Année politique Suisse 1973 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
 
Europe
En dépit de la réserve que lui dicte sa politique de neutralité et des tentations de « splendide isolement » auxquelles elle l'expose, la Suisse participe largement au lent mais vaste et profond mouvement d'unification qui, d'une façon que certains voient irréversible, fera très probablement l'Europe de demain. Entendue au sens large, l'intégration helvétique au continent est en effet beaucoup plus qu'économique. Non seulement notre pays est lié à l'AELE, à la CEE et à l'OCDE, mais il accroît et intensifie d'année en année, et dans tous les domaines — notamment dans ceux dits de la seconde génération — ses relations avec ses partenaires. En 1973, les progrès enregistrés sont à inscrire au compte de l'intégration commerciale (accords de diverse nature avec des pays de l'Est : Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie, URSS et Tchécoslovaquie ; voyages à Moscou du chef du DFEP, M. Brugger, et d'une délégation parlementaire), financière (accord de péréquation avec la France) et fiscale (traités de double imposition avec l'Autriche, le Danemark et le Portugal) ; de l'intégration écologique (accord avec l'Italie relatif à la protection des eaux ; signature de la Convention internationale sur la protection d'espèces animales et végétales en voie de disparition ; participation à la Conférence ministérielle de l'environnement à Vienne), infrastructurelle (création d'une Commission germano-suisse d'aménagement du territoire ; participation à la deuxième Conférence européenne sur l'aménagement) et régionale (création d'une Commission mixte franco-suisse pour les questions de voisinage ; accord avec l'Autriche sur le trafic frontalier) ; de l'intégration sociale (conventions de sécurité sociale avec la Grèce et l'Autriche) et humanitaire (adhésion au Fonds de réétablissement du Conseil de l'Europe) ; de l'intégration culturelle (participation à la Conférence européenne des ministres de l'éducation à Berne), scientifique (accord instituant le Laboratoire européen de biologie moléculaire) et technique (participation à deux projets de la Conférence spatiale européenne) ; de l'intégration judiciaire (accords complémentaires d'extradition et d'entraide judiciaire avec l'Autriche ; participation à la Conférence des ministres de la justice à Stockholm ; démarche parlementaire en vue d'une concertation européenne pour la prévention et la répression du terrorisme) ; enfin de l'intégration politique (activité au sein du Conseil de l'Europe et de l'Union interparlementaire) [24].
La Suisse a également montré sa volonté d'intégration par sa participation active à la Conférence de sécurité et de coopération européenne (CSCE) dont les débats, engagés à Helsinki en 1972, se sont poursuivis à Genève au niveau des experts à partir du 18 septembre 1973 [25]. Après avoir, à la demande et à la satisfaction générale des participants, dressé le long inventaire des propositions susceptibles de figurer dans les tractanda [26], notre délégation, qui n'a pas ménagé ses efforts, s'est vue en quelque sorte récompensée par l'inscription à l'ordre du jour de son projet de règlement pacifique des différends. L'idée centrale en est que le maintien de la sécurité et de la paix ne saurait reposer sur de simples proclamations et déclarations d'intention, dussent-elles s'inspirer du principe, du reste fondamental, de non-recours à la force. En substance, le projet prévoit de trancher les différends justiciables par une cour de justice ou un tribunal arbitral, et les différends non justiciables par une procédure de médiation. Son examen, à huis clos, a commencé à Genève en septembre. A l'exception, semble-t-il, de la plupart de celles des pays de l'Est et de quelques autres, plus ou moins réservées, les délégations nationales lui ont témoigné d'emblée un réel intérêt [27].
Si le conseiller fédéral Brugger s'est rendu en Union soviétique, le ministre de notre économie a également visité les Etats-Unis, dans ce dernier cas à titre privé il est vrai [28]. Cette politique d'équilibre entre l'Est et l'Ouest, en tout point digne d'un pays neutre, a été également l'un des mobiles des voyages de M. Graber au Caire puis à Tel-Aviv [29]. En outre, sa présence dans la capitale égyptienne inaugurait : pour la première fois, le chef de la diplomatie suisse présidait à l'étranger une conférence de nos ambassadeurs. Cette initiative, sans doute un peu hardie puisque plongée dans le contexte de l'affrontement israélo-arabe, a été de prime abord fort mal interprétée par une partie de l'opinion [30]. Néanmoins, il n'est pas interdit de penser que le déplacement sur les bords du Nil, où M. Graber a été l'hôte du président Sadate, s'est révélé en définitive bénéfique pour la Suisse au moment de la crise énergétique : les pays arabes producteurs de pétrole ne l'ont pas inscrite sur leur fameuse liste des nations ennemies. Il est permis aussi de supposer que son voyage a favorisé le choix de Genève pour les négociations de paix dans le conflit proche-oriental [31].
 
[24] Pays de l'Est : cf. infra, p. 67. Péréquation : accord relatif à Genève (TG, 24, 30.1.73 ; NZZ, 47, 30.1.73). Double imposition : cf. infra, p. 73. Environnement : cf. infra, p. 105 ss. Infrastructure : cf. infra, p. 101. Commission franco-suisse : NZZ, 320, 13.7.73 ; JdG, 163, 16.7.73. Trafic frontalier : NZZ, 270, 14.6.73. Sécurité sociale : NZZ, 254, 4.6.73 ; 217, 18.5.73 ; FF, 1973, II, no 34, p. 61 ss., 68 ss. (messages du CF). Réétablissement : FF, 1973, I, no 8, p. 317 ss. ; BO CN, 1973, p. 638 ss. ; BO CE, 1973, p. 575 s. Culture : NZZ, 258, 6.6.73 ; 262, 8.6.73. Biologie : cf. infra, p. 136. Technique spatiale : GdL, 180, 3.8.73. Entraide judiciaire : FF, 1973, II, no 47, p. 967 ss. (message du CF). Stockholm : NZZ, 276, 18.6.73. Terrorisme : cf. supra, p. 16. Conseil de l'Europe : notamment TA, 20, 25.1.73 ; NZ, 28, 26.1.73 ; NZZ, 41, 26.1.73. Union interparlementaire : cf. infra, note 25. Sur l'intégration en général, cf. notamment Europe 1980. L'avenir des relations intra-européennes, Genève 1972.
[25] Cf. APS, 1972, p.. 40. L'Union interparlementaire a organisé sur le même thème une conférence à laquelle la Suisse a également participé. Elle s'est tenue à Helsinki du 26 au 31.1.73. Le projet suisse de règlement des différends y a été présenté par le CN Walter Renschler (ps, ZH) : cf. texte de son intervention in AZ, 23, 29.1.73. Sur la CSCE, cf. Werner Hübscher, « Die Schweiz und die Konferenz für Sicherheit und Zusammenarbeit in Europa », in Schweizer Rundschau, 72/1972, p. 15-47. Cf. aussi Domaine public, 232, 21.6.73.
[26] GdL, 21, 26.1.73 ; NZZ, 41, 26.1.73 ; TG, 21, 26.1.73.
[27] Projet suisse : GdL, 219, 20.9.73 ; JdG, 224, 26.9.73. Accueil : GdL, 226, 29/30.9.73 ; JdG, 227, 29/30.9.73. Signalons que les ambassadeurs André Dominicé et Rudolf Bindschedler ont été désignés respectivement secrétaire général de la Conférence de Genève et chef de la délégation suisse : JdG, 217, 18.9.73 ; NZZ, 433, 19.9.73 ; TG, 218, 19.9.73. Cf. aussi interpellation Aider (ind., BL) au CN et réponse du CF Graber : BO CN, 1973, p. 1065 ss. et 1359 ss. On mentionnera aussi la présentation par la Suisse d'un projet visant à faciliter l'échange d'informations entre l'Est et l'Ouest : TA, 272, 22.11.73 ; TLM, 329, 25.11.73.
[28] Cf. l'ensemble de la presse à partir du 73.73. M. Brugger a prononcé à New York un discours remarqué (cf. texte in FF, 1973, H, ne 35, p. 192 ss.) et a été reçu par l'importante Commission des finances du Sénat. Pour I'accord Suisse-USA d'entraide judiciaire, cf. infra, p. 65.
[29] Cf. l'ensemble de la presse à partir du 30.4.73 (Le Caire) et du 10.9.73 (Tel-Aviv). Sur la politique d'équilibre, cf. déclaration du CF Graber au CN : BO CN, 1973, p. 878 s. ; GdL, 146, 26.6.73.
[30] Cf. notamment Ostschw., 100, 1.5.73 ss. ; supra, note 18 (voyages).
[31] Crise pétrolière : cf. infra, p. 85. Genève : NZZ, 532, 15.11.73. A la suite du conflit armé israélo-arabe de l'automne 1973, l'Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP) décida de diminuer voire de supprimer les livraisons d'or noir à certains de ses clients.