Année politique Suisse 1974 : Grundlagen der Staatsordnung / Institutionen und Volksrechte
 
Gouvernement
Davantage que précédemment, le fonctionnement des institutions de 1'Etat a été ressenti comme insatisfaisant. Dans un exposé, le chancelier fédéral Huber a constaté que le développement de la science, de la technique, de l'économie et de la société a fait croître les tâches publiques dans une mesure telle que l'activité étatique a atteint les limites de l'efficacité. On demanderait trop des autorités, de l'administration, des partis et des citoyens. Le chancelier a mis en garde devant une désintégration de l'appareil gouvernemental, qu'il redoute de voir réagir plutôt que de gouverner [1]. Des observateurs critiques ont interprété ces déclarations comme un signe de tensions entre Chancellerie et exécutif, chose qui a été officiellement démentie [2].
Plus fréquemment que de coutume, certains membres du Conseil fédéral se sont plus ou moins désolidarisés des positions officielles du collège gouvernemental. Le refus du chef du DFJP de défendre devant le parlement la proposition gouvernementale en matière d'interruption de grossesse, a fait sensation. Tout aussi inhabituelle a été la netteté avec laquelle s'est exprimé le président de la Confédération, E. Brugger, lors du congrès du parti radical : il a parlé des vives controverses qui agitaient le Conseil fédéral et mis en question l'effectif de ses membres (sept), jusqu'ici jamais contesté officiellement [3]. De divers côtés, on s'est plaint de ce que l'exécutif ne prenait pas de décisions fermes faute de cohésion, ni n'assumait pleinement sa fonction dirigeante ; on a évoqué à ce propos aussi bien la question de l'avortement que ses propositions relatives à la participation et à l'article constitutionnel sur la radio et la télévision [4]. Une autre conséquence de son manque d'efficacité serait, selon un critique, le renvoi constant de la loi en préparation (depuis 1968) sur l'organisation de l'Administration fédérale [5]. Du côté parlementaire, on a tenté de remettre sur le tapis des projets de réforme que le gouvernement repoussait jusqu'ici. Ainsi des initiatives parlementaires réclament-elles à nouveau la suppression de la disposition constitutionnelle selon laquelle le gouvernement ne peut compter plusieurs membres originaires d'un même canton, ou suggèrent-elles de porter à onze le nombre des membres du collège. Le Conseil national a adopté en outre un postulat déposé en 1972 par L. Schürmann (pdc, SO) et demandant d'attribuer certains domaines interdépartementaux — comme la politique conjoncturelle, la défense générale, l'aménagement du territoire et la protection de l'environnement — à un département des affaires générales [6]. En revanche, ce Conseil a rejeté une initiative parlementaire de J. Schwarzenbach (mna, ZH) tendant à faire confirmer par le peuple l'élection des conseillers fédéraux à la fin de la législature, cela entre autres pour préserver le système collégial [7].
L'article conjoncturel adopté par les Chambres prévoyait, de son côté, de renforcer sur le plan juridique le rôle dirigeant du Conseil fédéral. On en parlera plus en détail ailleurs, de même que de l'initiative fédéraliste pour un transfert direct au gouvernement central de la compétence de légiférer en cas d'urgence [8].
 
[1] Conférence au Service suisse d'action et de documentation : Documenta (Helvetica), 1974, no 6, p. 8 ss.
[2] Cf. R.E. Germann in TA, 207, 7.9.74 et petite question Reiniger (ps, SH) (BO CN, 1974, p. 1941).
[3] Sur le CF Furgler en matière d'interruption de la grossesse, cf. infra, part. I, 7d ; sur M. Brugger au congres du PRDS, cf. Bund, 121, 27.5.74 ; BN, 125, 1.6.74. Sur d'autres divergences, cf. Ldb, 244, 22.10.74 ; Ostschw., 262, 9.11.74.
[4] JdG, 40, 18.2.74 ; Domaine public, 279, 4.7.74 ; BN, 173, 27.7.74 ; NZZ (ats), 345, 28.7.74. Cf. infra, part. I, 7a (participation) et 8c (radio et télévision).
[5] TA, 207, 7.9.74. Cf. APS, 1968, p. 11 ; 1972, p. 21 ; 1973, p. 18.
[6] Origine cantonale : initiatives Breitenmoser (pdc, BS) et Schmid (ps, SG) (Délib. Ass. féd., 1974, I/II, p. 9 s.) ainsi que motion Bräm (mna, ZH), adoptée sous forme de postulat (BO, CN, 1974, p. 1838 s.). 11 membres : initiative Breitenmoser mentionnée ci-dessus. Département des affaires générales : postulat (Schürmann) Rippstein (pdc, SO) (BO CN, 1974, p. 1014).
[7] BO CN, 1974, p. 1911 ss. Cf. APS, 1971, p. 20 ; 1972, p. 20 ; 1973, p. 18.
[8] Cf. infra, part. I, 1d et 4a.