Année politique Suisse 1967 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
 
Aide au développement
L'aide au développement, domaine particulier des relations extérieures de la Suisse, mais essentiel à l'activité de la politique étrangère, à l'affirmation du principe de la solidarité, a connu en 1967 un nouvel essor, alors même qu'elle subissait les critiques les plus vives qu'elle ait eu à endurer depuis plusieurs années. Pourtant, rares ont été ceux qui ont contesté sa nécessité, sa valeur comme élément actif de la politique étrangère, destiné à augmenter le crédit général dont jouit le pays. On s'est plus souvent attaqué au manque de coordination qui gêne apparemment l'application de la politique de coopération, on a accusé le Conseil fédéral de n'avoir pas de conception politique sur ce sujet et de se contenter de distribuer de l'argent, on a critiqué le fait que les pays bénéficiaires de l'aide dépensent trop pour le prestige; surtout, on s'est indigné que de l'aide pût être apportée, même indirectement, à des pays belliqueux dont le plus clair des ressources vont aux forces armées. Ces critiques se sont exercées en hiver, pendant les délibérations sur la poursuite de la coopération technique, puis en été, contre l'aide à l'Algérie, au moment et après la guerre du Moyen-Orient [69].
Le Conseil fédéral semble avoir été pris au dépourvu par ces attaques qui, sans mettre en cause sa volonté de contribuer à l'aide, ont rendues apparentes certaines hésitations sur les meilleurs moyens à utiliser, selon que les projets émanaient du DPF ou du DEP. Le premier projet concernait la poursuite de la coopération technique au moyen d'un crédit-cadre de 100 millions à répartir sur trente mois, jusqu'à la fin de 1969; il avait été adopté en 1966 encore par le Conseil fédéral et passa le cap parlementaire au printemps et en été. Ce crédit, déjà amputé d'un sixième pour des raisons d'économie, a été critiqué par les censeurs que nous citons plus haut; il a été aussi jugé insuffisant par d'autres. Une minorité de la commission du Conseil national a proposé de le réduire de 10 millions encore, ce qui, sans illustrer la volonté du Parlement de faire des économies, montre en tout cas que lorsque les «intéressés» ne forment pas un groupe influent en politique intérieure, les subventions peuvent être facilement mises en question. Et il ne s'agissait pourtant pas de subventions au sens commun! Le projet, défendu contre ces critiques par M. Spühler, qui insista sur l'importance prépondérante de l'aide bilatérale liée à des projets auxquels les pays bénéficiaires collaborent, passa dans la teneur que lui avait donnée le Conseil fédéral [70]. Une Ordonnance d'exécution a fixé les modalités de la poursuite de cette forme d'aide [71].
La coopération technique ne peut constituer qu'un des volets de l'aide; elle doit être accompagnée de soutiens financiers à des conditions de faveur indépendantes du marché des capitaux, ainsi que de mesures commerciales tendant à assurer aux produits des pays en développement des débouchés sur les marchés des pays industrialisés. Cette dernière forme d'aide ressortit plus particulièrement aux activités de la CNUCED et de l'OCDE; elle a été évoquée dans les négociations Kennedy dont nous parlons ailleurs [72]. Mais l'aide financière publique, dont la caractéristique principale est d'être multilatérale, doit être encore mentionnée ici. La Confédération a adhéré à la Banque asiatique de développement et a participé à son capital par un montant de 5 millions de dollars; il s'agit là d'un institut régional destiné à financer des projets d'infrastructure [73]. De même, la Suisse a accordé un prêt de 52 millions de francs à l'Association internationale de développement (IDA), filiale de la Banque mondiale; la Suisse ne fait partie encore ni du Fonds monétaire international, ni de la Banque mondiale, mais elle a intérêt à contribuer à l'action de l'IDA, qui accorde des prêts, liés à des projets, aux pays en développement, à des taux non rémunérateurs. L'importance de ce système d'aide ressort bien du fait que les prêts aux taux du marché finissent par alourdir les comptes et la balance des paiements des pays bénéficiaires au point que ceux-ci sont contraints de consacrer au service de leur dette des fonds qui seraient précisément destinés au développement. Le système pratiqué par l'IDA repose sur des garanties multilatérales et constitue ainsi un apport précieux [74]. Les deux projets, qui par ailleurs assurent à la Suisse une meilleure position pour répondre aux appels d'offres pour les projets financés, ont été adoptés par les Conseils sans difficultés [75].
Enfin, le projet de garantie fédérale des risques aux investissements, réclamé par les milieux qui, en fait, contribuent le plus à l'aide au développement, a pris peu à peu corps, dans une forme proche de celle de la garantie des risques aux exportations [76].
La Suisse a en outre adhéré au Secrétariat international du service volontaire, organisme destiné à encourager l'affectation de volontaires dans les pays en développement et dont le secrétaire général, M. von Schenck, est l'ancien chef de la section des volontaires à la coopération technique [77]. Le Conseil fédéral a fait un très gros effort d'information au sujet de ces projets et de sa politique d'aide au.développement: les messages ont été particulièrement détaillés et fondés, accompagnés de déclarations à la presse. La réponse aux critiques n'est pourtant pas parvenue à désarmer les censeurs qui se sont montrés très sensibles aux débordements de certains pays bénéficiaires et qui, souvent, ont confondu le soutien de projets précis avec l'aide directe à des gouvernements [78].
La politique d'aide humanitaire, sans être au centre des débats en 1967, a connu quelques développements. Nous avons mentionné déjà la motion Furgler sur la constitution d'un corps d'intervention en cas de catastrophes. Le Comité international de la Croix-Rouge, qui est tout à fait indépendant des autorités helvétiques, a vu ses tâches évoluer de plus en plus vers des missions de maintien de la paix, intervenant en son nom propre en des endroits, tels le Nigeria ou le Proche-Orient, où la Confédération ne pouvait agir. Cette activité a été soutenue par le Conseil fédéral, qui lui a fourni des fonds spéciaux. De même, l'accroissement des tâches du CICR a conduit le Conseil fédéral à proposer aux Chambres d'élever la contribution annuelle de la Suisse à 2,5 millions et d'accorder un prêt de 10 millions. Il ne s'est pas agi d'exercer un contrôle quelconque sur les activités du CICR ni d'exercer une influence sur sa politique [79]. Une autre proposition a visé l'extension de la protection des réfugiés, par l'adhésion à un protocole additionnel sur la situation juridique des réfugiés, à ceux qui étaient réfugiés avant le ler janvier 1951 déjà [80]. Dans le domaine voisin de l'extradition, l'adhésion de la Suisse à la convention européenne d'extradition du 20 avril 1959 a entraîné la caducité des accords conclus avec la Grèce, l'Italie, la Turquie, la Grande-Bretagne et la France sur ce sujet [81].
 
[69] Voir proposition Eisenring (ccs., ZH) de soumettre les crédits nécessaires à la coopération technique au référendum populaire (NZZ, 1107, 14.3.67); communiqués de I'« Aktion für freie Meinungsbildung » (Trumpfbuur) in Zürcher Woche, 16, 21.4.67 et Tat, 94, 22.4.67; petite question du conseiller national Peter Dürrenmatt (lib., BS) du 5 juin, concernant l'aide à l'Algérie (BN, 229, 3.6.67; NBZ, 134, 12.6.67; PS, 133, 14.6.67, etc.); débats au CE, le 6 juin, in Bull. stén. CE, 1967, p. 133 ss.; Vat., 145, 26.6.67; Lb, 131, 9.6.67; Bund, 174, 18.6.67; BN, 306, 22.7.67; service de presse du Parti radical, in Bund, 207, 26.7.67; Vat., 232, 6.10.67.
[70] FF, 1967, I, p. 9 ss. — Ce message contient un exposé très détaillé de l'aide par coopération technique. — Cf. Tw, 39, 16.2.67; PS, 54, 7.3.67; 55, 8.3.67; JdG, 41, 18.2.67; NZ, 81, 19.2.67; Bund, 84, 1.3.67; 85, 2.3.67; Vat., 54, 6.3.67; GdL, 54, 6.3.67; NZZ, 950, 6.3.67. — Débats du CN, NZZ, 1026, 10.3.67; 1102, 14.3.67; 1107, 14.3.67; du CE, Bull. stén. CE, 1967, p. 133 ss. ; FF, 1967, I, p. 1187 s.
[71] FF, 1967, II, p. 1165 ss.
[72] Cf. plus bas, p. 58 s. — Voir aussi APS, 1966, p. 31 s. et PS, 214, 16.9.67.
[73] FF, 1967, I, p. 1093 s.
[74] FF, 1967, II, p. 1 ss.
[75] CN, séance du 28 septembre, Bull. stén. CN, 1967, p. 446 ss.; CE, séance du 5 décembre Bull. stén. CE, 1967, p. 321 ss. Votes finals in Bull. stén. CN, 1967, p. 617 et Bull. stén. CE, ,1967, p. 407.
[76] Cf. JdG, 41, 18.2.67; Bund, 255, 20.9.67.
[77] FF, 1967, I, p. 1273 ss. L'adhésion a été approuvée par le CN le 19 décembre. Cf. NZZ, 5484, 19.12.67.
[78] La réponse du Conseil fédéral à la question Dürrenmatt donne pour conditions politiques de l'aide, les efforts des pays bénéficiaires pour leur développement, le prix que ceux-ci attachent à entretenir de bonnes relations avec la Suisse, le soutien qu'ils accordent au droit comme fondement des relations internationales. — Cf. NZZ, 3897, 19.9.67; GdL, 218, 19.9.67. — Voir aussi BN, 403, 23.9.67. — Voir aussi les comptes rendus de la Conférence annuelle de la Coopération technique: NZZ, 1494, 7.4.67; NZ, 158, 7.4.67; Bund, 115, 7.4.67; GdL, 80, 7.4.67; TdG, 81, 7.4.67.
[79] Cf. GdL, 124, 31.5.67; 136, 14.6.67; 144, 23.6.67; JdG, 182, 7.8.67; 266, 14.11.67; 282, 2.12.67; 283, 4.12.67; GdL, 264, 11.11.67; 283, 4.12.67; et FF, 1968, I, p. 45 ss.
[80] FF, 1967, II, p. 885 ss.
[81] RO, 1967, p. 1182 s.; NZZ, 3539, 28.8.67.