Année politique Suisse 1972 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
 
Organisation des Nations Unies
L'Organisation des Nations Unies, second objectif de la politique d'ouverture que le Conseil fédéral se propose de réaliser jusqu'en 1975, est demeurée en 1972 à l'arrière-plan des préoccupations du peuple et des autorités suisses, essentiellement axées sur Bruxelles. Toutefois et pour autant qu'il faille prêter crédit aux sondages d'opinion, la proportion des indécis ou des indifférents, importante au printemps, aurait baissé par la suite : de 39 % en avril elle serait tombée à 26 % en juillet. La courbe des « oui » en revanche aurait été ascendante jusqu'en juin (43 %), pour fléchir par la suite (34 %), à l'inverse de celle des « non » qui, après un minimum en juin (28 %), serait remontée vigoureusement en juillet (40 %) [34]. Une telle évolution ne paraît pas invraisemblable et, tout en formulant les réserves d'usage, elle est explicable par l'impact des débats parlementaires des 16 mars et 28 juin relatifs au rapport du Conseil fédéral de 1971 sur les relations de la Suisse avec l'ONU. Tandis que les délibérations du Conseil des Etats n'ont fait qu'entériner la solution proposée par l'exécutif (voir ci-après), celles du National ont permis au contraire d'assister à une confrontation où J. Schwarzenbach (mna, ZH), au nom du groupe qu'il préside, a clamé sa volonté de lutter avec la dernière énergie contre tout projet d'adhésion à l'ONU [35]. Sa position, nette et ferme, aurait rallié une frange notable de l'électorat.
Invoquant le principe de neutralité, le Conseil fédéral, dans son rapport sur les Grandes lignes de la politique gouvernementale, établit une relation de causalité entre le resserrement des liens que la Suisse a décidé d'opérer au niveau européen et celui qu'elle se veut d'entreprendre sur le plan mondial. Pour le reste, il reprend les idées déjà exposées dans ses rapports sur l'ONU de 1969 et 1971. Nous en avons parlé les années passées et n'y reviendrons pas. Les Grandes lignes annoncent l'institution prochaine d'une commission consultative qui donnera, lit-on, « aux différents milieux de la population et aux différentes tendances de l'opinion publique la possibilité de s'exprimer » [36]. Le document par contre ne se prononce pas sur un référendum, mais nos gouvernants ont promis qu'il aurait lieu [37].
Dans le débat public déjà engagé, les adversaires de l'adhésion ne voient ni l'utilité de ce que le général de Gaulle considérait comme un « machin », ni la possibilité de concilier sécurité collective et neutralité. De leur côté, les partisans jugent nécessaire une coopération, une coordination et une concertation internationale étroites, constantes et accrues de tous les peuples comme garantie de la paix dans le monde. Nécessité ressentie et comprise par la presque totalité des Etats, précisent-ils, en constatant encore que seule l'ONU, malgré son impuissance et ses défauts trop réels, réunit actuellement les conditions susceptibles de répondre à telles exigences. Absente de l'Assemblée générale, la Suisse sera d'ailleurs très bientôt le seul pays à n'en pas faire partie, en sorte qu'elle pourra éventuellement être tenue pour responsable de l'absence d'universalité de l'Organisation [38]. Les Chambres fédérales l'ont compris, qui ont approuvé le rapport gouvernemental de 1971. Tous les groupes parlementaires à l'exception, nous l'avons vu, de celui de J. Schwarzenbach et, nous pouvons le présumer, des députés de l'Action nationale, ont suivi le chef de notre diplomatie qui a plaidé avec ferveur la cause de l'ONU et affirmé, entre autres, que les adversaires invoquant l'inefficacité de l'assemblée de Manhattan seraient encore davantage opposés à une adhésion si l'ONU était plus puissante [39].
 
[34] Nos chiffres sont tirés de trois sondages, le premier présenté en avril par la télévision (GdL, 95, 24.4.72 ; TG, 95, 24.4.72), le second effectué en juin par l'Institut suisse d'opinion publique, ISOP (renseignement du DPF), le dernier, achevé en juillet par l'Université de Zurich (L'attitude des Suisses..., tabl. 10). L'enquête de l'ISOP est réalisée chaque année depuis 1970. Cf. aussi APS, 1971, p. 56, note 86.
[35] CN : BO CN, 1972, p. 1195 ss. CE : BO CE, 1972, p. 193 ss. Pour ce qui est des sondages, les chiffres articulés par le CF Graber devant les Chambres (BO CN, 1972, p. 1214 ; BO CE, 1972, p. 203) sont ceux de 1970 et 1971.
[36] FF, 1972, no 15, p. 1035.
[37] Cf. notamment déclaration du CF Celio du 26.4.72 (BO CN, 1972, p. 507) et du CF Graber du 1.10.72 (Documenta, 1972, no 6, p. 26). En réponse à une petite question urgente Schwarzenbach (mna, ZH), le CF a démenti une information selon laquelle la Suisse entrerait à l'ONU en 1973 déjà. Pour les rapports de 1969 et 1971, cf. APS, 1969, p. 40 et APS, 1971, p. 55.
[38] Parmi les publications, cf. entre autres : Les relations de la Suisse avec les Nations Unies (Berne, DPF), 1972 ; La Suisse et les Nations Unies, publ. par l'Association suisse pour les Nations Unies, Neuchâtel 1971 ; Hans Haug, Les relations de la Suisse avec les Nations Unies, Berne 1972.
[39] Débats : cf. supra, note 35. Plaidoyer Graber : BO CE, 1972, p. 203 ss. ; BO CN, 1972, p. 1214 ss.