Année politique Suisse 1972 : Wirtschaft / Landwirtschaft
Politique agricole
Grossièrement simplifiées,
quatre tendances principales régissent actuellement les conceptions appliquées ou préconisées en Suisse dans le domaine de l'agriculture. Celle du Conseil fédéral, dont la base juridique réside dans la loi sur l'agriculture de 1951, consiste à poursuivre la politique d'intervention et de subventionnement en vigueur. Elle s'oppose aux trois autres, elles-mêmes d'orientation parfois diamétralement opposée. L'une, représentée notamment par les planificateurs de l'EPF de Zurich (Institut pour l'aménagement du territoire), tendrait à fonctionnariser la profession paysanne, l'exploitant devenant alors un salarié de la Confédération. Une autre prétend au contraire libéraliser complètement ce secteur économique et le rendre compétitif au même titre que l'industrie, système dont l'un des gros avantages serait de décharger le trésor public d'un poids considérable mais qui, d'un autre côté, provoquerait presque à coup sûr la faillite de nombreux paysans sinon une dépendance croissante de la plupart d'entre eux vis-à-vis de certains milieux commerciaux et diverses grandes chaînes de production et de distribution alimentaires, du fait de l'extension de la production sous contrat qu'une telle solution entraînerait très probablement. Cette forme d'« agri-business » est repoussée par certains observateurs qui jugent la situation de l'agriculture suisse à la lumière des conditions internationales (protectionnisme agricole). Quelques-uns de ces derniers, en particulier à la Haute école commerciale de Saint-Gall — et c'est la quatrième tendance — recommandent seulement de corriger le modèle gouvernemental ci-dessus en abaissant les prix au niveau de ceux du Marché commun et en compensant la perte du producteur par des subventions directes à l'hectare ou à la tête de bétail
[1].
Dans les
Grandes lignes de sa politique pour la législature 1971-1975, le Conseil fédéral se propose précisément d'examiner dans quelle mesure le système actuel de la fixation des prix agricoles ne contrarie pas l'orientation de la production. La rationalisation de cette production, de même que l'amélioration, des structures agraires, sont en effet de précieux garants pour l'avenir de la paysannerie ; il s'agira donc d'en poursuivre l'encouragement. Il conviendra aussi, ajoute l'exécutif, d'assurer à cette frange de notre population un revenu « suffisant ». La pratique des versements directs, indépendants de la production agricole, pourrait ici être généralisée. Une répartition plus judicieuse du travail serait enfin possible entre l'agriculture de montagne et celle de plaine, spécification qu'il y aurait lieu d'intégrer dans une politique plus générale de développement économique des régions défavorisées du pays, question déjà traitée plus haut
[2].
Produit de la fusion entre l'ancien PAB et les démocrates grisons et glaronais. L'UDC, principale représentante des milieux agricoles sur le plan politique, a publié son premier programme d'action. Sans contenir de modifications fondamentales par rapport à celui que le PAB avait mis au point pour les élections au Conseil national de 1971, le « programme 72 » s'applique à développer dans un fort chapitre sur l'agriculture (thèses 212 à 240) les principes énoncés précédemment. Il met notamment l'accent sur la fonction sociale de l'agriculture (protection du milieu naturel, lutte contre la pollution alimentaire) ; sur la nécessité d'une politique foncière appropriée (aménagement du territoire) pour désendetter la paysannerie et surtout pour maintenir la propriété individuelle ; sur le maintien d'un appareil de production centré sur l'exploitation rurale ; enfin sur la garantie d'un revenu paritaire où les subventions directes des pouvoirs publics pourraient être augmentées si l'on tient compte des prestations accrues de l'agriculture en faveur de l'économie générale
[3].
Comme en 1971, le vaste complexe des structures agricoles a fait l'objet de
multiples démarches et décisions. Elles ont trait à des questions juridiques, topographiques, foncières, financières et sociales. Dans le domaine juridique, la revision du droit civil rural, bien que modeste, n'a pas franchi sans difficultés le stade parlementaire. Déjà assez vivement discuté, sur certains points en tout cas, par le Conseil des Etats l'année précédente, le projet gouvernemental a fait plusieurs fois la navette entre les deux Chambres avant son adoption finale. Les nombreuses divergences apparues, quant aux baux à ferme surtout (durée du bail, prolongation en cas de résiliation, taux de fermage), n'ont été surmontées que par le besoin ressenti de l'introduction rapide de certaines réformes et par la perspective d'une refonte complète de la législation en vigueur, refonte qui devrait aboutir à la création d'un véritable code civil rural. Le National a du reste accepté un postulat Koller (pdc, AI) en faveur d'une telle codification. En revanche, en ce qui concerne les délimitations topographiques, une motion Junod (prd, VD) relative à la création d'une seule et unique zone intermédiaire entre la plaine et la montagne n'a été transmise à l'exécutif que sous forme de postulat, le Conseil fédéral estimant que la relative confusion qui règne actuellement entre la zone dite contiguë et celle, de création plus récente, des collines préalpines était à imputer aux inévitables difficultés du début. Le même sort a été réservé à une motion Rippstein (pdc, SO), recouverte de 49 signatures et demandant la généralisation des allocations pour enfants dans le secteur agricole ; dans sa réponse, le gouvernement a déclaré son intention d'étudier le problème, précisant toutefois qu'il y avait lieu d'inclure cet examen dans le contexte beaucoup plus large d'une charte sociale de l'agriculture. De son côté, la chambre des Etats a adopté le postulat Knüsel (prd, LU) visant à accroître la ' productivité des exploitations d'une part, à assurer l'entretien de l'espace rural, facteur de protection de la nature et de délassement d'autre part. Quant au Conseil fédéral, il a édicté, le 15 novembre, une ordonnance sur le développement des crédits d'investissements en vue d'une amélioration des bases de la production agricole, ordonnance prévue en application de la loi ad hoc revisée en 1971
[4].
[1] Pour quelques thèmes généraux ou particuliers de cette discussion, cf. notamment NZZ, 511, 3.11.70 (H. Ch. Binswanger, Saint-Gall) ; APS, 1971, p. 89 (industrialisation préconisée par l'Alliance des indépendants) ; Domaine public, 202, 9.11.72 (production sous contrat) ; Henner Kleinewefers, « Wirtschaftspolitische Konzeption und Umweltproblematik : das Beispiel der Agrarpolitik « , in Revue suisse d'économie politique et de statistique, 108/1972, p. 283 ss. ; interview télévisée (chaîne romande) de J.-Cl. Piot, directeur de la Division de l'agriculture au DFEP, 8.4.73, 19 h. 15, émission « Horizons ».
[2] Grandes lignes : FF, 1972, I, no 15, p. 1055 s. ; cf. supra, p. 19. Régions défavorisées : cf. supra, p. 59 s. Cf. aussi infra, p. 111. En ce qui concerne les versements directs, précisons qu'ils sont déjà pratiqués dans quelques secteurs (céréales fourragères, élevage en zone de montagne, par exemple). Sur l'extension de cette pratique, cf. Ausgleichszahlungen an die schweizerische Landwirtschaft (rapport de travail de la Commission Popp, DFEP), Bern 1972. Quant aux problèmes généraux de l'agriculture suisse, cf. notamment Documenta, 1972, no 1, p. 12 ss. ; no 4, p. 2 ss. et 7 ss. ; no 9, p. 31 ss.
[3] Schweizerische Volkspartei (SVP), Aktionsprogramm 72, Bern (1972), p. 27. Cf. infra, p. 167 s. Sur la zonification en matière d'aménagement du territoire et ses rapports avec l'agriculture, cf. Christoph Blocher, Die Funktion der Landwirtschaftszone und ihre Vereinbarkeit mit der schweizerischen Eigentumsgarantie, Zürich 1972.
[4] Droit rural : BO CN, 1972, p. 1148 ss., 1553 ss., 1637 et 1855 ; BO CE, 1972, p. 596 ss., 660 et 721. Motions : BO CN, 1972, p. 1663 ss. (Junod) ; p. 2423 s. (Rippstein). Postulats : BO CN, 1972, p. 2078 (Koller) ; BO CE, 1972, p. 810 s. (Knüsel). Crédits d'investissements : NZZ, 121, 12.3.72 ; RO, 1972, no 48, p. 2749 ss.
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