Année politique Suisse 1973 : Grundlagen der Staatsordnung / Rechtsordnung
 
Ordre public
La question des mesures à prendre pour assurer l'ordre public et celle de savoir jusqu'à quel point les organes de I'Etat doivent respecter la liberté d'expression et d'activité politique, sont demeurées ouvertes. De nouvelles violences ont éclaté en 1973, notamment lors de manifestations contre des pays ou des partis étrangers : à Genève, contre les derniers bombardements américains au Vietnam du Nord ; à Berne, contre l'inauguration d'un centre d'accueil néo-fasciste pour travailleurs italiens ; à Lausanne, contre la participation du Portugal au Comptoir suisse et à Zurich contre le « putsch » militaire au Chili, dont on rendit responsable aussi les Etats-Unis. A Zurich, se commirent des attentats aux explosifs contre un bâtiment de la maison américaine ITT ainsi que contre le consulat général d'Italie. D'autres infractions à l'ordre public furent perpétrées, ainsi qu'on le relate plus bas, en rapport avec la question jurassienne. Enfin, affaire qui eut un certain retentissement, le chef de l'instruction de l'armée, P. Hirschy, fut empêché de prendre la parole à l'Université de Berne [23].
Certains de ces incidents entraînèrent des mesures propres à renforcer les dispositifs de prévention et de défense de l'Etat [24]. D'autre part, des jugements cléments furent rendus contre des auteurs de violences ; même les deux acteurs principaux du groupe anarchiste arrêté en 1972 à Zurich pour activité subversive s'en sont tirés, contre le réquisitoire du procureur, qui réclamait la réclusion, avec des peines d'emprisonnement [25]. L'usage d'instruments d'écoute pour surveiller le congrès de la Ligue marxiste révolutionnaire (LMR), en mai à Epalinges (VD), a donné lieu à une vaste discussion de principe. La police cantonale vaudoise avait demandé à la police fédérale l'autorisation de poser des mini-espions dans la salle de réunion et l'avait obtenue en liaison avec une procédure en cours concernant des activités subversives. La LMR découvrit les instruments et déposa plainte ; elle conteste présenter un caractère dangereux pour I'Etat. La curiosité et l'émotion furent encore avivées par les déclarations du chef de l'organisation de jeunesse jurassienne Bélier selon lesquelles une cinquantaine de personnalités politiques faisaient l'objet d'une écoute téléphonique et parmi elles le chef du DFJP en personne [26]. En juin, au Conseil national, des représentants de divers partis déclarèrent disproportionnée la procédure engagée contre la LMR et réclamèrent une information plus précise et des bases de droit plus solides en matière de protection de l'Etat. Le conseiller fédéral Furgler contesta résolument l'ampleur prétendue de la surveillance téléphonique ; il se déclara d'accord d'améliorer les fondements légaux pour l'utilisation d'instruments d'écoute [27].
A la même époque, un groupe de travail créé en 1972 par le PSS déposait un rapport qui réclamait non seulement une réorganisation du Ministère public fédéral, mais encore la restriction des mesures d'écoute officielles ainsi que la suppression des arrêtés du Conseil fédéral concernant le matériel de propagande et les discours politiques d'étrangers en Suisse. Ces propositions tendent à séparer la police fédérale des services du procureur général de la Confédération et à la soumettre à un juge d'instruction indépendant de l'administration, ainsi qu'à restreindre l'écoute téléphonique et le recours à des mini-espions à certains délits graves contre la sécurité et à les faire dépendre d'une instance juridique. Les conseillers nationaux socialistes Weber (TG) et Gerwig (BS) ont déposé des initiatives parlementaires dans ce sens [28]. Le procureur général de la Confédération, H. Walder, qui avait démissionné en février, fut remplacé par le procureur général du canton de Zurich, R. Gerber, qui entra en fonction au début 1974 [29].
Dans le domaine de la sécurité de l'Etat, on a relevé aussi les agissements d'agents étrangers. Le procureur Walder souligna en automne que le cas d'espionnage probablement le plus grave depuis la fin de la guerre était constitué par l'activité d'un ingénieur de la maison Sulzer qui avait livré à l'Allemagne de l'Est des renseignements militaires [30]. Le conseiller fédéral Furgler a refusé de fournir, en séance du Conseil national, des informations sur les activités d'espionnage du personnel d'ambassades étrangères et d'organisations internationales, mais il certifia cependant de la vigilance des autorités [31]. Enfin, on manifesta de l'inquiétude devant les menaces du terrorisme international et on recommanda de le combattre en collaborant dans le cadre européen ; le chef du DPF se référa à ce sujet à la collaboration de la Suisse aux efforts du Conseil de l'Europe et de l'Organisation de l'aviation civile internationale, mais se montra réservé quant à leur efficacité [32].
 
[23] Genève : TG, 11, 15.1.73 ; Berne : Bund, 71, 26.3.73 ; Lausanne : TLM, 251, 9.9.73 ; Zurich : NZZ, 430, 17.9.73 ; 453, 1.10.73. Pour le Jura, cf. infra, p. 25 ; pour l'affaire Hirschy, cf. infra, p. 46 et 134. Du point de vue juridique, cf. Jürg Bosshart, Demonstrationen auf öffentlichem Grund, Verfassungs- und verwaltungsrechtliche Aspekte zum Problem der Demonstrationsfreiheit, Diss. jur. Zürich 1973. Cf. aussi infra, p. 33.
[24] Genève : motion libérale demandant un règlement concernant les manifestations de rue (TG, 29, 5.2.73). Zurich : règlement sur l'usage de la voie publique à des buts politiques. (AZ, 171, 25.7.73). Pour Berne, cf. infra, p. 25.
[25] Pour les jugements contre le groupe anarchiste, cf. TA, 204, 4.9.73 ;' 298, 22.12.73. Cf. en outre NZZ, 51, 1.2.73 ; TA, 26, 2.2.73 et APS, 1972, p. 17.
[26] LMR : NZZ (ats), 215, 11.5.73 ; TLM, 131, 11.5.73 ; TG, 116, 1920.5.73 ; cf. infra, p. 166. Bélier : TLM, 133, 13.5.73.
[27] Cf. les débats sur les interpellations Bussey (ps, VD) et Binder (pdc, AG) : BO CN, 1973, p. 841 ss. Une base légale explicite pour l'utilisation d'instruments d'écoute techniques fut introduite par mention dans la procédure pénale fédérale ; cf. infra, p. 17.
[28] NZ, 198, 28.6.73 ; 262, 23.8.73 ; 267, 27.8.73 ; NZZ, 293, 28.6.73 ; TLM, 179, 28.6.73 ; Délib. Ass. féd., 1973, III, p. 8. Cf. APS, 1972, p. 17.
[29] GdL, 46, 2425.2.73 ; TA, 222, 25.9.73 ; TG, 227, 29/30.9.73.
[30] TG, 218, 19.9.73 ; NZZ (ats), 436, 20.9.73.
[31] BO CN, 1973, p. 849 ss. Cf. aussi l'interpellation Oehen (an, BE) sur l'espionnage et la subversion (Délib. Ass. féd., 1973, III, p. 51).
[32] Interpellation Schmitt (prd, GE) (BO CN, 1973, p. 338 ss.) et petite question Josi Meier (pdc, LU) (Délib. Ass. féd., 1973, III, p. 58). Cf. aussi APS, 1971, p. 50 s. ; 1972, p. 18.