Année politique Suisse 1969 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
 
Energie nucléaire
Les projets de centrales nucléaires de Kaiseraugst et de Leibstadt, en Argovie, ont provoqué des controverses. Une commission d'experts, mandatée par le DFI, . a déposé son rapport sur l'utilisation des eaux fluviales et lacustres pour le refroidissement des réacteurs. Les eaux ne devraient pas être réchauffées de plus de 3 degrés et la température ne jamais dépasser 25 degrés. Il est impossible de prévoir, selon le rapport, les conséquences que pourrait entraîner le dépassement de ces cotes [13]. Un tel document n'était pas propre à tranquilliser la population des régions concernées. Dans une lettre au Conseil fédéral et au Conseil d'Etat argovien, le gouvernement de Bâle-Campagne a protesté contre l'installation d'autres centrales du même type sur le Haut Rhin [14]. De son côté, le Grand Conseil de Bâle-Ville a pris à l'unanimité une résolution demandant d'interdire désormais toute concession pour la construction de centrales nucléaires utilisant les eaux publiques pour le refroidissement des réacteurs [15]. Pour permettre aux délégations gouvernementales des cantons dont le territoire est traversé par l'Aar en aval du lac de Bienne ou par le Rhin en aval du lac de Constance, d'exprimer leur point de vue, une conférence a eu lieu à Berne sur l'invitation du Conseil fédéral. Deux commissions ont été instituées pour étudier les charges de chaleur supportables par les eaux et élaborer un règlement d'exploitation des futures centrales nucléaires [16]. Le Ministère de l'Intérieur de l'Etat du Bade-Wurtemberg, qui envisage également la création de telles centrales sur le Rhin, a proposé, comme thème des entretiens qu'il a demandés à la Suisse, l'étude de l'influence de la chaleur sur la vie organique en milieu aquatique [17].
Dans ce climat de controverse, la votation de la petite commune de Kaiseraugst sur l'extension de la zone industrielle nécessitée par le projet d'installation d'une centrale nucléaire, prend une signification valable pour toute la Suisse. La participation a été exceptionnellement élevée (97,1 %) et le projet adopté par 174 voix contre 125 et 3 abstentions. Ces résultats ont lancé la question de savoir si l'on pouvait laisser à 315 citoyens la capacité de prendre une décision affectant l'existence de dizaines de milliers de personnes habitant aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur des frontières nationales [18]. Elle a suscité des craintes qui, sur le plan parlementaire, se sont exprimées en plusieurs interpellations et petites questions [19]. Le Conseil fédéral a accordé vers la fin de l'année les approbations de site pour les deux centrales nucléaires de Kaiseraugst et de Leibstadt. Pour la construction proprement dite, d'autres autorisations devront cependant être obtenues. Il en va de même de la concession du canton pour l'adduction des eaux de refroidissement, qui n'est touchée en rien par la décision fédérale [20]. Signalons enfin qu'à côté de ces projets de centrales nucléaires, d'autres sont à l'étude; il s'agit de ceux de Stein am Rhein (SH), Gösgen (SO) et Verbois (GE), localités situées respectivement sur le Rhin, l'Aar et le Rhône [21].
Des changements de conditions ont modifié l'orientation des travaux sur la mise au point de réacteurs de type suisse. Un grave incident technique est intervenu au début de 1969 au réacteur expérimental de Lucens, en service depuis l'année précédente seulement. Le personnel n'a pas été atteint et la population n'a pas été mise en danger, mais l'utilisation future de l'installation a été controversée. Etant donné que, depuis longtemps, l'industrie et les sociétés électriques se sont tournées vers d'autres types de réacteurs, le Conseil fédéral, en réponse à une interpellation Wartmann (rad., AG), s'est rallié au projet d'une commission instituée par la Société nationale pour le développement de la technique atomique industrielle. En conséquence, Lucens deviendra une centrale de traitement et d'entreposage pour les déchets radioactifs de toute la Suisse et servira également de centre de formation pour les troupes AC (défense atomique et chimique) et la défense civile [22].
A Würenlingen, l'Institut fédéral de recherches en matière de réacteurs a dû aussi s'adapter aux modifications de la politique en ce domaine. La Commission du Conseil national pour la science et la recherche a déposé une motion chargeant le Conseil fédéral d'examiner l'organisation et le programme de travail de cet Institut. Celui-ci, après avoir renoncé à développer un réacteur de type suisse, devrait s'orienter vers la recherche pure et devenir un véritable centre national [23]. Le Conseil fédéral a adopté la motion et chargé le Conseil suisse de la science d'élaborer des propositions ad hoc.
Sur le plan international, l'industrie suisse s'est signalée par ses efforts pour suivre le développement qui s'opère dans le domaine de la construction de réacteurs. La société anonyme BBC-Sulzer pour les machines à turbine représente notre industrie auprès de l'association européenne récemment fondée pour la mise au point de réacteurs à refroidissement à gaz [24]. La firme BBC a renoncé au projet élaboré en commun avec la société américaine Rockwell Corp., et s'est associée à Krupp pour la construction d'un prototype de réacteur à haute température [25]. Pour soutenir les efforts de l'industrie en vue du développement de ce nouveau type de réacteur commercial, le Conseil fédéral a prolongé de trois ans l'accord conclu dans le cadre de l'OCDE sur le projet Dragon, dans le Sud de l'Angleterre. En revanche, l'accord échu à fin 1969 sur la participation de la Suisse à l'entreprise collective de l'OCDE à Halden, dans le sud de la Norvège, pour la mise au point d'un réacteur à combustible et d'un réacteur de recherche, n'a pas été renouvelé [26]. L'Agence internationale de l'énergie atomique, à Vienne, prend une importance grandissante pour l'industrie nucléaire. Une convention sur ses privilèges et immunités, réglant en particulier le statut des spécialistes qui y travaillent, a été ratifiée par les Chambres à la session d'été [27]. L'organisation pourra ainsi, dans le cas de la ratification par la Suisse du traité de non-prolifération nucléaire, exercer son contrôle sur l'équipement et le matériel nucléaires de notre pays, ce qui n'a pas manqué de susciter des craintes, nommément chez les adversaires du traité de non-prolifération, sur les dangers d'espionnage industriel et sur les inconvénients possibles dans les domaines de la technique et de la politique commerciale [28].
 
[13] Bund, 56, 9.3.69; NZ, 278, 22.6.69; cf. APS, 1968, p. 81 s.
[14] NZ, 141, 26.3.69; NZZ, 191, 27.3.69; TdG, 76, 31.3.69.
[15] BN, 210, 24./25.5.69; NZZ, 309, 23.5.69; TdG, 122, 28.5.69.
[16] NZZ, 293, 16.5.69.
[17] NZ, 506, 4.11.69; 51, 1.2.70.
[18] NZZ, 398, 2.7.69; 501, 18.8.69; BN, 334, 13.8.69; Tw, 194, 21.8.69.
[19] Interpellation du CE Jauslin (rad., BL): NZZ, 601, 2.10.69; BN, 430, 15.10.69; petite question du CN Blatti (rad., BE): Bund, 219, 19.9.69; interpellations des CN radicaux Flubacher (BL) et Schneider (BS): Bund, 279, 28.11.69; NZ, 261, 12.6.69.
[20] NZZ, 738, 21.12.69.
[21] JdG, 62, 15./16.3.69; TdG, 64, 17.3.69; NZZ, 564, 14.9.69; Bund, 219, 19.9.69; BN, 484, 19.11.69; NZ, 557, 3.12.69.
[22] Cf. APS, 1968, p. 82; NZZ, 46, 22.1.69; 47, 23.1.69; 85, 9.2.69; 269, 5.5.69; 405, 6.7.69; 462, 30.7.69; 536, 21.11.69; TLM, 29, 29.1.69; 284, 11.10.69; TdG, 19, 23.1.69; 123, 29.5.69; GdL, 176, 31.7.69; Lib., 223, 28./29.6.69; Bund, 179, 4.8.69; Tat, 268, 14.11.69.
[23] Bund, 30, 6.2.69; NZZ, 250, 25.4.69; 498, 15.8.69; 499, 15.8.69; Bull. stén. CN, 1969, p. 474 ss.; Ostschw., 225, 27.9.69.
[24] NZZ, 720, 10.12.69.
[25] Cf. APS, 1968, p. 82; NZZ, 88, 10.2.69; 241, 22.4.69; 249, 24.4.69; 430, 16.7.69; 554, 9.9.69. D'autres réalisations de l'industrie nucléaire suisse ont été présentées dans une brochure publiée à l'occasion de Nuclex 69 (Foire internationale de Bâle pour la technique atomique industrielle); cf. NZZ, 605, 4.10.69; 745, 28.12.69.
[26] NZZ, 541, 3.9.69.
[27] FF, 1969, I, p. 217 ss.; Délib. Ass. féd., 1969, II, p. 7; NZZ, 80, 6.2.69; 104, 17.2.69; Tat, 142, 19.6.69.
[28] Lb, 104, 7.5.69; NZZ, 677, 15.11.69; BN, 494, 25.11.69; cf. supra, p. 43.