Année politique Suisse 1977 : Wirtschaft / Landwirtschaft
 
Politique agricole
La publication par le Conseil fédéral du cinquième rapport sur l'agriculture et la discussion parlementaire d'un train de mesures concernant l'économie laitière ont été les deux temps forts de la politique agricole [1]. Comportant plus de deux cents pages, le rapport de l'exécutif est composé de trois parties traitant successivement de l'évolution de l'agriculture, des instruments de la politique agricole, de ses principes et objectifs. Malgré son ampleur — ou peut-être à cause d'elle — il n'a pas provoqué de remise en cause globale de la politique suivie jusqu'alors [2]. L'absence de propositions de rechange d'ensemble paraît être la caractéristique principale des diverses critiques; le débat parlementaire et les réactions de la presse, paysanne en particulier, attestent que le consensus sur le fond est moins l'expression d'un accord parfait que d'une moyenne de mécontentements [3]. L'équilibre politique ainsi obtenu et les nécessités, quelquefois contradictoires, du développement économique interdisent de modifier fréquemment et substantiellement les bases de la politique agricole. La seule exception; d'importance cependant, est le fait de l'économie laitière [4].
Les négociations en matière de politique des prix se sont déroulées selon un scénario maintenant bien réglé et n'ont, par conséquent, rien eu de spectaculaire ni de surprenant. Début février, l'Union suisse des paysans a présenté son catalogue de revendications, axé principalement sur les prix du lait, des céréales, de la betterave sucrière, des pommes de terre et du colza. Bien que considérant ces demandes comme justifiées et modérées, le Conseil fédéral décida, à fin avril, de n'y répondre que partiellement, au nom du triple respect du budget, du plan financier et de la stabilité des prix [5]. Le financement des adaptations consenties se fera par le biais des suppléments de prix grevant les importations de denrées fourragères, dont le rendement a été plus élevé que prévu; les prix à la consommation ne seront donc pas modifiés. Ce «oui, mais...» des autorités fédérales, reconnaissant à la fois la légitimité des revendications et leur impraticabilité, a provoqué une vive irritation dans les rangs paysans [6]. L'ouverture du deuxième acte aura lieu à fin octobre, «Brugg» présentant de nouvelles requêtes auxquelles le Conseil fédéral n'accédera une fois de plus que partiellement. Une seule exception, la quantité de base de la production laitière commercialisée, qui est augmentée de 1,5 million de q, conformément au voeu de I'USP [7].
Plusieurs hauts fonctionnaires fédéraux se sont prononcés sur les perspectives du commerce agricole extérieur, que l'on ne saurait concevoir comme une variable indépendante; l'importance des exportations de certains produits agricoles, le poids et le rôle de l'industrie d'exportation ne permettent pas un développement soutenu du protectionnisme, qui se heurterait rapidement aux mesures de rétorsion de nos partenaires commerciaux [8].
Cela explique peut-être l'absence de remaniement significatif en matière de régulation des importations. Relevons toutefois que l'augmentation, contre l'avis des indépendants, des droits de douane sur la choucroute importée n'aura pas de conséquences néfastes pour la politique économique extérieure du pays [9]. La situation des produt.teurs d'oeufs indigènes restant difficile, le Conseil national a transmis un postulat Jung (pdc, LU) demandant le prélèvement de droits variables sur les oeufs importés, dont la contre-valeur servirait à favoriser le placement des ceufs du pays [10].
Les problèmes de l'économie laitière se sont manifestés avec force au niveau de la régulation des ventes. Sòurce principale du revenu paysan, point de rencontre d'intérêts parfois opposés, souffrant d'emballement chronique, elle a retenu l'attention de tout ce qui, à un titre ou à un autre, s'intéresse à la politique agricole.
A commencer par les autorités fédérales, qui dès le début de l'année, proposèrent plusieurs revisions de la législation en vigueur, afin d'assainir une situation devenue critique [11]. Dans ce but, l'adoption d'un nouvel arrêté sur l'économie laitière, la modification de l'arrêté sur le statut du lait et de la loi sur l'agriculture ont été soumises au verdict parlementaire [12]. Entre-temps, les relevés provisoires de la production laitière rendaient nécessaire la mise en place de mesures urgentes [13]. Le point central de cette adaptation réside dans l'introduction du contingentement individuel. L'arrêté fédéral urgent, adopté par les Chambres en mars, en prévoit une application simplifiée. Ainsi le producteur se voit allouer une quantité de lait équivalente à la moyenne de ses livraisons entre le 1er mai 1975 et le 30 avril 1976. En cas de dépassement de ce quota, la somme de 50 centimes par kilo supplémentaire sera déduite du prix de base du lait, qui est actuellement de 75 centimes. Le Conseil national, qui en traitait en premier, suivit la proposition de l'agrarien bernois Hofmann et délégua à l'exécutif la compétence d'édicter la limite maximale de kg de lait par hectare d'exploitation. D'autres modifications assouplirent le régime du contingentement pour les régions de montagnes [14]. Ces précisions trouvèrent l'assentiment du Conseil des Etats [15]. En conséquence, le Conseil fédéral publia le 31 mars l'ordonnance réglant les détails d'application du contingentement fixant à 9000 kg par hectare de surface agricole utile la quantité maximale de lait pouvant être commercialisée [16].
 
[1] Cf. aussi APS, 1976, p. 85 et 87 s.
[2] 5e rapport: FF, 1977, I, p. 252 ss. Discussion parlementaire: BO CN, 1977, p. 1002 ss.; BO CE, 1977, p. 735 ss.
[3] Un exemple de cette difficulté à formuler des propositions de remplacement globales est donné par l'entretien du a G. C. Vincenz (pdc, GR) et du CN F. Jung (pdc, LU) avec A. Hartmann in Civitas, 32/1976-77, p. 502 ss. Les réactions, vigoureuses parfois, de la presse paysanne ont surtout porté sur le revenu équitable (Innerschweizer Bauernzeitung, 6, 3.2.77; 9, 24.2.77) et sur le contingentement laitier (Union, 8, 23.2.77). Des critiques d'ensemble ont toutefois été émises par un courant d'inspiration écologique; voir à cet égard: A.-M. Holenstein, Zerstörung durch Überfluss, Basel 1977; Schweizerische Gesellschaft für Umweltschutz, Ökologische Landwirtschaft als notwendige öffentliche Aufgabe, Zürich 1977 ainsi que Leserzeitung, 58, 28.6.77.
[4] Cf. infra (Régulation des ventes et Orientation de la production).
[5] Revendications USP: BüZ, 28, 2.2.77; NZZ (sda), 27, 2.2.77. Réponse du CF: JdG, 96, 28.4.77; 24 Heures, 98, 28.4.77; RO, 1977, no 19, p. 791 ss.
[6] TLM, 118, 28.4.77; 119, 29.4.77; 24 Heures, 99, 29.4.77.
[7] Revendications USP: JdG (ats), 245, 20.10.77. Décision du CF: JdG, 299, 22.12.77; TLM, 357, 23.12.77; 24 Heures, 298, 22.12.77; RO, 1978, no 1, p. 4 ss.
[8] Cf. la conférence de l'ambassadeur P. R. Jolles, «Die aktuellen Aufgaben der schweizerischen Aussenwirtschaftspolitik und die Stellung der Landwirtschaft», in Documenta, 1977, no 2, p. 2 ss. et celle de l'ambassadeur A. Dunkel, «Production et commerce de produits agricoles dans le contexte économique actuel», in Union, 5, 2.2.77; 7, 16.2.77; 8, 23.2.77; 9, 2.3.77, ainsi que le compte rendu de l'allocution de A. Brugger, chef du service des importations et exportations de la Division du commerce, in Vat., 56, 8.3.77. Cf. également infra, part. I, 2 (Liberalisierung des Welthandels).
[9] FF, 1976, II, p. 1049 ss.; BO CE, 1976, p. 588 ss.; 1977, p. 155; BO CN, 1977, p. 128 ss. et 429; FF, 1977, I, p. 1365.
[10] BO CN, 1977, p. 116.
[11] Cf. APS, 1976, p. 87 s.
[12] FF, 1977, I, p. 77 ss.
[13] De novembre 1975 à octobre 1976, la production de lait s'est accrue de 3,7%. Elle a augmenté de 6,5% en novembre 1976 et de 8,1% en décembre de la même année (TLM, ats, 20, 20.1.77; 26, 26.1.77).
[14] FF, 1977, 1, p. 541 ss.; BO CN, 1977, p. 50 ss., 339 et 430.
[15] BO CE, 1977, p. 56 ss., 122 et 155; RO, 1977, no 15, p. 613 ss.
[16] RO. 1977, no 15, p. 634 ss.; 24 Heures (ats), 76, 31.3.77.