Année politique Suisse 1972 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Bons offices et politique humanitaire
Un bilan contrasté caractérise l'oeuvre de médiation, de bons offices et de paix, qu'elle se soit déroulée au sein ou en dehors des activités de l'ONU. Donnant suite à un appel pressant du secrétaire général K. Waldheim, le Conseil fédéral a alloué un nouveau crédit, d'un montant de 850.000 francs, à l'action onusienne à Chypre. Au Moyen-Orient toujours, où l'ONU veille au respect de la trêve en Palestine, la Suisse a renouvelé la prise en charge financière et le pilotage d'avions engagés dans cette action. En revanche, le représentant personnel de K. Waldheim en Namibie, l'ambassadeur A. Escher, a renoncé, face aux critiques formulées par certains pays africains, à la prorogation d'un mandat pour l'exécution duquel le secrétaire général s'est pourtant déclaré satisfait. Un succès partiel a couronné la mission spéciale dont notre ambassadeur, R. Keller, a été chargé dans le sous-continent indien. Puissance protectrice des intérêts de l'Inde et du Pakistan depuis le conflit de 1971 (prisonniers de guerre), la Suisse a éprouvé quelques difficultés à remplir pleinement son rôle. Mais la fonction d'intermédiaire dont l'envoyé suisse s'est brillamment acquitté a permis d'amorcer les démarches en vue de pourparlers de paix entre les deux parties. Si aucune possibilité de médiation n'est apparue dans la guerre civile qui ensanglante l'Irlande du Nord, pays confessionnellement mixte comme le nôtre, les bons offices exercés à Cuba, où la Suisse représente les intérêts américains, ont en revanche abouti à l'ouverture de négociations entre Washington et La Havane en vue de la conclusion d'un accord bilatéral sur la répression de la piraterie aérienne
[53].
Dans le domaine de l'action humanitaire, les lignes que voici se borneront, comme précédemment, à évoquer les réalisations les plus marquantes de l'année. Au Bangla Desh, très durement éprouvé depuis 1971, le Conseil fédéral a alloué un nouveau crédit de 7,5 millions de francs en faveur des victimes du conflit indo-pakistanais. Le montant total de l'aide fédérale ainsi versée s'élevait, fin 1972, à environ 38 millions de francs. Un Suisse, W. Umbricht, a été appelé à diriger la mission de secours de l'ONU dans ce pays
[54]. Les Chambres fédérales ont voté, à l'unanimité, un nouveau crédit de programme à titre de soutien aux organisations, suisses ou inter-gouvernementales, d'entraide internationale. Valable de 1973 à 1975, il est de 150 millions de francs
[55]. Après le Conseil national en 1971, le Conseil des Etats a adopté, sans opposition, la mise sur pied d'un corps de volontaires pour l'aide en cas de catastrophes à l'étranger. A. Bill, directeur du Village Pestalozzi, a été nommé à la tête de cet organisme en voie de création
[56]. Sur proposition de l'exécutif, le législatif a accepté de fournir désormais au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) un appui permanent, essentiellement sous forme d'une subvention annuelle de 7,5 millions de francs. A cette occasion, éloge a été fait de la grande institution genevoise qui, tout en conservant le système de cooptation considéré comme le moyen le plus efficace de préserver sa neutralité, a su réformer son organisation, sa composition et sa gestion, mesures rendues nécessaires par l'accroissement des tâches qui lui sont assignées. M. Freymond, qui avait déjà quitté avec fracas la vice-présidence en 1971, a consommé sa rupture en démissionnant du Comité dont il restait membre. Ce départ, regretté dans l'opinion publique, est apparu comme l'expression particulièrement patente de la crise de mutation que vit aujourd'hui le CICR
[57]. Situation qui n'empêche cependant pas l'organisation de mener à bien les projets en cours. C'est ainsi que la Conférence d'experts gouvernementaux réunis en 1971 .à Genève, y a tenu sa seconde session en 1972. Les délégués — plus de 300, représentant 70 gouvernements — ont poursuivi leurs travaux sur le droit humanitaire. Les résultats permettront au CICR de préparer un projet de protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, projet à soumettre à une conférence diplomatique prévue dans deux ans
[58].
Hospitalité enfin. Il a été question ailleurs de la liberté d'expression des étrangers
[59]. Ajoutons ici que le chef du DFJP, K. Furgler, a souligné, devant le Conseil national, le devoir incombant au Conseil fédéral de veiller, en vertu de l'article 102 de la Constitution, à l'indépendance et à la neutralité du pays
[60]. Attitude de neutralité, ajouterons-nous, qui s'exprime dans l'accueil réservé à des réfugiés de nationalités et de tendances politiques les plus diverses. La pratique du droit d'asile ne va pas cependant sans difficultés et les décisions prises de cas en cas soulèvent fréquemment des critiques. Une illustration en est fournie par l'expulsion de T. Leary, qui a dû quitter le territoire national malgré l'appui des écrivains du Groupe d'Olten. Les autorités fédérales ont alors fait observer qu'elles avaient refusé l'extradition requise par les Etats-Unis
[61]. Au chapitre des réfugiés, signalons encore que les Chambres ont adopté la Convention internationale relative aux apatrides ; que notre pays a ouvert ses portes à deux cents réfugiés ougandais d'origine indienne ; enfin que le Conseil fédéral a décidé la poursuite, pour les trois prochaines années, de sa politique d'accueil envers les réfugiés âgés, malades ou socialement handicapés (contingent annuel de 80 voire 100 personnes). En ce qui concerne les organisations internationales, le secrétaire général de l'ONU a proposé le déplacement en Suisse des divisions « droits de l'homme » et « environnement », rattachées à l'imposante institution new-yorkaise. Soucieux de perpétuer les traditions d'hospitalité de notre pays, le DPF a cependant fait remarquer que la Genève internationale, où le transfert aurait lieu, était à la veille d'atteindre son point de saturation
[62].
[53] Chypre : NZZ, 393, 24.8.72. Palestine : TG, 157, 7.7.72. Namibie : NZZ, 560, 30.11.72. Mission Keller : TLM, 83, 23.3.72 ; 99, 8.4.72 ; NZZ, 46, 28.1.72 ; 164, 9.4.72 ; 167, 11.4.72 ; SJ, 18, 29/30.4.72 ; cf. aussi APS, 1971, p. 50 et réponse du CF à une petite question Hofer (udc, BE) : NZZ, 240, 26.5.72 ; JdG, 120, 25.5.72. Irlande du Nord : réponse du CF à une petite question Rüttimann (pdc, AG) : NZZ, 229, 18.5.72. Cuba : GdL, 271, 18/19.11.72 ; TA, 257, 3.11.72 ; 285, 6.12.72. Un accord a été conclu début 1973.
[54] Aide fédérale : NZZ, 318, 11.7.72 ; cf. APS, 1971, p. 53 s. Umbricht : GdL, 89, 17.4.72 ; NZZ, 17.4.72.
[55] FF, 1972, I, no 27, p. 1677 ss. CN : BO CN, 1972, p. 1709 ss. CE : BO CE, 1972, p. 780 ss. Cf. supra, p. 43.
[56] CE : BO CE, 1972, p. 161 ss. CN : APS, 1971, p. 52 s. Bill : GdL, 106, 6/7.5.72 ; NZZ, 211, 7.5.72.
[57] CE : BO CE, 1971, p. 826 ss. CN : BO CN, 1972, p. 253 ss. Freymond : GdL, 295, 16/17.2.72 ; NZ, 467, 23.12.72 ; TLM, 359, 24.12.72 (revue de presse). Cf. aussi APS, 1971, p. 53.
[58] Cf. CICR, Conférence d'experts gouvernementaux sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés, Rapport sur les travaux de la Conférence, 2 vol., Genève 1972. Cf. aussi APS, 1971, p. 53.
[60] BO CN, 1972, p. 1727 s.
[61] Cf. justificatif du DFJP in Documenta, 1972, no 1, p. 28 ss. Cf. aussi GdL, 182, 5/6.7.72 ; 251, 26.10.72 ; NZZ, 362, 6.8.72 ; 366, 8.8.72 ; 499, 25.10.72 ; AZ, 183, 7.8.72 ; Ldb, 255, 2.11.72 ; JdG, 258, 3.11.72.
[62] Apatrides : BO CN, 1972, p. 605 s. et 671 ; BO CE, 1972, p. 272 ; RO, 1972, no 40, p. 2371 ss. Ouganda : NZZ, 510-514, 1-3.11.72 ; 518, 6.11.72 ; 532, 14.11.72 ; TA, 260, 7.11.72 ; 285, 6.12.72 ; Ldb, 259, 7.11.72 ; TLM, 325, 20.11.72. Politique d'accueil : GdL, 160, 11.7.72 ; TA, 159, 11.7.72. Genève : TG, 257, 2.11.72.
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