Année politique Suisse 1972 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung
 
Instruction
La vaste controverse dont la défense nationale est l'objet semble avoir constitué un climat favorable à l'indiscipline voire à la désobéissance flagrante, en particulier dans les unités militaires où les contestataires de tout bord sont en grand nombre, telles les troupes sanitaires et celles de protection aérienne (PA). Ce fut justement le cas dans les écoles de recrues de Genève (PA) et de Lausanne (sanitaire). Distribution de tracts, pétition, refus d'ordre, boycott, voire grève de la faim y ont été les éléments de ce « Mai 68 » qui, à en croire le DMF, faillit déboucher sur la mutinerie et qui entraîna enquêtes, arrestations, incarcérations et déplacements de compagnies entières. L'inculpation par la justice militaire de plusieurs civils impliqués dans cette agitation de nature politique (participation de groupements pacifistes) souleva des discussions animées. Elles sont venues nourrir le débat, ouvert depuis plusieurs années déjà, sur la suppression éventuelle des tribunaux militaires et sur la réforme, souhaitée par beaucoup, du code pénal actuellement en vigueur dans l'armée. Signalons sous ce rapport l'adoption par les Chambres d'une motion Gerwig (ps, BS) demandant la publicité des délibérations des tribunaux militaires, et celle par le National d'un postulat Schaffer (ps, BE) en faveur de l'égalité de traitement entre les codes pénaux civil et militaire [26].
Le pacifisme a également été la vedette de « l'affaire Villard ». Etait-il souhaitable que l'un de ses éminents représentants figure au sein d'une commission permanente des affaires militaires? Le Bureau du Conseil national avait répondu en 1971 par la négative, au grand mécontentement du PSS. Les avis furent effectivement très partagés. Au nom des libertés démocratiques, les évangéliques et les jeunes démo-chrétiens se prononcèrent en faveur du député biennois, alors que l'UDC, parti du chef du DMF, et plusieurs organisations militaires s'opposèrent à une candidature selon elles néfaste aux intérêts de la défense nationale [27]. De part et d'autre, des pétitionnaires s'employèrent à collecter des signatures. Sur l'initiative de quelques jeunes, un comité de soutien à A. Villard fut fondé [28]. Invité à revoir la question, le Bureau du National, s'appuyant sur les prises de positions négatives des groupes parlementaires PDC, PRDS et UDC, n'estima pas nécessaire de changer d'opinion et maintint son refus originel. En conséquence de quoi, le groupe socialiste décida, par 20 voix contre 15, de quitter la Commission, mais sans en intimer l'ordre formel aux quatre des siens qui y siègeaient et qui, en définitive, y restèrent [29].
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Protection civile
Aux partis et milieux qui ne contestent pas le maintien d'une défense nationale mais qui désirent un meilleur équilibre entre ses secteurs, au profit de la protection civile surtout, 1972 aura apporté quelques satisfactions. A l'instar du Conseil national l'année précédente, le Conseil des Etats a voté la « conception 71 » dont le principe fondamental est de pouvoir, dans les vingt prochaines années, abriter la population du pays tout entier. Il en coûtera quelque 6,75 milliards de francs. Mais d'ores et déjà le total des places protégées est de 3,8 millions, couvrant ainsi 60 % des besoins, chiffre qui suscite l'admiration de l'étranger. Deux postulats Baumann (udc, AG) et Kloter (ind., ZH) ont en outre été adoptés par la Chambre du peuple ; le premier vise à pallier les difficultés de recrutement de la protection civile, le second à instaurer une certaine équivalence entre celle-ci et l'armée. Signalons enfin l'adoption par le Conseil fédéral d'un concordat intercantonal pour l'exploitation en commun d'un centre de formation de protection civile en Suisse centrale, et le dépôt à Berne d'une initiative cantonale lucernoise en faveur d'une augmentation, jusqu'à concurrence de 80 % dans certains cas, des subventions fédérales à ce secteur d'importance croissante de la défense [30].
 
[26] Genève et Lausanne : TG, 226, 27.9.72 ; 228, 29.9.72 ; 229, 30.9/1.10.72 ; TLM, 294, 20.10.72 ; 302, 28.10.72 ; NZZ, 489, 19.10.72 ; 490, 20.10.72 ; VO, 243, 19.10.72 ; JdG, 287-291, 7-12.12.72. La suppression des tribunaux militaires est demandée notamment par le PSS : GdL, 230, 2.10.72. Cf. aussi Domaine public, 179, 18.5.72 ; 192, 31.8.72 ; 206, 7.12.72. Motion Gerwig ; BO CN, 1972, p. 1270 ss. ; BO CE, p. 665 s. Postulat Schaffer : BO CN, 1972, p. 448 s.
[27] Pour 1971, cf. APS, 1971, p. 60. Pour 1972, cf. aussi supra, p. 22. Evangéliques : NZZ, 18, 12.1.72. Jeunes PDC : NZ, 15, 11.1.72. UDC : NZZ, 25, 16.1.72. Sociétés militaires : NZZ, 26, 17.1.72 ; 72, 12.2.72 ; 98, 28.2.72.
[28] Pétitions « pour » Villard : comité de soutien (NZZ, 15, 10.1.72) ; citoyens en service militaire (TLM, 71, 11.3.72) ; appui bâlois (NZ, 13, 13.1.72). Pétition « contre » Villard : sous-officiers zurichois (NZZ, 18, 12.1.72 ; Ostschw., 47, 25.2.72 ; La Gruyère, 24, 26.2.72).
[29] PDC : NZZ, 103, 1.3.72. PRDS : Bund, 42, 20.2.72. UDC: GdL, 43, 21.2.72. Décision du Bureau : NZZ, 117, 9.3.72. Réactions : NZZ, 117, 9.3.72 ; 119, 10.3.72 ; TLM, 70, 10.3.72 ; VO, 59, 10.3.72. PSS : NZZ, 127, 15.3.72 ; TG, 63, 15.3.72. Cf. supra, p. 22.
[30] Conception 71: cf. APS, 1971, p. 64 ; Rapp. gest., 1972, p. 137 ss. CE : BO CE, 1972, p. 80 ss. Postulats Baumann : BO CN, 1972, p. 447 s. ; et Kloter : BO CN, 1972, p. 446 s. Concordat : NZZ, 218, 12.5.72. Initiative LU : Délib. Ass. féd., 1972, IV, p. 7.