Année politique Suisse 1974 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Europe
Communauté de civilisation et de destin, selon l'expression d'un ancien conseiller fédéral
[28],
l'Europe occidentale de 1974 est soumise en fait à une triple dépendance : vis-à-vis du monde arabe pour son approvisionnement en pétrole ; vis-à-vis de l'Union soviétique pour la détente sur le continent ; vis-à-vis des Etats-Unis pour sa protection nucléaire. Cette analyse de l'un de nos représentants à l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe
[29] avait pour conclusion de suggérer une relance de l'intégration (au sens large) et d'exhorter les responsables politiques à conférer au « législatif » de Strasbourg un rôle accru dans le oncert européen, cela à titre de compensation en quelque sorte aux instances économiques, paralysées dans leur fonctionnement (comme la CEE) ou congénitalement impuissantes face aux événements extérieurs (comme l'OCDE)
[30]. La même assemblée, donnant suite à un rapport sur la coopération politique entre les Etats de l'Europe de l'Ouest, présenté par un autre de nos délégués
[31], a voté une recommandation dans le même sens. Dans notre pays, l'Union européenne de Suisse, qui a fêté ses quarante ans (1934-1974), a organisé une série de tables rondes dans le but d'élaborer une conception à long terme de la politique européenne helvétique. Membre de l'Union européenne des fédéralistes, elle a en outre appuyé le lancement par celle-ci d'une pétition à l'adresse du Parlement européen l'invitant à mettre sur pied dans les plus brefs délais un projet de constitution européenne qui prévoirait la création d'un gouvernement doté de véritables pouvoirs. Tout en applaudissant à la ratification par notre pays de la Convention européenne des droits de l'homme qu'elle n'a cessé de soutenir, l'organisation suisse s'est encore prononcée, dans le « Manifeste de Locarno » présenté à Berne le 7 novembre, en faveur d'une politique plus sociale à l'endroit des étrangers
[32]. Pour diverses raisons, institutionnelles (fédéralisme) et psychologiques (perfectionnisme, crainte d'une ingérence extérieure) en particulier, nos autorités en sont réduites en effet à ne procéder qu'à petits pas vers l'Europe de Strasbourg. Raison pour laquelle la majorité de ces conventions ne sont pas encore signées ou ratifiées
[33]. A l'actif de 1974, il convient toutefois de mentionner la soumission aux Chambres fédérales, pour ratification, de quatre autres de ces chartes signées en 1973 et 1974
[34].
Strasbourg, également lieu de rencontre du Comité des ministres des Dix-Sept (l'« exécutif » du Conseil de l'Europe), a permis à la Suisse de se faire une religion sur le sort à donner à. son projet de règlement pacifique des différends, inscrit à l'ordre du jour de la
Conférence de sécurité et de coopération européenne (CSCE), réunie à Genève depuis 1973. En effet, si la rencontre des bords du Rhône a donné l'impression d'un certain enlisement, celle des bords du Rhin en revanche s'est révélée encourageante. Les collègues du conseiller fédéral Graber lui ont suggéré de retoucher peut-être quelque peu le projet suisse, mais en tout cas de ne pas le retirer et d'en maintenir intacts les principes directeurs
[35]. Sur un plan plus général, la lenteur des travaux de la CSCE et l'état d'esprit qui y préside (lassitude, pessimisme) ont fait apparaître qu'il était prématuré sinon utopique de vouloir instaurer une organisation internationale paneuropéenne. En revanche, un délégué suisse à la conférence a estimé
[36], comme d'autres de divers pays, qu'on pourrait institutionaliser des réunions périodiques d'experts. Quoi qu'il en soit, le maintien du dialogue entre l'Est et l'Ouest est jugé profitable à la Suisse qui, grâce à son active participation, a trouvé de la sorte un moyen de développer ses relations avec l'Europe orientale
[37]. Certains milieux voudraient y mettre des conditions. C'est ainsi que, dans une pétition aux Chambres fédérales, les Jeunesses radicales, moins par nostalgie de la guerre froide que par idéalisme, ont demandé de ne conclure aucun accord avec les pays communistes avant que ceux-ci n'assurent à leurs ressortissants l'exercice d'un certain nombre de droits fondamentaux (élections libres, liberté de croyance, d'expression et de presse, notamment)
[38].
[28] Max Petitpierre (interview de 1968), in Ph. Muller, Vingt ans de présence politique, Neuchâtel 1974, p. 312.
[29] Le CN Renschler (ps, ZH) à la session de janvier : TA, 20, 25.1.74. Sur l'intégration économique (AELE, CEE, OCDE), cf. infra.
[30] Sur l'intégration économique de la Suisse, cf. infra. La constatation, faite plus haut, quant à l'effort de réflexion sur la politique étrangère suisse est également valable pour ce qui est de l'intégration économique. A ce sujet, cf. entre autres A. Hirsch, « L'accord entre la Suisse et la CEE confère-t-il des droits aux particuliers ? », in Cahiers de droit européen, 10/1974, no 1/2, p. 194 ss. ; P. Hollenweger, « Institutionnelle und völkerrechtliche Aspekte des Freihandelsabkommen Schweiz-EWG », in Annuaire suisse de droit international, 29/1973, p. 82 ss. ; M. Waelbroeck, « L'effet direct de l'accord relatif aux échanges commerciaux, , du 22 juillet 1972, entre la CEE et la Confédération suisse », ibid., p. 113 ss. ; du même, « L'immédiateté communautaire, caractéristique de la supranationalité. Quelques conséquences pour la pratique », in Le droit international demain, Neuchâtel 1974, p. 85 ss.
[31] Le CN Hofer (udc, BE) : Europa, 41/1974, no 1/2, p. 12.
[32] 40 ans : Europa, 41/1974, no 7/8, p. 8 ss. Tables rondes : ibid., no 3, p. 6 s. Pétition : ibid., no 7/8, p. 17. Selon un sondage d'opinion mené dans la zone du Marché commun, la majorité des citoyens des six pays fondateurs seraient favorables à la transformation de la CEE en union politique (ibid., no 3, p. 9). Manifeste de Locarno : Europa, 41/1974, no 12, p. 4 ss. ; cf. aussi infra, part. I, 7d.
[33] H. Stranner, H. Faesi, Die Schweiz im Europarat, 10 Jahre nützliche Mitarbeit in Strassburg (1963-1973), Bern (1973), p. 18 s.
[34] Elles concernent les détergents dans les produits de lavage et de nettoyage, la responsabilité civile en cas d'accidents de la circulation, la protection sociale des agriculteurs, enfin l'échange de réactifs pour la détermination des groupes tissulaires : FF, 1974, II, no 49, p. 1360 ss.
[35] Documenta, 1974, no 1, p. 27 ; TA, 21, 26.1.74. Cf. APS, 1973, p. 37.
[36] L'ambassadeur R.L. Bindschedler : Documenta, 1974, no 3, p. 11 s.
[37] Discours du CF Graber, le 26.4.74 : Documenta, 1974, no 4, p. 11 ss. Sur la CSCE en général, cf. entre autres D. Frei, « Ariadnefaden im Labyrinth der Sicherheitskonferenz », in Schweizer Monatshef te, 54/1974-75, no 2, p. 135 ss., ainsi que M.-Cl. Smouts, « Les suites institutionnelles de la CSCE », in Revue française de science politique, 24/1974, no 6, p. 1230 ss.
[38] Le Parlement en a pris connaissance et l'a transmise au Conseil fédéral pour information : BO CE, 1974, p. 130 ; BO CN, 1974, p. 611.
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