Année politique Suisse 1968 : Grundlagen der Staatsordnung / Rechtsordnung / Ordre public
Les manifestations de violence, dans le Jura ou dans les villes, ont mis en évidence le profond besoin d'ordre public ressenti par la quasi-totalité de la population. On a souvent rappelé, au cours de l'année, que les fondements de l'état démocratique reposent sur le respect des opinions, sur la discipline que s'imposent les minorités de conformer leurs méthodes d'action avec les idéaux moraux de 1'Etat fondé sur le droit, comme sur la tolérance des groupes majoritaires à l'égard des idées professées par les minorités. Le maintien de l'ordre est essentiel pour l'exercice des libertés individuelles et collectives. Sans lui, lâ porte est ouverte à toutes les formes de « totalitarisme démocratique » de la part des majorités et de violence de la part des minorités
[22]. Or, la Suisse est un pays où les forces de police sont très peu nombreuses. Les efforts fournis par la Confédération et la Conférence des directeurs cantonaux de police en vue de créer un
corps de police mobile intercantonale (PMI) s'inscrivent dans la nécessité d'utiliser de la façon la plus efficace les effectifs disponibles; ils duraient depuis 1964 et avaient été entamés en raison principalement de la protection extraordinaire, dépassant la capacité d'une police cantonale, à assurer aux conférences internationales. Ils aboutirent en 1968 à un projet de concordat et à une demande de subvention présentée par le Conseil fédéral
[23]. La PMI, composée de contingents que les cantons s'engagent à maintenir, dans leurs effectifs de police, à disposition d'une direction centralisée, soit canton, soit Confédération, en vue d'être engagés dans des tâches de protection, de secours en cas de catastrophe et de maintien de l'ordre en cas de troubles, est destinée à éviter que l'armée ne soit engagée trop souvent. L'armée, dont une dés missions est d'assurer l'ordre à l'intérieur, y est mal préparée par sa nature même d'armée de milices, qui exclut un entraînement spécial pour ces tâches. Des voix officielles ont par ailleurs rappelé, en relation avec les mesures militaires prises dans le Jura, qu'il existe une lacune entre les situations où une police cantonale seule ne peut plus faire face à ses obligations et celles où l'armée, dernier recours possible, doit intervenir parce qu'on se trouve en face d'un soulèvement, d'une rébellion mettant en cause l'existence même de l'Etat et de son pouvoir
[24]. En plus des difficultés d'ordre économique liées à la nature de l'armée de milices, d'autres difficultés, d'ordre politique, sont encore possibles, dues à des raisons historiques: les derniers services d'ordre ont été commandés dans des circonstances (grève de 1918, incidents de 1932 à Genève) liés à la lutte des classes, et une partie de la population s'en souvient
[25]. Le projet de PMI a rencontré un accueil assez favorable auprès des cantons, qui, à l'exception de Zurich et de Bâle-Ville, se sont montrés désireux d'adhérer à une solution qui respecte leur souveraineté en matière de police tout en les déchargeant d'une part appréciable des frais d'instruction, d'équipement et d'organisation
[26]. Zurich avait pu maîtriser la situation, le 29 juin, avec l'aide de sa seule police municipale. A la suite des événements, diverses mesures de renforcement des effectifs et des moyens d'intervention furent prises tant sur le plan cantonal que par la Ville; mais cela n'alla pas sans peine en ce qui concerne la police municipale, objet, depuis longtemps, de critiques, et centre d'une querelle partisane
[27].
L'affaire des exportations illicites d'armes appartient en premier lieu au domaine des relations extérieures
[28]. Si elle doit être néanmoins évoquée ici, c'est qu'elle a posé des problèmes touchant à la surveillance et au contrôle de ces exportations par l'administration et que l'on a parlé plus ou moins ouvertement de bienveillance ou de négligence condamnables de la part des autorités. Ces reproches ont été écartés par le Président Spühler devant le Conseil national, mais celui-ci a pourtant indiqué que le Conseil fédéral avait demandé au ministère public de déterminer si l'enquête aurait pu être commencée plus tôt. Les débats, comme d'ailleurs l'opinion publique, ont condamné une politique fondée trop naivement sur la confiance qui devrait présider aux rapports entre l'administration et une grande industrie de ce type. Le Conseil fédéral a accepté de revoir la réglementation et le contrôle de la fabrication et de l'exportation d'armes
[29].
[22] Cf. NZZ, 365, 17.6.68; 583, 23.9.68 (Prof. H. Merz à la Société suisse des Juristes); 775, 15.12.68; Vr, 153, 3.7.68; NBZ, 153, 3.7.68; Lb, 125, 30.5.68; Lib., 136, 14.6.68; GdL, 283, 3.12.68; Schweizerische Gewerbe-Zeitung, 17, 26.4.68; Bund, 95, 24.4.68; NZ, 190, 25.4.68.
[23] Cf. FF, 1968, II, p. 809 ss., ainsi que JdG, 76, 30.3.68; NZZ, 30.3.68; BN, 461, 1.11.68; TdG, 268, 14.11.68, ainsi que les commentaires publiés lors de la parution du message, le 27 novembre.
[24] Cf. H. R. Kurz, art. cit. plus haut, note 88, ainsi que les déclarations de M. Gnägi en réponse à l'interpellation Allgöwer (ind., BS) le 18 décembre au Conseil national, cf. NZZ, 784, 18.12.68.
[25] Voir à ce sujet les études parues au moment du 50° anniversaire de la Grève générale, notamment Schweizer Monatshefte, 48/1968-69, p. 761 ss.; Gewerkschaftliche Rundschau, 60/1968, p. 297 ss.; Revue syndicale suisse, 60/1968, p. 305 ss.
[26] Cf. NZZ, 692, 8.11.68; NZ, 553, 28.11.68; TdG, 288, 7.12.68.
[27] Canton, cf. NZZ, 375, 21.6.68; 598, 27.9.68; 762, 9.12.68; 778, 16.12.68; Tot, 290, 10.12.68; 296, 17.12.68; Vr, 290, 10.12.68. Ville de Zurich, cf. NZZ, 383-385, 25.-26.6.68; 405, 4.7.68; 408, 5.7.68; 419, 10.7.68; 532, 29.8.68; 595, 26.9.68; 658, 24.10.68; 676, 1.11.68; 706, 708, 711, 719, 722, 732, 736, 740, 749, 14.11.-3.12.68; 769, 770, 786, 788, 12.-20.12.68; Tat, 148, 26.6.68; 151, 29.6.68; 164, 15.7.68; 269, 15.11.68; 280, 28.11.68; 298, 19.12.68; Vr, 147, 26.6.68; 170, 23.7.68; 204, 31.8.68; 273, 20.11.68; 275, 22.11.68.
[28] Cf. plus bas, p. 35..
[29] Cf. Débats du 19 décembre, sur huit interventions parlementaires touchant à l'affaire Bührle, in Bull. stén. CN, 1968, p. 677 ss., ainsi que GdL, 260, 6.11.68; 283, 3.12.68; 295, 17.12.68; JdG, 259, 5.11.68; BN, 507, 30.11.68; NZZ, 775, 15.12.68; Vat., 293, 16.12.68; Ostschw., 258, 7.11.68.
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