Année politique Suisse 1975 : Wirtschaft / Landwirtschaft
 
Politique agricole
La réduction des subventions fédérales, décidée par le parlement en janvier et ventilée par le Conseil fédéral en mars, a également concerné la politique agricole. Malgré l'opposition préalable de plusieurs organisations paysannes, l'exécutif diminua les subventions à l'agriculture d'une centaine de millions de francs. Toutefois, suivant les voeux du libéral vaudois Thévoz, proche des milieux paysans, c'est avant tout sur le compte laitier et par l'intermédiaire d'une hausse des prix que cette économie a été réalisée. Ainsi, par exemple, la diminution de 33 millions environ du poste « mise en valeur des produits laitiers » s'est trouvée compensée par l'augmentation du prix du beurre ; ce qui amena en outre une majoration des suppléments de prix sur les huiles et les graisses comestibles importées. Un même mécanisme fonctionna en ce qui concerne la réduction des subventions à l'Administration fédérale des blés, entraînant à la fois une hausse du prix du pain et la réintroduction du droit de douane à l'importation du blé panifiable, droit non perçu lors de la flambée des prix sur le marché mondial [1]. Directement touchés, les vignerons devront se contenter de subventions réduites pour la plantation des vignobles. Les paysans de montagne, s'ils ne perçoivent plus de contribution à l'acquisition de machines, sont mis dès le ler mai au bénéfice de primes plus élevées pour la culture de pomme de terre. Cet exercice complexe d'économie inspira au conseiller fédéral Chevallaz une remise en cause de certains fonctionnements des subventions fédérales à l'agriculture [2]. A la fin de l'année, la Division fédérale de l'agriculture a présenté les grandes lignes de la production agricole suisse pour 1976-1980. Ce programme envisage, entre autres, une réduction du troupeau laitier et une extension des cultures de céréales panifiables afin de permettre un taux d'auto-approvisionnement de 70 à 80 %. Vu le processus de concentration que connaît l'agriculture, les services de la division ont défini un modèle de contrat à plusieurs variantes de communauté d'exploitation et l'ont mis à la disposition des organismes de vulgarisation agricole [3].
La politique des prix est un des éléments essentiels de la politique agricole : elle doit permettre au paysan « moyen » de bénéficier d'une rétribution équitable. Fin février, sur la base de ses calculs, l’USP a estimé que ce revenu n'avait pas été atteint en 1974 ; en conséquence, elle a présenté au Conseil fédéral une liste de revendications pour 1975. Les augmentations de prix des produits agricoles demandées devaient permettre une adaptation suffisante du pouvoir d'achat du paysan. Dès la parution de cette liste, les critiques fusèrent. Exagérées pour les milieux syndicaux et de consommateurs, ces revendications paraissaient trop timides à certains milieux paysans [4]. Fin avril, l'exécutif accorda une augmentation correspondant à peu près à la moitié de celle demandée par l'USP, sans pour autant faire cesser la polémique, à laquelle l'USP joignit dès lors modérément sa voix. La hausse de prix de certaines catégories de viandes amena même plusieurs organisations de consommateurs à lancer une grève de trois semaines [5].
Début octobre, « Brugg » annonçait que l'organisation faîtière renonçait à une nouvelle adaptation du revenu paysan pour 1976, à la double condition d'une stabilité des salaires et d'une correspondance entre les prix indicatifs et les prix réels. Cette décision, facilitée par une amélioration de 7 % des résultats prévus pour 1974, provoqua des réactions diverses. Félicitée par le conseiller fédéral Brugger pour son réalisme, l’USP fut violemment prise à partie, aussi bien par le PAI-UDC vaudois et l'Union des producteurs suisse (UPS) que par des milieux socialistes et syndicaux. Ces derniers lui reprochèrent de vouloir ainsi faire pression sur les travailleurs afin qu'ils renoncent à présenter des revendications salariales. La valeur d'exemple donnée par certains milieux patronaux à la retenue de l'USP n'était pas faite pour les démentir [6].
La situation de l'agriculture suisse et de l'approvisionnement du pays dépend également du commerce agricole extérieur. A la fin de l'année précédente, les Chambres avaient approuvé une nouvelle loi qui permettait le prélèvement de taxes variables supplémentaires à l'importation de certains produits agricoles transformés, le produit de ces taxes servant ensuite de subvention à l'exportation. Par là, on rétablissait la capacité concurrentielle de l'industrie alimentaire nationale face aux fabricants de la CEE et de l'AELE, qui bénéficient de prix des matières premières agricoles bien moins élevés. Soutenue par la Fédération suisse des consommateurs, la maison zurichoise Denner SA lança un référendum contre cette loi. Ayant trouvé entre-temps l'appui de la Fédération romande des consommatrices et du Forum des consommatrices de la Suisse allemande et du canton du Tessin, le référendum fut déposé le 9 avril [7]. La seule formation politique nationale qui se prononça en faveur de cette action fut l'Alliance des indépendants ; le PSS, pris entre la défense du consommateur et la sauvegarde des places de travail de l'industrie alimentaire, laissa la liberté de vote à ses membres ; dans une situation identique, l'USS délégua à ses fédérations le soin de se prononcer. Malgré ce manque de soutien, c'est une assez faible majorité du peuple qui approuva la loi le 7 décembre [8].
En matière de régulation des importations, le droit d'entrée de 3 francs par quintal de blé a de nouveau été perçu dès le ler mars ; nous en avons vu la raison ci-dessus. Mesure analogue, la majoration, à partir de la même date, du supplément de prix sur les huiles et les graisses importées n'est pas restée incontestée [9]. Consultée en février par le Conseil fédéral sur l'opportunité de cette augmentation, la commission consultative pour l'exécution de la loi sur l'agriculture se divisa. Les représentants agricoles, partisans d'un supplément plus élevé, s'opposèrent aux autres membres de la commission, adversaires de toute majoration de la taxe. Le représentant du Vorort proposa en vain une solution médiatrice. Lors du débat parlementaire de juin sur le rapport du Conseil fédéral, l'opposition fut surtout le fait de milieux proches du commerce et de l'alimentation, ainsi que de l'Alliance des indépendants. Leur coalition n'empêcha cependant nullement l'approbation des Chambres [10]. Dans un souci de protection de l'économie laitière, le prix de la crème importée fut relevé début octobre jusqu'à celui de la crème indigène. Cela à la suite de la décision de la maison Denner SA d'importer de la crème à bas prix en provenance de la République fédérale allemande. Le DFEP demanda à l'exécutif, et obtint, un supplément de prix, arguant du fait que l'importation de crème à bas prix, en provoquant une mévente de la crème indigène, entraînerait un surcroît de frais de transformation de cette dernière en beurre. La décision fédérale amena une controverse entre la maison zurichoise, l'Union centrale des producteurs suisses de lait (UCPL) et la Division de l'agriculture, sur la structure des coûts de la crème suisse, sur l'importation de beurre et sur le fonctionnement de l'économie laitière en général [11].
L'engorgement du marché viticole, effet de la situation européenne, obligea l'exécutif à limiter plus sévèrement l'importation de vins blancs en bouteille, la quantité admise restant au niveau de celle de l'année précédente. Cette mesure fut accueillie avec satisfaction par les milieux intéressés, qui regrettèrent cependant son aspect tardif et sa durée restreinte. Sur ce dernier point toutefois, le Conseil fédéral leur donna satisfaction, limitant la quantité autorisée pour 1976 à 65 % de celle de 1974 [12].
Dans le cadre de la régulation des ventes, l'effort fédéral s'est surtout porté dans le domaine de l'économie laitière ; les difficultés d'écoulement du lait en poudre en sont la raison principale. Début juillet, un crédit de 14 millions pour réduire le stock de cette marchandise fut libéré. Auparavant, I'UCPL avait décidé de retenir 0,2 centime par kilo de lait en poudre commercialisé, comme participation des producteurs aux frais de cette action. Afin de rendre la production de cette denrée moins attrayante, une taxe de 15 francs par 100 kg à l'exportation avait été prévue en février ; des difficultés techniques empêchèrent sa perception. Début mars, le Conseil fédéral a abaissé la retenue sur le prix du lait de 1 centime. Cette mesure a été rendue possible par la diminution des livraisons de lait dès septembre 1974 et par la participation moins élevée que prévue aux frais de mise en valeur des produits laitiers [13].
 
[1] Réduction des subventions : cf. part. I, 5 (Massnahmen zur Verbesserung des Bundeshaushaltes) ainsi que JdG, 52, 4.3.75 ; TLM, 63, 4.3.75. Oppositions paysannes : IdG (ats), 3, 6.1.75 ; 11, 15.1.75 ; NZZ, 2, 4.1.75 ; Vat., 2, 4.1.75 ; NZ, 8, 8.1.75. Intervention Thévoz : BO CN, 1975, p. 15 s. Cf. infra, Régulation des importations.
[2] Vignerons : RO, 1975, no 8, p. 417 s. Paysans de montagne : RO, 1975, no 8, p. 417 s. ; no 17, p. 826 s. CF Chevallaz : Documenta, 1975, no 1, p. 2 ss.
[3] JdG (ats), 298, 20.12.75 ; 24 Heures (ats), 296, 21.12.75.
[4] Revendications USP : Vat., 52, 4.3.75. Critiques syndicales : gk, 9, 6.3.75; 16, 30.4.75; Journal des fonctionnaires fédéraux, 10, 15.5.75. Critiques paysannes : TLM, 61, 2.3.75; Le Pays vaudois, 10, 13.3.75. Polémique : Brückenbauer, 14, 4.4.75; 24 Heures, 90, 19.4.75; Lib., 169, 25.4.75 ; TLM, 115, 25.4.75.
[5] Décision du CF : NZ, 128, 25.4.75 ; TLM (ats), 63, 4.3.75. Les augmentations concédées concernent : le blé, les pommes de terre, les betteraves sucrières, le colza, le lait, la viande de boucherie et les ceufs. (RO, 1975, no 17, p. 671 ss. et 15, p. 652 ss.) Grève de la viande : 24 Heures, 95, 25.4.75 ; cf. également part. I, 4a (Konsumentenschutz).
[6] Renonciation de l’USP : JdG, 235, 9.10.75; Lib., 8, 9.10.75. Lettre du CF Brugger : Innerschweizer Bauernzeitung, 48, 27.11.75. PAI-UDC : GdL (ats), 238, 14.10.75. UPS : 24 Heures, 242, 18.10.75 ; 248, 25.10.75 ; critiques syndicales : Innerschweizer Bauernzeitung, 48, 27.11.75 ; critiques socialistes : Domaine public, 336, 30.10.75 ; milieux patronaux : Société pour le développement de l'économie suisse, Revue des faits de la semaine, 41, 14.10.75.
[7] Sur le problème de l'alimentation de la population suisse : cf. Zur Ernährungssituation der schweizerischen Bevölkerung. 1. schweiz. Ernährungsbericht, Bern 1975. Loi et référendum : cf. APS, 1974, p. 72 et 83. Organisations de consommateurs : NZZ (sda), 16, 21.1.75. Dépôt du référendum : FF, 1975, I, no 16, p. 1436 s.
[8] PSS : TA, 256, 4.11.75. USS : Tat (sda), 221, 19.9.75 ; gk, 37, 13.11.75. Résultat de la votation : 587 148 voix pour la loi, 541 489 contre. (FF, 1976, I, no 5, p. 347 s.) Dans le cadre du commerce agricole extérieur, l'Accord international sur le blé a été reconduit pour un an (RO, 1975, no 15, p. 635 ss. et no 41, p. 1836 ss.).
[9] Blé : Rapp. gest., 1975, p. 214. Huiles et graisses : RO, 1975, no 8, p. 424 ss. Cf. supra, Politique agricole.
[10] Rapport du CF et consultation de la commission : FF, 1975, vol. I, no 20, p. 1784 ss. Débat : BO CN, 1975, p. 817 ss. ; BO CE, 1975, p. 366 ss. Milieux du commerce et de l'alimentation : cf. l'intervention du CN Eisenring (pdc, ZH), président de l'Association suisse des grands magasins, ainsi que la réponse du CF Brugger : BO CN, 1975, p. 822 ss.
[11] Importation de crème : RO, 1975, no 38, p. 1739 ss. Polémique : LNN, 217, 19.9.75 ; NZ, 292, 19.9.75 ; NZZ, 221, 24.9.75 ; TA, 226, 30.9.75 ; Bund, 230, 2.10.75.
[12] Limitation 1975 : RO, 1975, no 20, p. 925 s. Réactions : JdG (ats), 170, 24.7.75 ; TG, 170, 24.7.75. Limitation 1976 : RO, 1975, no 52, p. 2529 s.
[13] Crédit : RO, 1975, no 27, p. 1290 s. ; Rapp. gest., 1975, p. 261. Taxe : RO, 1975, no 9, p. 440 s. ; no 27, p. 1289. Retenue sur le lait : RO, 1975, no 9, p. 440 s. ; JdG (ats), 48, 27.2.75.