Année politique Suisse 1971 : Grundlagen der Staatsordnung / Wahlen / Elections nationales
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Les résultats complets des grandes circonscriptions électorales ne furent connus qu'après le dimanche clôturant la semaine des élections. De tels retards avaient toutefois été prévus. Les raisons en étaient d'une part les difficultés de calculation provenant du fait que le corps électoral avait doublé en nombre, d'autre part le nombre extrêmement élevé des listes panachées [51]. Toutefois, le résultat ne faisait que confirmer la stabilité politique que la Suisse connaît depuis des dizaines d'années [52]. Tous les facteurs d'incertitude qu'on avait imaginés quant à l'issue du scrutin restaient sans effet: les femmes, la jeunesse et les personnes âgées suivirent vraisemblablement les tendances traditionnelles, de telle sorte que les partis en place ne subirent d'une manière générale que peu de pertes. Celles-ci sont dues à certains phénomènes d'usure et à de nouvelles tendances qui, dans les commentaires électoraux, ont été illustrés par des expressions telles que: stabilité mouvante, ou: glissement à droite [53]. En fait, les trois grands partis perdirent des voix et des sièges. Compte tenu des résultats des deux précédentes élections, le recul a été de 8,7 % des voix et de 13 sièges. C'est en ce sens que les élections ont confirmé des tendances qui s'étaient déjà manifestées [54].
Les nouveaux partis de droite furent les principaux bénéficiaires de ces pertes de voix [55]. Les républicains gagnèrent sept représentants parmi lesquels figure J. Schwarzenbach (ZH), sorti en tête de tous les candidats zurichois; quant à l'Action nationale, elle conquit 4 sièges [56]. Des tensions s'étaient déjà manifestées entre les deux organisations [57], et le président de l'Action nationale, R. Weber, candidat malheureux aux élections, avait déclaré quelque temps plus tôt que son parti ne constituerait pas de groupe parlementaire avec les républicains. Après les élections, de nouvelles négociations échouèrent, en sorte que les républicains et l'Action nationale ne constituent pas un même groupe parlementaire [58]. Toutefois, les deux organisations ont été et sont confondues par le grand public parce qu'elles présentent des objectifs idéologiquement semblables, à certaines nuances près. Si l'on additionne ainsi les 11 mandats, cela signifie, dans les conditions propres à la politique suisse, un glissement tel qu'on n'en a peu connu depuis 1919 [59]. Dans quelques cantons (ZH, BL, SG, NE), les « partis opposés à l'hyperxénie » ont vraiment joué de malchance [60]. Ils avaient reçu des renforts venant de toutes les tendances politiques. Si l'on en croit certaines observations, ce sont en général les personnes âgées des classes modestes et plus que modestes, se sentant désemparées par la rapidité des changements et par une expansion économique presque sans frein, qui ont appuyé ces partis [61]. Le malaise suisse, qu'on avait souvent dénoncé, ne mobilisa pas la jeunesse, comme on l'avait pronostiqué çà et là, mais précisément les classes âgées de la population. Les partis de droite trouvèrent moins d'appui en Suisse romande qu'en Suisse alémanique [62]. Si l'on ne prend en considération que les pertes et les gains des partis, on peut dire que ces deux organisations ont récolté, dans le canton de Zurich, les voix de nombreux électeurs vaguement mécontents qui avaient autrefois voté pour les indépendants; dans les cantons de Berne et de Bâle-Ville, celles de radicaux et de socialistes; dans les cantons d'Argovie et de Thurgovie, vraisemblablement celles de socialistes; et, dans le canton de Vaud, celles de radicaux [63]. Au lendemain des élections, les commentateurs émirent aussi l'hypothèse selon laquelle la critique, souvent spectaculaire, lancée contre le système par la nouvelle gauche pouvait être la cause de cette attraction de la droite [64].
Les évangéliques sont aussi sortis gagnants des élections puisque, partout où ils se sont présentés, ils ont gagné des voix [65]. Pas assez cependant pour conquérir de nouveaux sièges. Ils durent se contenter de 3 sièges, et ils coururent le danger de ne plus pouvoir former de groupe parlementaire, car les démocrates, leurs anciens partenaires, s'étaient dissous sur le plan fédéral [66]. Mais les évangéliques purent s'associer aux libéraux-démocrates et constituer un nouveau groupe pour la législature actuelle [67].
Des trois grands partis nationaux, ce sont les radicaux qui surent se maintenir le mieux quant au nombre de sièges, car leurs pertes dans cinq cantons (BE, GL, BS, SG, VD) purent être compensées par des gains dans cinq autres (ZH, BL, AG, TI, NE). Pourtant, le pourcentage des voix radicales baissa de manière spectaculaire dans quelques cantons (surtout SO, SH, VD, BS, TG et SG) sans toutefois que ces diminutions de voix n'entraînent partout des pertes de mandats [68]. Le PSS perdit aussi des voix (entre autres dans les cantons de TG, BL, AG, SO et NE) [69]; ainsi que 5 sièges (BE 2; BS, AG et TG, 1 chacun) [70]. D'après différents témoignages, une partie de sa clientèle électorale traditionnelle serait passée aux partis opposés à l'emprise étrangère [71]. Dans les cantons de Lucerne et de Fribourg, le PSS put enregistrer de légers gains de voix. L'apparentement électoral avec les communistes n'eut pas d'effet sur la répartition des mandats. Ainsi la Suisse ne confirma pas la tendance européenne qui, juste avant les élections fédérales, s'était manifestée ailleurs en Europe par des succès socialistes, tendance dont le PSS s'était réclamé durant la campagne électorale [72]. Cela amena le PSS à se plaindre d'un système électoral «injuste» [73]. Le PDC enregistra de légères pertes dans la plupart des cantons. Malgré la nouvelle orientation du parti, sa clientèle se montra en majorité disciplinée [74]. Le parti gagna un nouveau siège à Genève et enregistra des pertes dans les Cantons de Berne et de Zurich. Le PAB et les libéraux-démocrates virent reculer l'effectif de leurs voix, mais purent maintenir numériquement leur députation au Conseil national [75]. Les communistes perdirent le siège qu'ils avaient conquis il y a quatre ans à Neuchâtel; à Genève, ils obtinrent un troisième siège, bien que la part de leurs voix soit restée à peu près la même; ainsi purent-ils conserver leur groupe au Conseil national [76].
Le parti d'opposition le plus fort de Suisse, les indépendants, dut céder des voix presque partout. Dans les cantons de Zurich et de Genève, ils perdirent 6,5 % et 5,9 % de leurs électeurs, ce qui leur coûta trois sièges à Zurich et le seul siège qu'ils détenaient en Suisse romande [77].
La participation au scrutin s'est élevée en 1971 à 55,9 % (1967: 65,7 %) [78]. La « protestation » qui consiste à s'abstenir s'est donc accrue. Toutefois, il est possible que la participation relativement plus faible des femmes — elle a été constatée notamment là où on avait fait des pointages selon les sexes — ait eu des conséquences négatives sur le degré de participation [79].
 
[51] Il y eut des arrondissements électoraux où 90 % des listes furent modifiées: NBüZ, 346, 17.11.71; Oskar Reck a parlé d'une « orgie de panachage »: BN, 459, 1.11.71; cf. aussi: Bund, 230, 2.10.71; 257, 3.11.71; TdG, 234, 8.10.71; NZN, 2.11.71; 260, 6.11.71; Lb, 255, 2.11.71; AZ, 259, 5.11.71; TA, 266, 13.11.71; 284, 4.12.71.
[52] A ce sujet et pour ce qui suit, cf. les tableaux. Cf. commentaires de presse à partir du 1.11.71, entre autres, spécialement BN, 459, 1.11.71; 463, 3.11.71; AZ, 255, 1.11.71; 256, 2.11.71; NZZ, 513, 3.11.71; 514, 4.11.71; 516, 5.11.71; Ostsch w., 257, 3.11.71; 260, 6.11.71; Luzerner Tagblatt, 256, 3.11.71; Ww, 44, 3.11.71; La Gruyère, 127, 4.11.71; wf, Dokumentations- und Pressedienst, 45, 8.11.71; Baselbieter Post, no 10, déc. 71. Résumé des divers commentaires, dans Revue politique, 50/1971, p. 123 ss.; cf. aussi les notes infra paginales qui suivent, ainsi que NEIDHART, Op. Cit., p. 739 ss.
[53] Lib., 27, 1.11.71; 28, 2.11.71; Vat., 254, 1.11.71; TdG, 254, 1.11.71; GdL, 254, 1.11.71; TLM, 305, 1.11.71; NZ, 503, 1.11.71; 525, 14.11.71; NZN, 256, 2.11.71; NBZ, 255, 2.11.71; Bund, 267, 15.11.71.
[54] Cf. ASSP, 1964, p. 144 ss.; APS, 1967, p. 25.
[55] Cf. entre autres Lb, 255, 2.11.71; NZN, 256, 2.11.71; VD, 254, 3.11.71; NZ, 507, 3.11.71.
[56] TdG, 255, 2.11.71; TLM, 307, 3.11.71; SJ, 45, 6./7.11.71; 46, 13./14.11.71; Ww, 45, 10.11.71; TA, 284, 4.12.71 (les électeurs étrangers au Parti républicain et qui ont voté pour J. Schwarzenbach se rattachent pour la plupart à l'AN, à l'Alliance des indépendants et au Parti socialiste).
[57] Cf. APS, 1970, p. 190, ainsi que supra, note 212.
[58] NZZ (ats/upi), 552 et 553, 26.11.71; Tat, 279, 27.11.71; Volk + Heimat, 6/1971, no 11/12; Der Republikaner, 1, 7.1.72.
[59] Partis ayant gagné ou perdu le plus de sièges: en 1935, Indépendants (+7 sièges) et PAB (-9); en 1943, PSS (+11); en 1947, PdT (+7) et PSS (-8); en 1967, Indépendants (+6); cf. aussi Lb, 256, 3.11.71.
[60] Par exemple dans les cantons de ZH, SG et NE: Tat, 258, 3.11.71; Lb, 256, 3.11.71; NBüZ, 330, 3.11.71; NZ, 333, 18.11.71; TA, 265, 12.11.71.
[61] Lb, 255, 2.11.71; BN, 461, 2.11.71; Ww, 44, 3.11.71; VO, 257, 6.11.71; Ostschw. ; 260, 6.11.71; AZ, 264, 11.11.71; NZZ, 451, 19.11.71; RICHARD REICH, «' Rechts' und ' links' in der schweizerischen Innenpolitik », in Schweizer Monatshefte, 51/1971-72, p. 711 ss.; NEIDHART, op. cit., p. 745 s.
[62] VO, 252, 1.11.71; JdG, 257, 4.11.71; TA, 259, 5.11.71.
[63] NZZ , 509, 1.11.71; 510, 2.11.71; NZ, 502, 1.11.71; TLM, 306, 2.11.71; Lb, 264, 12.11.71; cf. aussi infra, note 247.
[64] Ww, 44, 3.11.71; NBZ, 258, 5.11.71; Ostschw., 260, 6.11.71; Bund, 12, 16.1.72.
[65] Evangelische Woche, 44, 5.11.71; 45, 12.11.71.
[66] Cf. infra, p. 178 ss.
[67] NZZ (ats), 544, 22.11.71; GdL, 273, 23.11.71; JdG, 273, 23.11.71; Evangelische Woche, 46, 19.11.71.
[68] TLM, 306, 2.11.71; GdL, 255, 2.11.71; TdG, 255, 2.11.71; Lb, 256, 3.11.71; TA, 258, 4.11.71.
[69] AZ, 257, 3.11.71; Bund, 257, 3.11.71; Vat., 256, 3.11.71; 257, 4.11.71; TA, 258, 4.11.71.
[70] NZZ, 509, 1.11.71; GdL, 256, 3.11.71; AZ, 278, 27.11.71.
[71] NZZ, 506, 30.10.71; VO, 254, 3.11.71; AZ, 264, 11.11.71; 273, 22.11.71; 277, 26.11.71; 284, 4.12.71; NZ, 465, 10.10.71; Tw, 290, 11./12.12.71; NEIDHART, op. cit., p. 744 s. ; vide supra.
[72] AZ, 244, 19.10.71; 256, 2.11.71; SJ, 44, 30./31.10.71.
[73] AZ, 258, 4.11.71; 262, 9.11.71; BN, 469, 6./7.11.71; Lb, 260, 8.11.71; NEIDHART, op. cit., p. 734 et 741.
[74] NZN, 257, 3.11.71; 270, 18.11.71.
[75] Dans le canton de Neuchâtel, les libéraux ont perdu 6,8 % de leurs électeurs: Tat, 258, 3.11.71; La Suisse libérale, 35, 5.11.71; 38, 26.11.71; PAB: NZZ (ats), 559, 17.11.71.
[76] VO, 252-254, 1.-3.11.71; TLM, 305, 1.11.71; TdG, 256, 3.11.71; NZ, 508, 4.11.71.
[77] Tat, 261, 6.11.71; 304, 27.12.71; Der Ring, 17, 11.11.71.
[78] NZZ, (ats), 514, 4.11.71.
[79] TLM, 305, 1.11.71; Bund, 255, 1.11.71; 266, 14.11.71: participation en ville de Berne: femmes, 50,7 %; hommes, 63,1 %, et dans le canton de NE: femmes, 40,7 %; hommes, 57,4 %.