Année politique Suisse 1974 : Grundlagen der Staatsordnung / Politische Grundfragen und Nationalbewusstsein
Revision totale de la Constitution
1974, c'était aussi le centenaire de la
Constitution fédérale née de la revision totale de 1874
[9]. Quoi de plus naturel, dès lors, que de voir la discussion des questions fondamentales de l'Etat tourner autour de la Constitution elle-même et de ranimer les efforts tendant à une nouvelle revision totale. Les forces plus ou moins novatrices, plus ou moins modérées n'étaient pas seules en présence. Les projets de réforme ont fait transparaître deux points de vue radicalement opposés sur le rôle de la charte fondamentale de l'Etat : pour les uns, elle doit formuler certaines valeurs, certains objectifs et imposer à la législation le soin de trouver des solutions matérielles ; pour d'autres, la Constitution devrait se restreindre à créer des instruments permettant de tracer et de réaliser n'importe quel objectif
[10]. Qu'elles aient eu lieu dans le contexte de la revision totale de la Constitution ou non, les discussions sur les objectifs ont porté notamment sur les rapports entre la liberté individuelle, l'égalité des chances et le bien-être social ainsi que sur l'influence à accorder à l'Etat et sur les prestations que l'on peut en attendre
[11]. Le souci de trouver de nouvelles structures institutionnelles a fait surgir des propositions originales. Certains hommes de science ont pris fait et cause pour une transformation de la présente démocratie fondée sur le consentement mutuel (consensus) en une démocratie de coalition (coalitions gouvernementales à composition variable)
[12], voire en une démocratie de concurrence (concurrence pour le pouvoir entre deux camps stables)
[13]. Conditions premières, il conviendrait de diminuer le nombre des partis par une réforme électorale, de subordonner la chambre des Etats à celle du peuple, d'élaborer des programmes gouvernementaux contraignants et de supprimer le referendum facultatif.
La procédure de la revision totale de la Constitution est entrée dans une nouvelle phase — prévue d'ailleurs — avec la
désignation, par le DFJP, de la grande commission d'experts. Ses 46 membres ont été choisis à titre personnel ; le droit et les sciences sociales, les principaux partis, les gouvernements cantonaux sont fortement représentés et la jeune génération ne fait pas défaut. La présidence est assumée par le conseiller fédéral Furgler lui-même
[14]. La présence de participants à l'esprit particulièrement critique atteste que les discussions y ont été ouvertes. D'autre part, il est prévu de boucler les travaux en temps utile, soit à fin 1977. Préférence a été donnée à l'élaboration d'un avant-projet rédigé de toute pièce et comprenant éventuellement des variantes, plutôt qu'à la présentation d'un choix de modèles structurels ; en automne déjà, la commission, répartie en sous-groupes, disposait de trois formules d'avant-projet, différentes quant à la forme et à la longueur. Une importance réelle a été donnée à une information régulière de l'opinion publique afin d'obtenir un écho au travail des experts
[15].
Jubilé et revision totale ont fourni l'occasion de remémorer le passé et de scruter l'avenir. Contre-point visuel aux études historiques sur la Constitution, le séminaire d'histoire de l'art de l'Université de Zurich a conçu une exposition itinérante sur le thème « La Suisse en images - une image de la Suisse ? », qui cherchait à confronter idéal et réalité de la Suisse aux XIXe et XXe siècles
[16]. Des controverses autour de publications sur l'époque de la Deuxième Guerre mondiale montrent la peine que l'on éprouve encore à juger sereinement le passé récent. Ainsi le DPF a censuré certains documents que le professeur E. Bonjour avait inclus dans un volume supplémentaire à son étude historique de 1970, volume paru en 1974
[17]. Max Frisch, d'autre part, a heurté bien des gens en publiant ses souvenirs sur la période du service actif : le peuple suisse y apparaît comme le reflet d'une société de classe
[18].
[9] Sur la cérémonie officielle à Berne, cf. la presse du 13.6.74 ainsi que les discours du président de la Confédération Brugger et des professeurs Jeanne Hersch et Th. Fleiner in Revue de droit suisse, n.s., 93/1974, I, p. 239 ss. Tout le cahier 3/4 du vol. 93/19'74, I de cette revue fut consacré au centenaire de la Constitution, de même que les travaux présentés au Congres des juristes suisses 1974 (Société suisse des juristes, Rapports et communications, 108/1974).
[10] Pour la première conception, cf. P. Saladin, « Unerfüllte Bundesverfassung ? » in Revue de droit suisse, n.s., 93/1974, I, p. 307 ss. ; pour la seconde (en partie), cf. U. Häfelin, « Verfassungsgebung », in SSJ, Rapports et communications, 108/1974, p. 75 ss. ; L. Neidhart, « Aufbau und Wandel des eidgenössischen Regierungssystems (1874-1974) », in Schweizer Monatshefte, 54/1974-75, p. 419 ss. ainsi que NZZ, 344, 27.7.74.
[11] Cf. en outre H. Letsch, Überforderter Staat - überforderte Wirtschaft. Eine finanz- und steuerpolitische Lagebeurteilung, Bern 1975 (version développée d'un exposé du 18.9.1974 à la Société pour le développement de l'économie suisse) et Tat, 256, 2.11.74.
[12] A. Meier / A. Riklin, a Von der Konkordanz zur Koalition», in Revue de droit suisse, n.s., 93/1974, I, p. 507 ss. Cf. aussi J.-D. Delley / Ch.-A. Morand, « Les groupes d'intérêt et la révision totale de la Constitution fédérale », ibid., p. 487 ss.
[13] R. E. Germann, in Domaine public, 281, 1.8.74.
[14] GdL (ats), 59, 12.3.74 ; cf. réponse à la petite question Alder (adi, BL) (BO, CN, 1974, p. 1111 s.). Avec Anne-Catherine Menétrey, il y a aussi une représentante du PdT (VO, 98, 30.4/1.5.74.
[15] Discussions : BN, 115, 18.5.74 ; TA, 303, 31.12.74. Délai, méthode, textes : NZZ (ats), 215, 10.5.74 ; JdG (ats), 110, 13.5.74 ; BN, 227, 28.9.74 ; Bund, 227, 29.9.74 ; 228, 30.9.74 ; 292, 13.12.74 ; NZZ, 451, 29.9.74 ; Vat., 237, 12.10.74.
[16] TA, 153, 5.7.74 ; JdG, 208, 7.9.74.
[17] E. Bonjour, Geschichte der schweizerischen Neutralität, Band 7: Dokumente 1939-1945, Basel/Stuttgart 1974. Cf. interview avec M. Bonjour in BN, 103, 4.5.74 ainsi que petite question Hofer (udc, BE) (BO CN, 1974, p. 1563 s.). Cf. aussi APS, 1970, p. 161 s.
[18] M. Frisch, Dienstbüchlein, Frankfurt a. M. 1974. Critiques : Ldb, 69, 25.3.74 ; BN, 76, 30.3.74. Appréciations : TA, 57, 93.74 ; F. Bondy in Schweizer Monatshefte, 54/1974-75, p. 689 s.
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