Année politique Suisse 1972 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Europe
La troisième sphère d'intérêt auquel le chef du DPF a fait allusion à Milan se rapportait à la Conférence de sécurité et de coopération européenne (CSCE), dont les conversations préliminaires ont débuté à Helsinki en novembre. La Suisse a tenu, d'entrée, à collaborer activement à l'édification de cette « Europe paneuropéenne ». Dès 1969, un groupe de travail avait été chargé au DPF de préparer un projet répondant à la tradition de neutralité et à la mission pacificatrice de notre pays. Tel est le système européen de règlement pacifique des différends, fondé sur l'arbitrage, la conciliation et la médiation dont la Suisse, dans sa déclaration du 1er décembre à Helsinki, a demandé, par la voix de son ambassadeur en Finlande, S.-F. Campiche, l'inscription à l'orde du jour. La presse a établi un lien entre la présentation de ce projet et la signature par notre pays, quelques semaines plus tard, de la Convention européenne des droits de l'homme : l'acte de décembre qui, après une longue attente, a frappé par sa soudaineté, s'expliquerait par la nécessité ressentie par nos autorités de rendre crédible l'introduction, préconisée à Helsinki, d'une juridiction d'arbitrage
[29].
Expression de la neutralité active que la Suisse entend observer en Europe, le projet présenté à Helsinki avait incité le DPF à entreprendre sur le vieux continent une « campagne de contacts ». Elle a entraîné, à des niveaux divers, un nombre élevé de visites, non seulement dans les pays neutres (Autriche, Suède, Finlande), mais aussi à Rome, Paris et Londres. Dans le cas de l'Angleterre, il s'agissait de la première visite d'un chef du DPF. Pour la Finlande, la réciproque est également vraie : elle a inauguré l'envoi à Berne du ministre des Affaires étrangères. Cette même campagne a permis à l'ambassadeur E. Thalmann d'accomplir une tournée en Europe de l'Est : Belgrade, Bucarest, Budapest, Prague, Sofia et Varsovie ont reçu notre représentant. L'URSS a aussi été informée du plan helvétique d'Helsinki : ce fut le cas lors de la visite à Berne du vice-ministre soviétique des Affaires étrangères, A. Kovalev, avec qui il a encore été question de la lutte contre le terrorisme, mais surtout du développement mutuel des relations économiques
[30].
Le double besoin ressenti par la Suisse
d'intensifier ses relations avec l'Europe de l'Est d'une part, de concrétiser le principe d'universalité de ses relations extérieures d'autre part s'est manifesté principalement dans la reconnaissance de la République démocratique allemande (RDA). Non lié par l'accord de Potsdam, au contraire des principaux Etats occidentaux, Berne a reconnu Pankow plus rapidement que ces derniers, vingt-quatre heures avant la signature du traité normalisant les relations entre les deux Allemagnes. Indirectement préparée par l'ouverture en août de missions commerciales à Zurich et Berlin-Est en vertu d'un protocole signé le 12 juillet à Berne, par la promesse en outre donnée à nos autorités de voir régler au plus tôt le problème des réparations (biens helvétiques spoliés par la RDA), la décision de la Suisse, subite tout de même, a été interprétée comme le désir légitime et longtemps contenu de commercer sans tarder avec la neuvième puissance économique du monde et la seconde du bloc communiste. Le choix du moment et la discrétion de l'acte diplomatique — il s'est accompli sans publicité préalable — auraient été dictés par le souci, constant chez un petit pays comme le nôtre, de ménager le grand voisin septentrional. Faits moins marquants mais à mettre aussi à l'actif du principe d'universalité : en premier lieu, la reconnaissance de deux autres Etats, le Bangla-Desh (ex-Pakistan oriental) et la République populaire du Yemen (Aden) ; secondement l'annonce, officieuse, de pourparlers entre Berne et le Vatican en vue de l'ouverture d'une ambassade suisse auprès du Saint-Siège
[31].
[29] Conférence de Milan : cf. supra, p. 35. CSCE et projet suisse : ensemble de la presse lepuis le 23.11.72, ainsi que Documenta, 1972, n^ 4, p. 22 s. Déclaration du 1.12.72 : TG, 282, 1.12.72 ; 283, 2/3.12.72 ; GdL, 28, 1.12.72. Lien avec la Convention européenne : NZZ, 589, 17.12.72. Un postulat Renschler (ps, ZH) demandant une participation active de la Suisse à la CSCE a été adopté par le CN : BO CN 1972, p. 741. Pour la mise sur pied de la Conférence, cf. APS, 1969, p. 43 s. ; 1970, p. 48 ; 1971, p. 55.
[30] Autriche : cf. supra, p. 36, note 8. Suède, visite du CF Graber (TG, 116, 19.5.72). Finlande : envoi d'une mission suisse (TLM, 168, 16.6.72) et visite en Suisse (NZZ, 277, 16.6.72). Rome et Paris : cf. supra, p. 35. Londres : GdL, 44, 22.2.72 ; NZZ, 89, 22.2.72. Europe de l'Est : TG, 116, 19.5.72. URSS : JdG, 258, 3.11.72 ; Ldb, 257, 4.11.72 ; VO, 142, 22.6.72.
[31] RDA : GdL, 190, 15.8.72 ; JdG, 299, 21.12.72 ; NZ, 320, 15.8.72 ; 465, 21.12.72 ; Vat., 297, 21.12.72 ; cf. aussi Europa, 1972, no 6, p. 6 s. Bangla-Desh : APS, 1971, p. 46, note 22 la création d'une mission diplomatique, proposée par le CF (FF, 1972, I, no 21, p. 1193 ss.), a été approuvée par les Chambres (BO CN, 1972, p. 1132 ss. et 1338 ; BO CE, 1972, p. 496 s. et 548 ; RO, 1972, no 47, p. 2681 ss.). Yemen : GdL, 295, 16/17.12.72. Vatican : JdG, 291, 12.12.72 Ostschw., 293, 13.12.72.
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