Année politique Suisse 1977 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
 
Politique de l'énergie
En 1977, on n'a guère enregistré, dans notre pays, de progrès en matière de consensus sur l'approvisionnement en énergie. Tandis que les autorités considèrent que la question centrale de la politique énergétique réside dans la diminution des réserves de pétrole, une grande partie de la population voit, en revanche, le noeud du problème dans la construction des centrales nucléaires. L'utilisation de l'énergie nucléaire n'a pas seulement des implications technologiques, mais relève également de considérations d'ordre politique; le Conseil fédéral l'a maintenant reconnu, puisqu'il a proposé aux Chambres fédérales de compléter la loi sur l'énergie atomique qui date de 1959 [1].
La commission pour la conception globale de l'énergie (CGE) n'a pas pu déposer son rapport final dans les délais prévus et, par conséquent, l'an dernier, la politique énergétique de la Suisse n'a pas encore pu s'appuyer sur des bases concrètes pourtant indispensables. Cependant, cette commission a élargi le débat en publiant de nouveaux travaux de recherche qu'elle a suscités dans les domaines les plus divers touchant la politique de l'énergie [2].
Puisque, selon les objectifs du Conseil fédéral (nous reviendrons sur ce sujet), l'autorisation de construire des centrales nucléaires doit dépendre d'une demande d'énergie suffisante, dont il faut faire la preuve, il n'est pas étonnant que les critiques à l'adresse de la commission et de ses travaux portent, en premier lieu, sur les prévisions publiées dans son rapport intermédiaire quant à l'augmentation des besoins en énergie. En particulier, les adversaires d'une croissance des besoins énergétiques se sont efforcés de démontrer qu'il n'y a pas forcément d'interdépendance directe entre le taux de croissance du produit national brut et la consommation d'énergie, ce qui impliquerait, par conséquent, que les économies en énergie ne doivent pas nécessairement compromettre le niveau de vie [3]. Bien que la commission pour la conception globale de l'énergie n'ait pas caché son scepticisme vis-à-vis du postulat d'une croissance zéro de la consommation d'énergie, elle a, cependant; fait preuve d'une certaine souplesse en réduisant de 10 à 20% les prévisions de son rapport intermédiaire, compte tenu des incertitudes de la reprise conjoncturelle [4].
L'Etat doit-il influer de manière persistante sur la politique énergétique en édictant des prescriptions sur les économies d'énergie et le traitement préférentiel à accorder à certaines de ses formes? Cette question ne pourra être tranchée que lors du débat sur un article constitutionnel relatif à la politique énergétique. Jusqu'à présent, les autorités ont fait preuve, dans leurs propos, de retenue au sujet de la nécessité et du contenu d'un tel article, parce qu'elles désirent, au préalable, prendre connaissance du rapport final de la commission. En revanche, le conseiller national Jaeger (adi, SG) a proposé, par sa motion, que l’Etat prenne en main la conduite de l'approvisionnement en énergie. Ce projet tend à obliger le Conseil fédéral à placer la politique énergétique de la Suisse sous le double impératif des économies d'énergie et de la substitution des énergies classiques (fossiles, hydrauliques, thermo-nucléaires) par les énergies de remplacement (énergie solaire, récupération de la chaleur perdue, etc.). A cette fin, il propose la perception d'un impôt progressif sur l'énergie produite de manière traditionnelle. Les recettes serviraient à subventionner les mesures d'économie (par exemple l'isolation des bâtiments) et la promotion des techniques de remplacement. D'autre part, afin d'agir sans attendre l'adoption d'un article constitutionnel sur l'énergie, l'Union démocratique du centre a demandé par voie de motion qu'un arrêté fédéral urgent permette de prélever une taxe sur l'énergie importée, les recettes devant être affectées à la réalisation des objectifs présentés dans la motion Jaeger [5]. Afin de constituer aussi rapidement que possible le fonds de recherche que l'Agence internationale de l'Energie (AIE) préconise avec insistance, on a provisoirement fait appel à une fondation qui est financièrement supportée par des représentants de l'industrie énergétique (hydrocarbures, électricité, charbon) [6].
Faute d'attributions plus étendues, le Conseil fédéral lui-même a dû se contenter de recommander à chaque citoyen, mais aussi aux gouvernements cantonaux, d'économiser l'énergie. Il a notamment attiré l'attention des cantons sur la faculté qu'ils ont d'introduire, dans leurs lois cantonales sur les constructions, des prescriptions concernant l'isolation des bâtiments. Dans le canton de Vaud, une initiative populaire qui préconise également des mesures de ce genre a été déposée. Dans le canton de Bâle-Ville, on tente de freiner la consommation d'énergie d'une autre façon. En effet, une initiative lancée par les trois partis de gauche demande l'introduction de tarifs progressifs pour l'électricité, le gaz et l'eau. Que d'importantes économies d'énergie soient non seulement possibles, mais encore qu'elles soient rentables, plusieurs entreprises privées, dont la Migros, l'ont démontré en appliquant certains programmes [7]. L'opinion publique a continué à suivre avec autant d'intérêt les études et les essais visant à mieux utiliser les énergies existantes ou à en développer de nouvelles. Un programme de récupération de la chaleur perdue dans un réseau de chauffage à distance a suscité une attention particulière. Il en a été de même d'une recherche concernant l'installation de centrales solaires dans les Alpes, qui seraient en mesure de couvrir 20% environ de notre consommation actuelle d'électricité. Mais ce projet a été pris sous le feu des critiques des milieux écologistes qui se sont prononcés en faveur d'une utilisation aussi décentralisée que possible de l'énergie solaire [8].
A la suite de la crise de l'énergie de 1973, plusieurs pays d'Europe occidentale ont introduit l'heure d'été comme mesure d'économie. C'est moins pour des raisons de politique énergétique — la baisse de consommation s'étant révélée minime chez nos voisins — qu'en vue d'une unification favorable au trafic international que le Conseil fédéral a soumis aux Chambres un projet de «loi réglementant l'heure en Suisse», projet qui lui donne notamment la compétence d'introduire l'heure d'été. Les deux Conseils ont approuvé cette loi sans enthousiasme, l'opposition faisant alors valoir que l'heure d'été perturbe le rythme de travail dans l'agriculture. L'Union suisse des paysans renonça cependant à lancer un référendum. Pourtant, un groupe de jeunes paysans zurichois le fit et récolta les signatures nécessaires [9].
En 1977, on a enregistré à nouveau une légère augmentation de la consommation totale d'énergie, ce qui coïncide avec l'amélioration de la situation économique. Toutefois, les taux d'augmentation restèrent inférieurs aux diverses prévisions. La croissance globale fut de 2,2% (1976: 1,4). Elle se décompose comme suit: électricité 4,6% (1,1); pétrole et dérivés 0,6 % (1,4) et gaz 18,1 % (5,1). La part du pétrole et de ses dérivés est restée prédominante avec 75,2 % (76,6) [10].
 
[1] CF Ritschard in Documenta, 1977, no 3, p. 9 ss.; Eidg. Kommission für die GEK, Repräsentativbefragung der Schweizer Bevölkerung über Energiekonsum, Energieversorgung und Energiepolitik, Bern 1976. Voir aussi H. P. Fagagnini, «Das schweizerische Energieproblem vor der politischen Entscheidung», in Wirtschaft und Recht, 29/1977, p. 82 ss.
[2] Composition et tâche de la commission, cf. APS, 1974, p. 86.
[3] Rapport intermédiaire: APS, 1976, p. 91 s. Schweizerische Energie-Stiftung (SES), Ist die GEK auf dem rechten Weg? Affoltem 1977; SES, Energie und Arbeitsplätze – Stabilisierung verhindert Arbeitslosigkeit, Rüschlikon 1977; Prof. Binswanger in TA, 30, 5.2.77 et 32, 8.2.77.
[4] Leur scepticisme se fonde tout autant sur le fait que l'étude sur la croissance zéro qu'ils avaient commandée n'a été publiée qu'après la parution d'un contre-rapport rédigé par des représentants de l'industrie de l'énergie (24 Heures, 154, 5.7.77; TA, 151, 5.7.77). Révision des prognostics: NZZ, 99, 29.4.77.
[5] CN Jaeger: Délib. Ass. féd., 1977, IV, p. 33. UDC: Délib. Ass. féd., 1977, IV, p. 20. Cf. aussi: Institut für Finanzwissenschaft und Finanzrecht (St. Gallen), Finanzwirtschaftliche Aspekte der Energiepolitik, Bern 1977.
[6] Ww, 2, 12.1.77; NZZ, 146, 24.6.77. Sur l'AIE cf. APS, 1976, p. 34 s. et 69 s.
[7] Lancement d'une campagne de promotion des économies énergétiques: JdG, 252, 28.10.77. Recommandations aux gouvernements cantonaux: JdG, 114, 8.5.77. Vaud: 24 Heures, 82, 7.4.77 et 163, 15.7.77. Bâle: Vorwärts, 20, 15.5.77; BaZ, 307, 9.12.77. Pour l'état des démarches cantonales en matière de politique de l'énergie: cf. TA, 167, 168, 170, 172, 175, 116, 177, 20.7-2.8.77. Entreprises privées: JdG, 143, 23.6.77; Wir Brückenbauer. 24, 17.6.77.
[8] Arbeitsgruppe Plenar, Plenar-Wärmeverband CH, Niederteufen 1977; voir aussi: BO CN, 1977, p. 564 s. et BO CE, 1977, p. 290. Centrales d'énergie solaire dans les Alpes: JdG, 36, 12.2.77; TA, 123, 28.5.77; Tat, 100, 29.4.77. Sur l'énergie solaire en général: cf. TAM, 4, 29.1.77 et Société suisse pour l'énergie solaire, Energie solaire. Deux ans d'utilisation pratique, Rüschlikon 1977. La construction d'une centrale solaire d'essai est exigée par la motion Pedrazzini (pdc, TI) (Délib. Ass. féd., 1977, V, p. 40).
[9] FF, 1977, II, p. 601 ss.; BO CN, 1977, p. 684 ss.; BO CE, 1977, p.1 ss.; FF, 1977, II, p. 989 s. Référendum déposé le 25.7.77 avec 82 870 signatures valables: FF, 1977, III, p. 628 s.; TA, 171, 25.7.77; 24 Heures, 185, 11.8.77. Par la suite, I'USP participa à la récolte des signatures (NZZ, sda, 246, 20.10.77).
[10] TA, (ddp), 87, 15.4.78. Cf. APS, 1976, p. 93.