
[43] Cf. Communiqué de la réunion ministérielle du 28 avril 1967 à Londres, in EFTA Bulletin, 8/1967, n.4, juin, p. 1 et 13. Voir aussi ibid., 8/1967, no 2, mars p. 1 ; JdG, 97, 27.4.67 ; 99, 29.4.67; NZZ, 1789, 24.4.67; 1844, 27.4.67; 1869, 28.4.67; 1889, 30.4.67; GdL, 99, 29.4.67.
[44] Cf. NZZ, 1909, 1.5.67; TdG, 110, 12.5.67.
[45] Cf. NZZ, 1916, 2.5.67; GdL, 101, 2.5.67; 102, 3.5.67; Communiqué du Conseil fédéral: NZZ, 1931, 3.5.67; GdL, 102, 3.5.67. — Voir surtout l'article de M. H. SCHAFFNER in EFTA Bulletin, 8/1967, n° 6, octobre, p. 14 ss.
[46] Cf. plus bas, p. 58 s.
[47] Cf. la série d'articles de F. Aschinger in NZZ, 5302, 8.12.67; 5424, 15.12.67; 5441, 16.12.67; 5522, 22.12.67; 5531, 23.12.67; ainsi que P. Dürrenmatt in BN, 107, 11.3.67; 187, 6.5.67.
[48] Cf. O. Fischer, directeur de I'USAM, in Bund, 198, 16.7.67 et in PRO, octobre 1967; prise de position du PAB suisse in NBZ, 52, 3.3.67. — Voir aussi Bund, 150, 21.5.67.
[49] Cf. NZZ, 55, 6.1.67; JdG, 82, 10.4.67; GdL, 101, 2.5.67; NZ, 186, 2.5.67; 238, 28.5.67; PS, 105, 11.5.67; GdL, 110, 13.5.67; 111, 16.5.67; TdG, 198, 24.8.67; 199, 25.8.67; 200, 26.8.67; 202, 29.8.67; 235, 5.10.67.
[50] Cf. Conclusions du Congres de l'Union européenne du 11 novembre 1967 à Aarau, in Europa, 34/1967, n° 12, p. 8; ainsi que la conférence du prof. D. Schindler à ce même congrès, in Europa, 35/1968, n^ 1, p. 16. — Voir les résultats du sondage in Europa, 35/1968, no 1, p. 2 ss. ; il faut se rendre compte, à ce sujet, que si les milieux parlementaires sont assez proches de l'idée d'intégration, ils ne représentent pas l'avis de la population dans ces proportions-là.
[51] Les déclarations du Conseil fédéral ont été, par souci de conserver la liberté d'action nécessaire, souvent un peu ambiguës, dans la mesure où l'on a voulu laisser tout l'éventail ouvert. Voir JdG, 109, 12.5.67 et NZZ, 2080, 12.5.67, qui citent M. Schaffner selon une dépêche d'agence: « L'intérêt que porte la Suisse à participer sans entrave au marché européen, ainsi qu'à la réalisation d'un grand ensemble européen, devra être accordé aux nécessités des structures de la Confédération. » Cf. aussi NZZ, 978, 7.3.67; 1107, 14.3.67; 1916, 2.5.67; 2962, 8.7.67; 3765, 12.9.67; 3898, 19.9.67; 3924, 20.9.67; TdG, 131, 7.6.67.
[52] Cf. GdL, 20-22, 25.-27.1.67; 223, 25.9.67; JdG, 213, 13.9.67; 221-222, 22.-23.9.67; NZZ, 1807, 25.4.67; 1818, 26.4.67; 4016, 26.9.67; 4020, 27.9.67; 4076, 29.9.67; NZ, 451, 30.9.67. — Voir aussi Europa. 34/1967, n" 5 et 10.