Année politique Suisse 1967 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung
 
Service civil
L'objection de conscience a connu, au cours de 1967, un intérêt politique considérable. L'initiative parlementaire Borel (soc., GE) proposant une loi sur l'organisation du service civil, une pétition du Conseil suisse pour la paix, visant au même but, ainsi qu'une motion Bertholet (soc., GE) visant à assurer aux objecteurs condamnés l'exécution de la peine sous forme de travail dans les hôpitaux, ont fait l'objet de débats aux Chambres fédérales. Par ailleurs, une révision du Code pénal militaire a entraîné de sérieux adoucissements dans la poursuite pénale des objecteurs. La discussion sur le statut des objecteurs a été alimentée par de nouvelles prises de position, dont celle, favorable à un service civil, du Conseil de l'Europe [31], et celle, défavorable mais souhaitant un traitement plus doux, des évêques suisses [32]. Le professeur Marcel Bridel avait été chargé par le Conseil fédéral, à la demande de la commission du Conseil national qui devait traiter de l'initiative Borel, de répondre s'il était possible d'instaurer un service civil de remplacement sans modifier la Constitution et de dire, si cela était nécessaire, quelles modifications seraient à envisager. Dans son rapport du 5 novembre 1966, il déclara que ce service n'était pas conforme à la lettre et à l'esprit de la Constitution fédérale et proposa un projet de nouvel article 22 ter [33]. La commission s'est rendue à ces arguments, et sans proposer de modification constitutionnelle, a préconisé de ne pas entrer en matière sur l'initiative et de rejeter la pétition, tout en formulant un postulat invitant le Conseil fédéral à unifier le régime d'exécution des peines infligées aux objecteurs condamnés [34]. Le 8 mars, après un long débat où, la question de droit paraissant admise, les interventions portèrent surtout sur le fond, ainsi que sur la nécessité, pour les partisans du service civil, de recourir à l'initiative constitutionnelle, le Conseil national refusa d'entrer en matière par 106 voix contre 15 sur la proposition Borel; il repoussa la pétition du Conseil suisse pour la paix par 64 voix contre 10. M. Celio avait, en faisant valoir la position négative du Conseil fédéral, développé largement les efforts faits pour aménager des adoucissements dans le cadre constitutionnel. Le postulat de la commission, ainsi que la motion Bertholet, transformée en postulat, furent admis [35]. Le Conseil des Etats, pour sa part, repoussa la pétition et refusa d'entrer en matière sur l'initiative le 26 septembre [36].
La révision du Code pénal militaire a permis de préciser la distinction entre le refus de servir et l'insoumission intentionnelle, d'une part, et l'insoumission par négligence, d'autre part. Pour les objecteurs de conscience, agissant sous la pression d'impératifs religieux ou moraux, la peine maximum a été fixée à six mois d'emprisonnement, à subir sous la forme des arrêts répressifs, ce qui a pour effet d'isoler les condamnés des détenus de droit commun. La privation des droits civiques ne doit plus être prononcée et le juge peut exclure le condamné de l'armée; en cas de récidive, une aggravation de la peine au-delà de la limite fixée n'est pas possible. La réclusion peut cependant être prononcée en service actif. Les débats aux Chambres ont permis de corriger un peu le projet, pour atténuer la discrimination dont seraient victimes ceux qui, sans avoir le dessein de se soustraire au service, refusent d'obtempérer à un ordre de marche [37]. La même révision a permis d'introduire dans le Code de nouvelles prescriptions relatives à la poursuite des infractions commises contre le droit des gens (conventions internationales sur le droit de la guerre, protection des personnes et des biens, etc.), aux fautes de discipline (extension des compétences du commandant direct, introduction du recours suspensif), à la circulation routière et à la violation de secrets militaires (application aux civils) [38].
 
[31] Résolution du 26.1.67 (cf. TdL, 27, 27.1.67; Tw, 56, 8.3.67) qui reconnaît le droit à l'objection de conscience comme découlant des droits fondamentaux définis par la Convention européenne des droits de l'homme. Le conseiller fédéral von Moos a exposé les règles en vigueur en Suisse lors de cette séance; cf. ibid., et NZ, 44, 27.1.67; 50, 31.1.67; TdL, 32, 1.2.67.
[32] Cf. NZZ, 1009, 9.3.67; Lib., 62, 14.3.67. Cette prise de position, publiée au matin du jour où l'initiative Borel était l'objet des délibérations du CN, a pu contribuer à renforcer les opposants au service civil dans leur opinion, si cela était nécessaire.
[33] Cf. TdG, 48, 25.2.67; JdG, 47, 25.2.67; NZ, 94, 27.2.56; NZZ, 704, 19.2.67.
[34] Cf. PS, 40, 17.2.67; TdL, 48, 17.2.67; NZ, 81, 19.2.67; NZZ, 704, 19.2.67.
[35] Bull. stén. CN, 1967, p. 70 ss.
[36] Bull. stén. CE, 1967, p. 265. Le refus d'entrer en matière sur l'initiative était fondé sur le refus de suivre la procédure adoptée par le CN dans le traitement des initiatives parlementaires individuelles.
[37] Message du Conseil fédéral du 6 mars 1967 in FF, 1967, I, p. 605 ss.; Bull. stén. CN, 1967, p. 179 ss. — La commission du CN proposait de renoncer à l'exclusion de l'armée, pour ne pas amoindrir la portée de cette peine et pour ne pas alléger trop le traitement des objecteurs; elle a été battue par 78 voix contre 63. — Bull. stén. CE, 1967, p. 258 ss., 316 et 317; Bull. stén. CN, 1967, p. 455 et 499. — RO, 1968, p. 228 ss.
[38] ibid.