Année politique Suisse 1968 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Politique economique extérieure
Les résultats réjouissants des exportations ont été jugés en partie comme des succès pour la politique commerciale de la Suisse. Celle-ci a été placée entièrement, en ce qui concerne l'intégration, sous le signe du pragmatisme. On a recherché les domaines dans lesquels une collaboration pratique était possible
[110]. Les diverses propositions de solutions intermédiaires, émanant de milieux liés à la CEE, et visant à atténuer les inconvénients de la division économique de l'Europe, sont allées à la rencontre des positions suisses. La Suisse a fait par conséquent connaître, par une démarche verbale à Bruxelles, son intérêt pour les projets de solutions commerciales transitoires. Lors des conférences des ministres de I'AELE, à Londres en mai et à Vienne en novembre, le conseiller fédéral Schaffner parvint à faire admettre, contre les principes défendus par l'Angleterre essentiellement, la thèse suisse selon laquelle tous les pays membres de l'AELE devraient avoir la possibilité de prendre part à des négociations visant à élaborer de tels arrangements commerciaux. Il défendit l'opinion que, dans les conditions politiques actuelles, les solutions transitoires et limitées étaient les seules à pouvoir surmonter la stagnation de l'intégration européenne. Une libéralisation plus large du commerce européen devrait s'accompagner d'efforts analogues sur le plan mondial
[111]. Certains observateurs restèrent cependant assez sceptiques au sujet de la possibilité d'entamer des négociations, du moment que la France paraissait disposée à ne conclure des traités de commerce qu'avec des Etats isolés, et que l'Italie et la Hollande n'envisageaient de traiter qu'avec les pays qui avaient fait acte de candidature ou d'association à la CEE en 1967
[112]. M. Schaffner déclara toutefois au Conseil national que seul le ministre des Affaires étrangères italien, M. Fanfani, avait prononcé des, exclusives de ce genre
[113]. Les Etats-Unis, pour leur part, firent valoir une autre objection: les prescriptions du GATT n'autorisent des traités tarifaires et des arrangements commerciaux que dans la mesure où ils préludent à une union douanière. Cela devrait restreindre le champ des négociations aux pays candidats à l'admission dans la CEE
[114]. La politique pragmatique de la Suisse lui permit cependant de parvenir à un accord de principe sur un traité concernant le trafic de perfectionnement des textiles. En outre, un accord a été établi, après de longues négociations, sur la formation des prix de diverses sortes de fromage
[115]. Dans le cadre de l'AELE, la conférence des ministres de Londres décida de mener à chef un programme de travail destiné à améliorer les possibilités d'échanges commerciaux (élimination des obstacles non-tarifaires) et à étendre les consultations réciproques
[116].
La Suisse fait partie depuis juin 1968, comme membre de plein droit du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, dont les objectifs et les principes avaient exercé une certaine influence sur les travaux de la CNUCED, réunie à la Nouvelle-Delhi en février et en mars pour sa deuxième session plénière. La petite délégation suisse, conduite par l'ambassadeur Jolles, y contribua en provoquant et en soutenant la formation de points de cristallisation et de bases de solutions dans les domaines des préférences douanières, de l'aide financière et des besoins alimentaires. Les pays en développement devraient être intégrés sans retard au commerce mondial en expansion rapide par des mesures de politique commerciale et financière arrêtées en commun. Ces résultats, qui n'avaient rien de spectaculaire en soi, ont été encore soumis à l'examen du Conseil mondial du commerce
[117]. La conférence internationale sur le sucre, qui se réunit à Genève sous les auspices de la CNUCED, parvint à une issue encore plus modeste, car les USA et la CEE ne signèrent pas le traité. La Suisse s'en abstint par conséquent aussi, car la CEE est l'un des principaux fournisseurs de sucre du pays
[118]. Elle a cependant ratifié le nouvel accord international sur le café
[119].
Après la fin du Kennedy Round, le 30 juin 1967, aucune nouvelle initiative visant à la libéralisation du commerce mondial ne fut prise, en 1968, dans le cadre du GATT. Toutefois, les Etats parties au GATT arrêtèrent un programme de travail destiné à préparer des négociations à venir sur l'élimination des obstacles au commerce, de nature tarifaire, mais surtout de nature non tarifaire, tels les divers systèmes de fiscalité indirecte, qui tendent à devenir toujours plus importants. La proposition britannique d'accélérer la mise en vigueur des accords du Kennedy Round rencontra aussi un accueil favorable. On discuta un désarmement tarifaire asymétrique, destiné à empêcher, par, un traitement de faveur, les Etats-Unis de revenir à un protectionnisme qui paraissait reprendre de l'énergie, en relation avec les mesures américaines destinées à redresser la balance déficitaire des paiements. La CEE posa cependant la condition que le système de l'« American Selling Price » fût au préalable aboli. La Suisse se déclara prête à coopérer dans un climat de confiance
[120].
Dans le domaine bilatéral, les problèmes les plus divers furent à l'ordre du jour. Le catalogue d'obstacles au commerce dressé par la Chambre de commerce germano-suisse fut transmis à un groupe de travail pour une étude approfondie. Les autorités autrichiennes se déclarèrent prêtes à examiner les cas où l'impôt compensatoire sur le chiffre d'affaires prélevé sur les importations entraîne une surcompensation. A l'occasion des négociations qui y avaient trait, la Suisse fit connaître d'autres sujets de plainte concernant l'attribution de primes fiscales trop élevées aux exportations. Un accord de protection des investissements fut conclu en mai avec l'Equateur. La Suisse signa de même des accords de compensation avec le Maroc et la Tunisie, qui prévoient l'échange de vins contre du fromage et du bétail d'élevage. Le Conseil fédéral proposa aux Chambres d'approuver un programme d'aide à la Turquie pour la durée du deuxième plan de développement turc. Une garantie aux risques d'exportation de 140 millions fut accordée alors pour le financement de l'agrandissement d'une centrale électrique. Les négociations avec l'Algérie, qui devaient conduire à la révision du traité de commerce, ont été jugées difficiles; aucun résultat n'en sortit en 1968
[121]. M. Schaffner s'entretint, en relation avec les mesures décidées par le président Johnson pour redresser la balance américaine des paiements, avec le sous-secrétaire d'Etat Katzenbach; il proposa de donner la priorité, en matière de tourisme, aux mesures destinées à attirer plus d'Européens aux Etats-Unis. Ces mesures auraient plus de sens que les restrictions appliquées aux voyageurs américains désireux de se rendre en Europe. En outre, le traité de commerce entre la Suisse et les Etats-Unis fut aboli, et les relations économiques réciproques fondées sur les clauses du GATT
[122]. Le commerce avec l'Europe de l'Est subit l'influence des événements de Tchécoslovaquie. Certes, la validité des listes de contingents établies avec certains Etats fut prorogée. De même, on se félicita de l'existence, depuis 20 ans, d'un traité de commerce avec l'Union soviétique. L'accord qui avait été préparé par les autorités soviétiques et la Chambre suisse de l'horlogerie, et qui prévoyait une coopération dans le domaine de l'industrie horlogère et un renforcement du commerce horloger bilatéral, resta pendant en raison des circonstances: le partenaire suisse renvoya la signature à plus tard. De même, le Vorort renonça à un voyage de « goodwill » prévu à Moscou. L'intensification des relations commerciales avec l'Est, dont la nécessité est reconnue, n'a pas paru être atteinte dans son principe, mais simplement repoussée à un moment plus favorable
[123].
[110] Cette attitude fut défendue par le conseiller fédéral Schaffner et par des représentants de la division du commerce du DFEP; cf. HANS SCHAFFNER, « Welthandel und Regionalismus », in Spectrum 2000, Festschrift für Max Schmidheiny, Heerbrugg 1968; PIERRE LANGUETIN, « Intégration européenne et commerce mondial de la Suisse », in Revue économique et sociale, 26/1968, p. 163 ss.; réponse à la motion du CN Furgler (ccs, SG) in Bull. stén. CN, 1968, p. 639 ss.; NZZ, 90, 9.2.68 (conférence de l'ambassadeur Weitnauer). Pour l'ensemble du commerce extérieur voir les 77e et 78e rapports du Conseil fédéral sur les dispositions prises en application de rareté fédéral concernant les mesures de défense économique envers l'étranger in FF, 1968, II, p. 56 ss. et 1969, I, p. 97 ss.; Rapp. gest., 1968, p. 251 ss. et 264 ss.
[111] Cf. NZ, 212, 10.5.68; 223, 16.5.68; NZZ, 286, 10.5.68; Bund, 277, 25.11.68.
[112] Cf. NZ, 116, 11.3.68; 160, 5.4.68; Weltwoche, 1791, 8.3.68.
[113] Cf. TdG, 62, 13.3.68.
[114] Cf. NZZ, 714, 18.11.68; 771, 12.12.68.
[115] Cf. NZZ, 726, 22.11.68; voir aussi plus bas, p. 77.
[116] Cf. EFTA-Bulletin, 9/1968, no 5, p. 19 s. et 9, p. 19 s.
[117] Cf. NZZ, 82, 7.2.68; 205, 1.4.68; NBZ, 73, 27.3.68.
[118] Cf. plus bas, p. 74.
[119] Cf. FF, 1968, 1, p. 1297 ss. ; GdL, 229, 1.10.68; NZZ, 326, 29.5.68.
[120] Cf. Rapp. gest., 1968, p. 253 s. ; NZZ, 172, 18.3.68 ; 269, 2.5.68 ; BN, 126, 23./24.3.68.
[121] Cf. FF, 1968, II, p. 375 ss.; NZZ, 630, 11.10.68; GdL, 240, 14.10. 68.
[122] Cf. NZZ, 20,10.1.68 ; TdL, 4, 4.1.68.
[123] Cf. NZZ, 426, 14.7.68; TdG, 215, 13.9.68; PS, 111, 16.5.68; GdL, 162, 13./14.7.68.
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