Année politique Suisse 1975 : Grundlagen der Staatsordnung
Politische Grundfragen und Nationalbewusstsein
Spannung zwischen den Anforderungen an das politische System und dessen demokratischer Legitimation — Diskussion über die Funktionsfähigkeit des Staates — Fortgang der Arbeiten an der Totalrevision der Bundesverfassung — Verschiedenartige Beiträge zur Frage nach Wesen und Aufgabe der Schweiz.
 
La politique suisse a été plus fortement marquée en 1975 qu'au paravant par une tension entre les exigences à l'égard du système politique et sa légitimation démocratique. Outre l'interdépendance croissante dans le domaine extérieur, l'aggravation de la récession économique a provoqué une intervention plus soutenue des organes de l'Etat, sans que les citoyens ne manifestent pour autant aux autorités le soutien pourtant indispensable dans une démocratie référendaire. Divers indices permettent de constater qu'au sein de la population l'insécurité, le manque de confiance, voire une sourde hostilité se propagent face aux institutions. La réserve du citoyen s'est exprimée d'une part contre le renforcement des compétences de l'Etat — l'échec de l'article conjoncturel le montre — et contre la mise à disposition, d'autre part, de ressources financières ; preuve en est la réticence avec laquelle des recettes supplémentaires ont été accordées à la Confédération ou encore le rejet de toute une série de projets financiers dans les cantons et communes. La nouvelle chute de la participation lors des votes et élections est tout aussi inquiétante. Semblable passivité contraste de manière alarmante avec le soutien apporté par de nombreux habitants de la région à l'occupation illégale, durant deux mois, du terrain de la centrale nucléaire de Kaiseraugst [1].
Dans ces conditions, les autorités se sont efforcées principalement de prendre les mesures qu'exigeait la situation, évitant l'écueil référendaire en recourant fréquemment à la clause d'urgence. Au premier chef figure la relance de la production par des commandes et des subsides et la rapide extension de l'assurance-chômage, longtemps négligée. En politique extérieure, les Chambres fédérales ont souscrit sans tarder à l'adhésion à l'Agence internationale de l'énergie [2]. Par contre, d'autres décisions en suspens ont été renvoyées, le Conseil fédéral fixant en 1976 seulement certains votes populaires (aménagement du territoire, participation) et les Chambres retardant leur choix dans d'autres domaines (référendum en matière de traités internationaux, loi d'aide au développement, avortement, article Radio et TV). La mobilisation des milieux politiques en vue des élections fédérales exerça aussi un effet retardateur [3].
En dépit d'un nombre record de listes et de candidats de toutes tendances, les faveurs des électeurs ne se sont pas portées sur les extrêmes — abstraction faite des modestes succès de la nouvelle gauche — mais bien sur les trois grands partis gouvernementaux. Parmi ces derniers, les socialistes enregistrent le plus fort accroissement des voix et un gain inhabituel de sièges. Mais, lorsqu'au cours de négociations avec les autres partis, ils tentèrent de profiter du renforcement de leur position pour changer la politique et la composition du gouvernement, ils échouèrent face à la résistance bourgeoise majoritaire. En dépit des signes laissant présager un affaiblissement de ses bases, le système actuel de gouvernement quadripartite demeura inébranlable, la démocratie référendaire aidant [4]. Dans l'opinion publique, la tendance est à la fermeté. Celle-ci transparaît dans l'attitude plus dure, observée dans plusieurs milieux, à l'égard des outsiders de gauche, de même que dans le fléchissement de l'activité des contestataires. Un changement des structures en place s'est produit lors de la délimitation territoriale du nouveau canton du Jura. Les violences de la lutte n'ont finalement abouti qu'à la confirmation des réalités traditionnelles : la frontière passe le long de l'ancienne ligne de démarcation confessionnelle jurassienne [5].
L'écart entre l'accroissement des prestations exigées de l'Etat et l'affaiblissement de la participation, dans les formes données, du citoyen au processus décisionnel a provoqué un débat de fond sur la capacité de fonctionnement de l'Etat. On a constaté les lacunes du dialogue entre les autorités et le citoyen et réclamé une meilleure information, notamment de la part des partis [6]. Le conseiller fédéral Ritschard a souligné les dangers d'une résignation croissante : lorsqu'en Suisse le peuple abdique, cela signifie qu'il y a crise gouvernementale [7]. Du côté officiel, on a demandé des textes de loi conçus et formulés de sorte que les citoyens soient à même de les comprendre [8]. Quant à l'abstentionnisme lors des élections, on y voit un effet de l'inflation des listes et des candidats [9]. Selon une explication politologique du recul de la participation électorale, le citoyen éprouverait — avec l'individualisation croissante de la vie — davantage de peine à s'identifier avec les projets en votation ou avec les partis ; de ce fait, il ne ressentirait plus de satisfaction en se rendant aux urnes [10]. Une autre revendication touche aux structures de la société : elle réclame des relations moins étroites et plus transparentes entre les autorités, l'économie et l'armée afin de rétablir la confiance générale [11].
On ajoute, du côté socialiste, qu'il est nécessaire de donner aux intéressés la possibilité de participer davantage, que ce soit sur le lieu de travail, dans les immeubles locatifs ou à l'école, avant d'attendre un intérêt plus marqué du citoyen pour les affaires publiques ; au lieu de cela la politique est souvent disqualifiée, comme un facteur négatif à exclure des relations sociales [12]. Mentionnons encore que l'on a aussi évoqué la question du fonctionnement des institutions dans un état de nécessité. Le Conseil fédéral réclama une compétence autonome pour le cas où le parlement ne serait pas en mesure de lui donner les pleins pouvoirs ; il n'a pas été envisagé d'inscrire un droit de nécessité dans la Constitution [13].
 
Revision totale de la Constitution fédérale
En ce qui concerne la revision totale de la Constitution fédérale, l'accent a été porté sur les travaux de trois sous-commissions, dont les projets partiels n'étaient pas encore achevés en fin d'année. Aux avant-projets de 1974 s'ajoute une proposition d'un groupe de juristes de l'Université de Bâle, qui dépasse les autres en concision, mais fait naître, de ce fait même, des doutes quant à son utilité pratique [14]. On prit note dans le public d'une décision de principe favorable à une juridiction constitutionnelle, limitée à des cas concrets donnant lieu à recours, ainsi que de discussions sur le sens et la forme d'un préambule [15]. Une étude politologique critiqua vigoureusement la manière dont la commission Wahlen a traité la question et, s'inspirant de l'exemple de la République fédérale allemande, plaida pour une modification radicale de la structure de l'Etat ; ce serait le seul moyen de tirer la politique suisse de son engourdissement [16]. Une voix socialiste préconisa l'encouragement des travaux de revision sur le plan cantonal, ce qui pourrait produire un effet stimulant sur la revision fédérale [17].
On ne discuta pas seulement de la fonction et de la forme de l'Etat, mais aussi de la nature et de la mission de la nation suisse. Le regard s'est porté dans un futur lointain. Certes, la récession, imprévue, rendit sceptique à l'égard de toute considération futurologique ; mais, parallèlement, on s'éleva contre la renonciation à toute pensée systématique sur le développement futur de l'Etat et de la société [18]. La Radio suisse romande a interrogé des représentants de diverses tendances sur l'idée qu'ils se faisaient de la Suisse [19]. La Nouvelle société helvétique consacre son annuaire au thème de la « qualité de la vie » [20]. Une satire futuriste, imaginant le destin d'une Suisse transformée en démocratie populaire et satellisée par l'Union soviétique, n'a trouvé qu'un écho mitigé [21]. D'autre part, diverses descriptions représentant de manière critique les conditions ou les traits caractéristiques de la Suisse, vus de l'intérieur ou de l'extérieur, ont retenu l'attention [22]. La recherche d'une nouvelle expression populaire de la conscience suisse est demeurée sans succès : le Conseil fédéral s'est vu contraint de confirmer le « Cantique suisse » comme hymne national officiel, cela après une adoption provisoire de quatorze ans [23].
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P.G.
 
[1] Cf. infra, part. I, 1e (Participation électorale), 4a (Konjunkturpolitik), 5 (Situation der öffentlichen Finanzen : Kantone, Massnahmen zur Verbesserung des Bundeshaushaltes), 6a (Atomkraftwerke) et II, 2b. Une étude, fondée sur un sondage d'opinion effectué en 1972, indique qu'une partie considérable des citoyens (31 %) a une nette préférence pour les moyens d'action directe, mais participe peu aux élections et votations (Ch. Roig in D. Sidjanski et al., Les Suisses et la politique, Berne-Francfort/M. 1975, p. 155 ss., notamment 170 ss.).
[2] Cf. infra, part. I, 2 (Multilaterale Wirtschaftsbeziehungen), 4a (Konjunkturpolitik), 7c (Assurance-chômage).
[3] Cf. infra, part. I, 2 (Partizipation, Entwicklungshilfe), 6c (Raumplanung), 7a et d (Participation, Avortement), 8c (Radio und Fernsehen). Cf. APS, 1971, p. 9 s.
[4] Cf. infra, part. I, 1c (Gouvernement), Id (Listes et candidats, Résultat des élections au CN).
[5] Cf. infra, part. I, 1b (Ordre public), 1d (Question jurassienne), 3 (Armée, Objection de conscience et service civil), 8a (Jugendpolitik, Primar- und Mittelschulwesen, Hochschulen).
[6] Cf. E. Gruner, « Direkte Demokratie in der Krise », in Schweizer Monatshefte, 55/1975-76, p. 274 ss. et infra, part. I, 8c (Informationspolitik).
[7] Allocution au congrès du PSS (NZZ, 69, 24.3.75 ; Tw, 69, 24.3.75).
[8] Discours du chancelier Huber au Forum Helveticum : Documenta, 1975, no 6, p. 13 ss.
[9] E. Gruner in BN, 235, 9.10.75 ; CN Binder (pdc, AG) in Ww, 44, 5.11.75. Cf. aussi le sondage de l'institut Scope sur les motifs des abstentionnistes (Schweizer Illustrierte, 45, 3.11.75).
[10] L. Neidhart dans sa conférence inaugurale à l'Université de Zurich (BN, 263, 11.11.75).
[11] H. Tschäni, Demokratie auf dem Holzweg. Bemerkungen zur helvetischen Dauerkrise, Zürich 1975, notamment p. 89 ss., 106 ss.
[12] R. Bäumlin, Politik im Alltag, Basel 1975, notamment p. 7 ss., 52 ss., 62 ss. et 72 ss. Cf. NZ, 68, 1.3.75.
[13] Cf. BO CN, 1975, p. 492 ss. (interpellation Künzi, prd, ZH) ainsi que P. Siegenthaler in Documenta, 1975, no 3, p. 14 ss.
[14] 24 Heures, 274, 25.11.75. Proposition bâloise : BN, 107, 10.5.75 ; TA, 112, 17.5.75 ; 187, 15.8.75 ; LNN, 282, 4.12.75. Cf. APS, 1974, p. 10 s.
[15] Juridiction constitutionnelle : MG, 62, 15.3.75 ; NZZ (sda), 98, 29.4.75. Préambule : NZZ, 219, 22.9.75 ; LNN, 230, 4.10.75. Cf. aussi Civitas, 31/1975-76, p. 203 ss. (articles sur l'état des travaux de plusieurs membres de la commission).
[16] R. E. Germann, Politische Innovation und Verfassungsreform, Bern-Stuttgart 1975 (St. Galler Studien zur Politikwissenschaft, 3). Cf. APS, 1973, p. 10 s.
[17] AZ, 166, 19.7.75 (contient une vue d'ensemble des efforts de revision des cantons).
[18] Bund, 90, 20.4.75 ; Vat., 159, 12.7.75 ; NZZ, 218, 20.9.75 ; 300, 27.12.75 ; TA, 284, 6.12.75. Cf. infra, part. I, 4a (Prospektive).
[19] La Suisse qu'ils veulent, publ. par L. Rebeaud, Lausanne 1975.
[20] La Suisse, Annuaire national de la NSH, 46/1975. Sur le thème de la qualité de la vie, cf. aussi infra, part. I, 4a (Konjunkturlage).
[21] U. Kägi, Volksrepublik Schweiz 1998, Eine Polit-Satire, Olten-Freiburg i. Br. 1975. Cf. BN, 255, 1.11.75 ; Ldb, 262, 12.11.75 ; TA, 267, 17.11.75 ; NZZ, 288, 11.12.75.
[22] Cf. N. Meienberg, Reportagen aus der Schweiz, Darmstadt-Neuwied 1975 ; Merlan, 28/1975, no 1 ; NZ, 202, 210, 217, 220, 222, 225, 235, 242, 1.7-6.8.75 ; en outre NZZ, 128, 6.6.75 ; 198, 28.8.75 ; TG, 166, 19.7.75 ; TA, 291, 15.12.75.
[23] Presse du 23.8.75. Le DFI fut chargé d'examiner la question d'une refonte du texte allemand. Cf. APS, 1973, p. 10 ; 1974, p. 12.
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