Année politique Suisse 1974 : Grundlagen der Staatsordnung
Politische Grundfragen und Nationalbewusstsein
Ein Jahr der Wende — Überforderung der Konkordanzdemokratie — Das 100jährige Jubiläum der Bundesverfassung belebt die Bestrebungen für eine Totalrevision; eine grosse Expertenkommission nimmt die Arbeit auf — Neue Versuche zur Bewältigung von Vergangenheit und Zukunft der Schweiz.
 
L'année 1974, à bien des égards, marque un tournant. Toute l'économie occidentale est entrée dans une phase de récession ; aussi ressentie en Suisse, elle est due principalement à l'enchérissement du pétrole et d'autres matières premières. Le fléchissement de la croissance est apparu moins brutal chez nous que dans d'autres pays industrialisés en raison de nos conditions particulières, telles l'abondance de la main-d'oeuvre étrangère et une paix du travail généralement respectée. Néanmoins la population et ses représentants ont pris profondément conscience du renversement de la tendance économique. Devant cet avenir incertain, s'est répandue une certaine hostilité contre les innovations de tout ordre, surtout contre de nouvelles charges financières, qu'elles touchent le ménage public ou privé. Des difficultés de financement se sont manifestées pour certaines tâches que l'on avait confiées à l'Etat au cours des années précédentes ; citons le développement du secteur de l'éducation, l'encouragement aux régions de montagne, l'aménagement des voies de communication, l'aide à la construction de logements et à la coopération au développement [1]. Le virage psychologique est apparu nettement lors de la votation populaire du 8 décembre qui vit une majorité refuser à la Confédération les recettes supplémentaires pour couvrir les dépenses budgétées, alors qu'une forte minorité bloquait toute amélioration de l'assurance-maladie. Ces décisions ont été considérées comme significatives pour les domaines financier aussi bien que social [2].
Le verdict populaire a exprimé une profonde méfiance envers les autorités, les partis et les associations, dont la plupart des porte-parole s'étaient prononcés en faveur du projet financier et pour l'une des deux variantes destinées à améliorer l'assurance-maladie. Quelques semaines auparavant, un nombre bien plus considérable de citoyens avait pourtant suivi leurs dirigeants en rejetant à la majorité des deux tiers — cela par égard pour l'équilibre économique du pays et sa tradition humanitaire — un renvoi massif d'étrangers [3].
Maintes réalisations de la démocratie consensuelle sont à mettre à l'actif des autorités. Le parlement a accepté sans retouches importantes les projets du Conseil fédéral pour un article conjoncturel, pour la loi sur l'aménagement du territoire, pour l'aide aux investissements dans les régions de montagne et pour l'encouragement à la construction de logements. Toutefois l'article conjoncturel et la loi sur l'aménagement du territoire, contre lequel le referendum a été lancé, attendaient encore à la fin de l'année d'être soumis au peuple [4]. En matière de participation, c'est en vain que l'on s'est efforcé de trouver une large entente ; l'initiative syndicaliste a été maintenue, face à un contre-projet qui, pour l'essentiel, s'en tenait au statu quo. D'autres tâches législatives importantes, comme la réorganisation de l'Administration fédérale, l'élaboration de conceptions globales pour les transports et pour l'énergie, la réglementation des assurances obligatoires du personnel et la revision des dispositions pénales en matière d'interruption de grossesse sont restées au stade préparlementaire [5]. Cette situation générale a fait dire que l'Etat était débordé [6].
Les institutions ont été soumises à rude épreuve du fait que divers groupes sociaux ont eu recours, dans une mesure inconnue jusqu'ici, à cet instrument que constitue l'initiative populaire. Cet appel plus fréquent aux mécanismes de la démocratie directe contraste singulièrement avec l'attitude des autorités fédérales, pratiquement contraintes d'invoquer le droit d'urgence pour remplir certaines tâches essentielles comme la politique conjoncturelle, la politique monétaire et l'aménagement du territoire. Le recours répété aux droits populaires exprime souvent des tensions entre la direction de l'Etat et le peuple, entre divers groupes de la population. Une certaine intolérance s'est accrue en bien des endroits, entraînant un durcissement des positions. L'évolution de la situation jurassienne, avec son mécanisme de plébiscites, en est un exemple particulièrement frappant [7].
Alors qu'à l'intérieur du pays les autorités voyaient leur capacité d'action réduite par la méfiance, la résistance au changement et la pénurie financière, I'Etat, à la suite de l'imbrication croissante qui caractérise les relations internationales, s'est trouvé en outre limité dans sa liberté de mouvement vis-à-vis de l'extérieur. En ratifiant la Convention européenne des droits de l'homme et en adhérant à l'Agence internationale de l'énergie, la Suisse, malgré toute la prudence possible, a fait là, vers une intégration juridique internationale, deux nouveaux pas que l'idéologie basée sur l'indépendance nationale n'avait plus permis de franchir depuis longtemps [8].
 
Revision totale de la Constitution
1974, c'était aussi le centenaire de la Constitution fédérale née de la revision totale de 1874 [9]. Quoi de plus naturel, dès lors, que de voir la discussion des questions fondamentales de l'Etat tourner autour de la Constitution elle-même et de ranimer les efforts tendant à une nouvelle revision totale. Les forces plus ou moins novatrices, plus ou moins modérées n'étaient pas seules en présence. Les projets de réforme ont fait transparaître deux points de vue radicalement opposés sur le rôle de la charte fondamentale de l'Etat : pour les uns, elle doit formuler certaines valeurs, certains objectifs et imposer à la législation le soin de trouver des solutions matérielles ; pour d'autres, la Constitution devrait se restreindre à créer des instruments permettant de tracer et de réaliser n'importe quel objectif [10]. Qu'elles aient eu lieu dans le contexte de la revision totale de la Constitution ou non, les discussions sur les objectifs ont porté notamment sur les rapports entre la liberté individuelle, l'égalité des chances et le bien-être social ainsi que sur l'influence à accorder à l'Etat et sur les prestations que l'on peut en attendre [11]. Le souci de trouver de nouvelles structures institutionnelles a fait surgir des propositions originales. Certains hommes de science ont pris fait et cause pour une transformation de la présente démocratie fondée sur le consentement mutuel (consensus) en une démocratie de coalition (coalitions gouvernementales à composition variable) [12], voire en une démocratie de concurrence (concurrence pour le pouvoir entre deux camps stables) [13]. Conditions premières, il conviendrait de diminuer le nombre des partis par une réforme électorale, de subordonner la chambre des Etats à celle du peuple, d'élaborer des programmes gouvernementaux contraignants et de supprimer le referendum facultatif.
La procédure de la revision totale de la Constitution est entrée dans une nouvelle phase — prévue d'ailleurs — avec la désignation, par le DFJP, de la grande commission d'experts. Ses 46 membres ont été choisis à titre personnel ; le droit et les sciences sociales, les principaux partis, les gouvernements cantonaux sont fortement représentés et la jeune génération ne fait pas défaut. La présidence est assumée par le conseiller fédéral Furgler lui-même [14]. La présence de participants à l'esprit particulièrement critique atteste que les discussions y ont été ouvertes. D'autre part, il est prévu de boucler les travaux en temps utile, soit à fin 1977. Préférence a été donnée à l'élaboration d'un avant-projet rédigé de toute pièce et comprenant éventuellement des variantes, plutôt qu'à la présentation d'un choix de modèles structurels ; en automne déjà, la commission, répartie en sous-groupes, disposait de trois formules d'avant-projet, différentes quant à la forme et à la longueur. Une importance réelle a été donnée à une information régulière de l'opinion publique afin d'obtenir un écho au travail des experts [15].
Jubilé et revision totale ont fourni l'occasion de remémorer le passé et de scruter l'avenir. Contre-point visuel aux études historiques sur la Constitution, le séminaire d'histoire de l'art de l'Université de Zurich a conçu une exposition itinérante sur le thème « La Suisse en images - une image de la Suisse ? », qui cherchait à confronter idéal et réalité de la Suisse aux XIXe et XXe siècles [16]. Des controverses autour de publications sur l'époque de la Deuxième Guerre mondiale montrent la peine que l'on éprouve encore à juger sereinement le passé récent. Ainsi le DPF a censuré certains documents que le professeur E. Bonjour avait inclus dans un volume supplémentaire à son étude historique de 1970, volume paru en 1974 [17]. Max Frisch, d'autre part, a heurté bien des gens en publiant ses souvenirs sur la période du service actif : le peuple suisse y apparaît comme le reflet d'une société de classe [18].
 
Etudes prospectives
Le groupe de travail Kneschaurek a mis un terme, provisoirement, à ses études prospectives en en publiant un bref résumé. Le groupe y défend son oeuvre contre l'assertion selon laquelle la crise de l'énergie et ses suites jetteraient le doute sur la possibilité de dessiner des perspectives d'avenir. Il a souligné la nécessité de continuer de telles enquêtes et de les vérifier en permanence afin de pouvoir déceler à temps les problèmes fondamentaux auxquels sera confrontée la Suisse de demain [19]. La Nouvelle Société Helvétique également s'est donné pour tâche de formuler — sur la base de son étude publiée en 1973 — les problèmes essentiels qui se posent à la Suisse et de contribuer à leur solution [20]. Des milieux valaisans et lucernois, en outre, se sont préoccupés de l'avenir, du moins sur le plan de l'organisation, en faisant acte de candidature à la mise sur pied de la prochaine exposition nationale, prévue pour 1989. Mentionnons enfin la noble ardeur de nombre d'écrivains et de compositeurs qui ont pris part à un concours pour un nouvel hymne national [21].
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P.G.
 
[1] Cf. infra, part. I, 2 (coopération au développement), 4a (régions de montagne), 6b (voies de communication), 6c (logements) et 8a (éducation).
[2] Cf. infra, part. I, 5 (recettes supplémentaires) et 7c (assurance-maladie).
[3] Cf. infra, part. I, 7.
[4] Cf. infra, part. I, 4a (régions de montagne, article conjoncturel) et 6c (aménagement du territoire, logements). L'article conjoncturel n'a pas atteint, lors de la votation du 2 mars 1975, la majorité des cantons.
[5] Cf. infra, part. I, lb (Administration fédérale), 6a (énergie), 6b (transports) et 7a, d (participation, interruption de grossesse, assurances du personnel).
[6] Cf. infra, part. I, 1c.
[7] Pour l'initiative populaire, cf. infra, part. I, 1 c ; pour le droit d'urgence, part. I, 4 a (politique conjoncturelle), 4 b (politique monétaire) et 6 c (aménagement du territoire) ; pour les tensions, part. I, 1 b (ordre public), 1 c (question jurassienne) et 8 (jeunesse, universités).
[8] Cf. infra, part. I, 1 b (droits de l'homme) et 6b (énergie).
[9] Sur la cérémonie officielle à Berne, cf. la presse du 13.6.74 ainsi que les discours du président de la Confédération Brugger et des professeurs Jeanne Hersch et Th. Fleiner in Revue de droit suisse, n.s., 93/1974, I, p. 239 ss. Tout le cahier 3/4 du vol. 93/19'74, I de cette revue fut consacré au centenaire de la Constitution, de même que les travaux présentés au Congres des juristes suisses 1974 (Société suisse des juristes, Rapports et communications, 108/1974).
[10] Pour la première conception, cf. P. Saladin, « Unerfüllte Bundesverfassung ? » in Revue de droit suisse, n.s., 93/1974, I, p. 307 ss. ; pour la seconde (en partie), cf. U. Häfelin, « Verfassungsgebung », in SSJ, Rapports et communications, 108/1974, p. 75 ss. ; L. Neidhart, « Aufbau und Wandel des eidgenössischen Regierungssystems (1874-1974) », in Schweizer Monatshefte, 54/1974-75, p. 419 ss. ainsi que NZZ, 344, 27.7.74.
[11] Cf. en outre H. Letsch, Überforderter Staat - überforderte Wirtschaft. Eine finanz- und steuerpolitische Lagebeurteilung, Bern 1975 (version développée d'un exposé du 18.9.1974 à la Société pour le développement de l'économie suisse) et Tat, 256, 2.11.74.
[12] A. Meier / A. Riklin, a Von der Konkordanz zur Koalition», in Revue de droit suisse, n.s., 93/1974, I, p. 507 ss. Cf. aussi J.-D. Delley / Ch.-A. Morand, « Les groupes d'intérêt et la révision totale de la Constitution fédérale », ibid., p. 487 ss.
[13] R. E. Germann, in Domaine public, 281, 1.8.74.
[14] GdL (ats), 59, 12.3.74 ; cf. réponse à la petite question Alder (adi, BL) (BO, CN, 1974, p. 1111 s.). Avec Anne-Catherine Menétrey, il y a aussi une représentante du PdT (VO, 98, 30.4/1.5.74.
[15] Discussions : BN, 115, 18.5.74 ; TA, 303, 31.12.74. Délai, méthode, textes : NZZ (ats), 215, 10.5.74 ; JdG (ats), 110, 13.5.74 ; BN, 227, 28.9.74 ; Bund, 227, 29.9.74 ; 228, 30.9.74 ; 292, 13.12.74 ; NZZ, 451, 29.9.74 ; Vat., 237, 12.10.74.
[16] TA, 153, 5.7.74 ; JdG, 208, 7.9.74.
[17] E. Bonjour, Geschichte der schweizerischen Neutralität, Band 7: Dokumente 1939-1945, Basel/Stuttgart 1974. Cf. interview avec M. Bonjour in BN, 103, 4.5.74 ainsi que petite question Hofer (udc, BE) (BO CN, 1974, p. 1563 s.). Cf. aussi APS, 1970, p. 161 s.
[18] M. Frisch, Dienstbüchlein, Frankfurt a. M. 1974. Critiques : Ldb, 69, 25.3.74 ; BN, 76, 30.3.74. Appréciations : TA, 57, 93.74 ; F. Bondy in Schweizer Monatshefte, 54/1974-75, p. 689 s.
[19] Groupe de travail des études prospectives, Perspectives d'évolution de l'économie suisse et problèmes posés par son développement, Résumé des études prospectives relatives à l'évolution de l'économie suisse jusqu'en l'an 2000, St-Gall/Berne 1974. Cf. APS, 1970, p. 11; 1971, p. 12 ; 1972, p. 11.
[20] Nouvelle Société Helvétique, Bulletin, 1974, p. 55 ss. ; cf. APS, 1973, p. 11.
[21] Exposition : TLM, 233, 21.8.74 ; Vat., 209, 10.9.74. Hymne : NZZ, 160, 5.4.74 ; cf. APS, 1973, p. 10.
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