Année politique Suisse 1970 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Europe
L'ouverture, après l'échec de 1961, de nouvelles négociations avec le Marché commun a été interprétée comme un succès de la diplomatie helvétique, mais aussi comme l'expression d'une attitude plus conciliante de la part des Six, de la France en particulier devenue veuve du général de Gaulle
[24]. La déclaration de Bruxelles du 10 novembre, présentée par les conseillers fédéraux Graber et Brugger, renferme les grands principes de la politique gouvernementale en matière
d'intégration européenne
[25]. Vu le caractère déjà politique de la CEE, la neutralité permanente, reconnue par les Actes de 1815 et le Traité de Versailles, interdit à la Suisse une adhésion pure et simple. Il faut écarter aussi une association qui correspondrait à une sorte de satellisation. La Suisse demande donc simplement l'établissement de « liens particuliers » selon les termes définis à la Haye en 1969
[26]. Cette formulation intentionnellement vague offre un éventail très large de solutions. Le souci de ne pas négocier au moyen de produits préfabriqués et la nécessité, pour éviter un nouvel échec, de faire preuve d'imagination ont conduit les parties en présence à entamer leurs conversations par une phase exploratoire. Elles ont débuté le 16 décembre déjà à Bruxelles. L'ambassadeur Jolles, réputé habile négociateur, conduisait la délégation suisse
[27]. Leur importance n'a échappé à personne, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays. Les partis politiques attendent des résultats concrets pour prendre position
[28]. Mais déjà des inquiétudes se font sentir touchant à la fois aux intérêts économiques du pays et à la sauvegarde de ses institutions démocratiques et fédéralistes
[29]. Une motion au Conseil national a demandé en juin que le peuple soit consulté avant l'ouverture des pourparlers. Elle a été rejetée: une telle votation préalable, sorte de sondage d'opinion, serait contraire à l'ordre constitutionnel et diplomatiquement nuisible
[30]. Le Conseil fédéral a déclaré par contre que le peuple serait appelé à se prononcer sur tout arrangement avec le Marché commun
[31]. Pour certains, l'établissement de liens particuliers ne devrait constituer qu'une solution transitoire et
l'adhésion à la CEE sous réserve de neutralité serait concevable, du moins à long terme
[32]. Le Vorort de la puissante Union suisse du commerce et de l'industrie (USCI) s'est déclaréhostile à une adhésion de la Suisse au Marché commun, même si la plupart des membres de l'AELE y faisaient leur entrée
[33]. Enfin, à titre de réaction étrangère, citons celle de l'Union soviétique pour qui l'intégration de la Suisse, sous quelque forme que ce soit, est incompatible avec son statut de neutralité
[34].
L'intégration de la Suisse à l'Europe se poursuit encore par d'autres voies. La neutralité n'empêche pas notre pays de se faire remarquer par son activité au
Conseil de l'Europe
[35]. C'est ainsi qu'il y a présenté une proposition visant à améliorer les structures des organismes internationaux, dans le but, entre autres, d'éviter les activités faisant double emploi. Elle a été adoptée à une large majorité
[36]. Cinq conventions sur des objets divers, signées en 1969, ont d'autre part été approuvées par les Chambres, moyennant quelques réserves mineures
[37]. En ce qui concerne la violation des droits de l'homme par la Grèce, le gouvernement s'est associé à la condamnation prononcée par les ministres des affaires étrangères en session à Strasbourg
[38]. Ces aspects positifs de la solidarité et de la coopération suisses ne doivent pas voiler l'existence de quelques ombres. Tandis que certains problèmes, tel celui de la convention européenne des droits de l'homme, sont toujours pendants, d'autres se présentent qui attendent également leur solution: équivalence des diplômes universitaires dont seule la Suisse n'a pas encore signé les actes
[39], et surtout Charte sociale à laquelle elle ne saurait adhérer sans remplir les conditions requises
[40]. Hors du cadre strasbourgeois, l'esprit de coopération européenne qui anime notre petit pays se manifeste surtout dans le domaine technologique
[41]. En outre, des voix se sont élevées en faveur d'une amélioration du statut juridique du secrétariat de l'Union interparlementaire à Genève, jusqu'ici institution de caractère purement privé
[42].
[24] Vat., 262, 11.11.70; NZN, 264, 11.11.70; 265, 12.11.70; JdG, 263 et 264, 12.11.70; Band, 265, 12.11.70; NZ, 523, 12.11.70; TLM, 316, 12.11.70.
[25] NZZ, 526, 11.11.70; Europa, 37/1970, no 12, p. 6 ss.; Lib., 236, 11.11.70.
[26] Cf. APS, 1969, p. 41; NZZ, 526, 11.11.70; Lib., 236, 11.11.70.
[27] Bund, 296, 18.12.70; GdL, 295, 18.12.70; 300, 24./25.12.70; NZ, 581, 16.12.70; NZZ, 583, 15.12.70; 588, 17.12.70; TLM, 351, 17.12.70.
[28] Le groupe radical de l'Assemblée fédérale a toutefois exprimé officiellement son approbation de la déclaration du 10 novembre (NZZ, 545, 23.11.70).
[29] Cf. interpellation Locher (PAB, BE) au CN (Délib. Ass. féd., 1970, II, p. 51; cf. infra, p. 90). Discussion générale du problème: JdG, 133, 11.6.70; 285, 7.12.70; 290, 12./13.12.70; GdL, 252, 29.10.70; 243, 19.10.70 (Congrès d'automne de l'Union européenne de Suisse).
[30] Motion Breitenmoser (ccs, BS): Délib. Ass. féd., 1970, II, p. 21. Rejet: GdL, 228, 1.10.70.
[31] Les commissions parlementaires pour les Affaires étrangères et le Commerce extérieur se sont prononcées dans ce sens (NBZ, 258, 5.11.70; NZ, 509, 4.11.70).
[32] Europa, 38/1971, no 2, p. 9 s. Déclaration de l'Union européenne de Suisse: NZZ (ats), 530, 13.11.70. Cf. aussi NZZ, 311, 8.7.70.
[34] GdL, 289, 11.12.70, selon les « Izvestia », organe officiel soviétique.
[35] Déclaration du secrétaire général du Conseil de l'Europe, Toncic-Sorinj (NZZ, 564, 3.12.70).
[37] Elles ont trait aux objets suivants: protection du patrimoine archéologique, information sur le droit étranger, légalisation des actes établis par les agents diplomatiques et consulaires, formation des infirmières, protection des animaux en transport international. Cf. Délib. Ass. féd., 1969, IV, p. 9; 1970, I, p. 7; RO, 1970, p. 1205 ss.
[39] Convention européenne des droits de l'homme: cf. APS, 1969, p. 42 s. Equivalence des diplômes: cf. postulat Franzoni (ccs, TI), in Délib. Ass. féd., 1970, IV, p. 27.
[40] Les conditions non remplies concernent notamment l'assurance-chômage des travailleurs étrangers, ainsi que l'assurance-maladie et les allocations familiales pour ces mêmes travailleurs. La motion Muheim (soc., LU) à ce sujet n'a été adoptée par les Chambres que sous forme de postulat (Délib. Ass. féd., 1969, I, p. 32; 1970, IV, p. 31 et 39 s.; JdG, 228, 1.10.70; NZZ, 455, 1.10.70).
[41] Cf. infra, p. 157 s.
[42] Motions Hofer (PAB, BE) au CN et Lusser (ccs, ZG) au CE: Délib. Ass. féd., 1970, Il, p. 28 s. et 44; NZZ, 441, 23.9.70; 457, 2.10.70.
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