Année politique Suisse 1977 : Bildung, Kultur und Medien / Bildung und Forschung
 
Enseignement primaire et secondaire
Les mimes thèmes que ceux des deux dernières années dominent l'enseignement primaire et secondaire. Beaucoup de cantons ne sont pas parvenus à maîtriser le chômage des enseignants. La situation est surtout alarmante dans quelques cantons alémaniques, mais les autorités du Tessin et du Valais commencent aussi à affronter ce problème. En Suisse méridionale les normaliens et les maîtres au chômage ont manifesté contre cette situation menaçante. Des gymnasiens ont déclenché à Lugano une grève de plusieurs jours qui a été soutenue par d'autres écoles du canton [3]. Plusieurs cantons se sont efforcés de prendre des mesures pour sortir de cette position délicate: quelques cantons admettent à certaines conditions que deux titulaires se partagent la même classe. Des cours de perfectionnement ont été créés pour les maîtres sans place. Les doubles revenus sont passés au crible fin dans le but de libérer des postes de travail [4]. Une issue a été trouvée pour quelques jeunes instituteurs argoviens qui enseignent depuis l'automne dans le Vorarlberg [5]. Le congédiement dans le canton de Schwytz d'un instituteur du Vorarlberg, qui quatre ans auparavant avait été appelé en Suisse à cause du manque d'enseignants, a bafoué le principe de la réciprocité [6].
Certaines répressions contre les instituteurs ont défrayé la chronique. Quel rôle les enseignants ont-ils à jouer dans notre société? Les discussions à ce sujet ont mis en évidence des différences d'opinion. Les limites posées à la liberté de l'enseignant, qui finalement est un fonctionnaire payé par l'Etat, sont objets de conflit: les cercles conservateurs craignent que l'enseignement dispensé ne mette en péril les valeurs traditionnelles qu'ils défendent, les cercles progressistes souhaiteraient précisément remettre en question ces mêmes valeurs [7].
Quelques cantons se comportent avec beaucoup de tolérance envers les maîtres «gauchisants»; d'autres voudraient éloigner de l'école le «jeune homme idéologiquement marqué» [8]. Le 150e anniversaire de la mort d'Henri Pestalozzi s'inscrit dans le calendrier des événements de l'année. En marge des discours solennels et du flot d'ouvrages consacrés au grand éducateur, quelqûes auteurs isolés se sont posé la question, gage d'hérésie, de savoir si l'enseignement de Pestalozzi serait aujourd'hui couronné de succès dans tous les cantons [9].
Certains cas de nomination ont fait grand bruit dans le canton de Zurich. A Erlenbach, Maja Klemm, membre des POCH, n'a pas été élue par les citoyens comme maîtresse secondaire. Les partis bourgeois, qui lui reprochaient notamment l'emploi dans son enseignement d'un roman de W. M. Diggelmann, ont mené contre elle une campagne importante. La commission scolaire d'Embrach (au nord de la ville de Zurich) a refusé de confirmer dans sa fonction de maître secondaire suppléant D. Grünenfelder qui avait pris part, en 1976, en tant que président du groupe de travail «Manifeste démocratique», à la fouille des archives Cincera. Le directeur de l'instruction publique soleuroise, A. Wyser, a également été critiqué parce qu'il n'a pas nommé l'institutrice Brigitte Harder, dont le mari est membre des POCH, à la fonction accessoire d'inspectrice. Le conseiller d'Etat Wyser a contesté cependant devant le parlement, qu'il y ait dans son canton une mise au ban des éléments radicalisés. Le gouvernement du canton de Bâle-Campagne s'est montré en revanche plus tolérant en nommant une militante des POCH comme inspectrice des jardins d'enfants [10]. La ville de Zoug a modifié ses directives pour l'élection du corps enseignant. En 1976 déjà, leur conception restrictive avait préoccupé l'opinion publique et donné lieu à une plainte de la VPOD. Leur nouvelle teneur (se comporter dans la vie privée de façon à ne pas éveiller le scandale public, ne pas afficher d'opinions foncièrement destructrices, éviter les doubles traitements) n'a pas donné davantage satisfaction aux enseignants [11]. Le Grand Conseil vaudois a maintenu pour les enseignants l'obligation d'être domicilié là où ils enseignent. L'Association suisse des enseignants a protesté par une résolution contre cette limitation des libertés individuelles. Un avis de droit, demandé par l'Association des enseignants argoviens, déclare cette restriction inadmissible [12].
Un recours adressé au Tribunal fédéral fit clairement apparaître que celui-ci adoptait une attitude plus compréhensive envers les objecteurs de conscience que les instances cantonales concernées. Un maître secondaire zurichois exclu de l'enseignement à cause de son refus de servir porta plainte. Les juges lausannois reçurent la plainte, il est vrai uniquement d'abord pour cause de vice de forme, mais le président du Tribunal fédéral A. Grisel expliqua ensuite dans ses considérants que l'objection de conscience ne constituait pas un motif suffisant d'exclusion. Une décision du Tribunal fédéral en matière de parité de traitement entre les enseignantes et les enseignants du canton de Neuchâtel a déjà été développée ailleurs [13].
Les mesures d'économie et les difficultés de coordination ont cette année encore entravé l'exécution de projets de longue date. Une enquête de l'Action de planification commune de l'éducation a démontré que la majorité des personnes interrogées sont en faveur d'une collaboration approfondie entre les cantons [14]. La Suisse romande a indéniablement réalisé les plus grands progrès dans cette direction. Les directeurs de l'instruction publique de Suisse romande et du Tessin ont annoncé, lors d'une conférence de presse, la coordination des programmes de certaines branches de 5e et 6e années. D'autre part, il est prévu, sans que la date en soit fixée, d'introduire l'enseignement de l'allemand à partir de la 4e année scolaire [15]. La décision prise par les directeurs de l'instruction publique de la Suisse du Nord-Ouest d'enseigner le français dès la même année a échoué en Argovie, devant la résistance farouche des maîtres primaires [16].
La situation financière précaire limite étroitement les progrès en matière de politique de l'enseignement. Il est question de réformes scolaires depuis des années, mais les réalisations effectives sont trop isolées pour s'imposer irréversiblement [17]: L'essai d'école globale à Dulliken se terminera avec l'année scolaire 1978/79 et une école intégrée pour le degré supérieur prendra le relais. Les «zones pilotes» de Rolle et Vevey en font déjà l'expérience. Dans un message adressé au Grand Conseil, le Conseil d'Etat vaudois a précisé que la structure de l'école vaudoise ne sera déterminée qu'à la fin des expérimentations en cours. Le manque de ressources et l'attitude négative du corps enseignant sont cause qu'aucune commune zurichoise n'ait encore tenté l'expérience de l'horaire anglais, bien que le canton en ait accepté le principe depuis 1974 et que de nombreux parents en demandent l'application [18].
Plusieurs cantons ont rejeté les initiatives déposées par des milieux de gauche en vue de former des classes à effectif réduit. Ces initiatives, souvent soutenues par des enseignants, n'ont pas trouvé grâce auprès du souverain ni dans les cantons de Bâle-Campagne, Lucerne, Saint-Gall ni dans celui de Zoug. Seul Bâle-Ville a accepté de façon surprenante de fixer légalement l'effectif des classes [19]. Quelques communes horlogères du Jura étaient jusqu'ici les seules à pratiquer la semaine de cinq jours à l'école. Le conseil communal de la ville de Fribourg et le Grand Conseil tessinois ont introduit, à partir de l'automne 1977, cette réforme qui s'adapte à la semaine de travail des parents. La revision de la loi scolaire thurgovienne prévoit également la possibilité d'introduire la semaine de cinq jours à l'école [20]. Dans le canton d'Uri, la revision de la législation scolaire a provoqué le lancement d'un référendum. Les opposants estiment que le renforcement prévu des compétences du canton (durée uniforme de la scolarité) restreint beaucoup trop l'autonomie des communes [21].
En application d'une motion déposée en 1971, le Conseil-exécutif du canton de Berne a décidé de créer à l'Université, au cours des prochaines années, un institut de pédagogie curative (formation de spécialistes pour l'enseignement des enfants handicapés) [22]. Cet enseignement spécialisé a été déclaré obligatoire dans le canton de Vaud, malgré les fortes réticences apparues au sein du Grand Conseil, où les opposants voyaient dans cette obligation une atteinte portée à la liberté individuelle des parents d'enfants handicapés [23].
L'Association suisse des enseignants s'est prononcée dans sa prise de position sur le rapport d'experts «Formation des maîtres de demain», pour une formation de base d'une durée minimale de six ans, pour la formation élargie et continue du corps enseignant et pour un démantèlement de sa «structure hiérarchique actuelle» en égalisant la durée de formation [24]. La réforme de la formation du corps enseignant vaudois, introduite en 1976 avec l'approbation dit Grand Conseil, va dans une direction semblable. Les critiques parlent bien entendu d'intellectualisation du corps enseignant vaudois, celui-ci acquérant désormais sa formation générale au gymnase [25].
 
[3] Situation générale: LNN, 34, 10.2.77; JdG, 39, 16.2.77. Grève au Tessin: CdT, 92-99, 22.4.-30.4.77; BaZ, 86, 28.4.77.
[4] Argovie: FA, 122, 27.5.77; 312;27.12.77; Badener Tagblan, 301, 27.12.77. Bâle-Ville: BaZ, 162, 16.7.77. Berne: Bund. 16, 20.1.77; 24, 29.1.77; 71, 25.3.77; TW. 30, 5.2.77; 94, 23.4.77. Neuchâtel: TLM, 296, 23.10.77. Saint-Gall: Ostschw., 55, 7.3.77. Soleure: BaZ, 125, 9.6.77; Schulblatt für die Kantone Aargau und Solothurn, 96/1977, no 25, p. 663. Thurgovie: Ldb. 35, 11.2.77. Zurich: TA, 33, 9.2.77.
[5] TA. 29, 4.2.77; 42, 19.2.77; 112, 14.5.77; Badener Tagblatt, 302, 28.12.77.
[6] LNN, 22, 27.1.77; 72, 26.3.77; SZ, 76, 31.3.77.
[7] Cf. H. Saner, Zwischen Politik und Ghetto. Über das Verhältnis des Lehrers zur Gesellschaft, Basel 1977; CF R. Gnägi, «Verantwortung der Lehrerschaft gegenüber der Landesverteidigung», in Documenta, 1977, no 6, p. 38 ss.
[8] Conversation avec les chefs de l'instruction publique A. Chavanne (GE) et W. Gut (LU), in TA, 17, 21.1.77; 26, 1.2.77. Emission de la télévision DRS, «Wer darf Lehrer sein?» (TG, 293, 28.9.77; TA, 229, 1.10.77).
[9] Bildungsarbeit, 48/1977, p. 81 ss.; Reformatio, 16/1977, p. 152 ss.; Bulletin du Centre suisse en matière d'enseignement et d'éducation, 16/1977, no 62, p. 1 ss.; Vr, 104, 5.5.77. Nouvelles publications: J. Guillaume, Johann Heinrich Pestalozzi. Bürger der Revolution, Zürich 1977; cf. Badener Tagblatt, 300, 23.12.77.
[10] M. Klemm (Erlenbach): POCH-Zeitung, 19, 26.5.77; 21, 9.6.77; 22, 16.6.77; presse du 13.6.77; Leserzeitung, 57, 14.6.77. Grünenfelder (Embrach): Cf. supra, part. I, 1b (Menschenrechte); Demokratisches Manifest, 1/1977, no 2; TA, 15-18, 35, 44, 88, 217, 219, 19.1.-20.9.77; TG, 29, 4.2.77. B. Harder (SO): TA, 197, 25.8.77; Vr, 199, 27.8.77. A. Wyser devant les députés du parlement cantonal (SO): BaZ, 210, 215, 222, 248, 2.9.-11.10.77; TG, 206, 7.9.77; B. Muralt, «Gegen den Druck auf Lehrer», in Bildungsarbeit, 48/1977, p. 129 ss. Bâle-Campagne: BaZ, 321, 23.12.77.
[11] LNN, 6, 87, 94, 106, 139, 8.1.-18.6.77; BaZ, 73, 15.4.77; 249, 12.10.77; TLM, 169, 18.6.77.
[12] Vaud: TLM, 91, 126, 130, 142, 1.4.-22.5.77; VO, 112, 25.5.77; cf. aussi LNN, 109, 11.5.77. Résolution: BaZ, 100, 13.5.77. Expertise (AG): Schulblatt für die Kantone Aargau und Solothurn, 96/1977, no 6, p. 153; FA, 66, 19.3.77.
[13] Zurich: TA, 46, 24.2.77. Neuchâtel: Cf. supra, part. I, 7d (Situation de la femme).
[14] BaZ, 97, 99, 139, 211, 10.5.-3.9.77; JdG, 142, 22.6.77. Cf. «Facilités à accorder à des élèves qui changent de canton», in Bulletin du Centre suisse de documentation en matière d'enseignement et d'éducation, 16/1977, no 61, p. 3ss.
[15] 24 Heures, 24, 29.1.77; 93, 22.4.77; Lib., 102, 1.2.77; Bund, 52, 3.3.77; Bulletin du Centre suisse de documentation en matière d'enseignement et d'éducation, 16/1977, no 62, p.21 (Suisse romande et Tessin); no 61, p. 24; no 62, p. 22; no 63, p. 21 (Suisse du Nord-Ouest); cf. APS, 1976, p. 139s.
[16] FA, 41, 18.2.77; 125, 1.6.77; Schulblatt für die Kantone Aargau und Solothurn, 96/1977, no 10, p. 270ss.; cf. APS, 1975, p. 139. Soleure veut avancer l'enseignement du français de la 7e à la 5e année (SZ, 166, 20.7.77; 237, 12.10.77).
[17] Mesure d'économie en matière d'éducation: TA, 175, 29.7.77; 184, 10.8.77; 253, 29.10.77 (canton d'Argovie); Lib., 22, 27.10.77 (canton de Fribourg). Réformes: E. Blanc / E. Egger, Innovations scolaires en Suisse: particularité et tendances, Paris, Unesco, 1977. H. Byland et al., Unter der Lupe— Aargauer Bildung heute (cf. TA, 298, 21.12.77). Enseignement... progrès ou impasse? Résumé des rapports présentés au Congrès du Parti libéral suisse à Troinex-Genève, le 8 octobre 1977 (cf. TLM, 282, 9.10.77).
[18] Dulliken (SO): TA, 11, 14.1.77; 70, 24.3.77; cf. APS, 1971, p. 142. Rolle/Vevey (VD): 24 Heures, 128, 4.6.77; NZZ 172, 25.7.77; JdG, 242, 17.10.77; cf. APS, 1975, p. 139. Zürich: Vr, 205, 3.9.77; Ww, 36, 7.9.77; APS, 1974, p. 168.
[19] Cf. APS, 1975, p. 139; 1976, p. 138 ainsi que infra, part. II, 6b. Bâle-Ville: BaZ, 216, 8.9.77; Leserzeitung, 61, 29.11.77. Discussion générale: NZ, 10/11, 11/12.1.77; TA, 57, 9.3.77. Des initiatives pour des classes plus petites ont été déposées dans les cantons d'Argovie et de Berne: Tat, 41, 17.2.77 (AG); BN, 47, 25.2.77 (BE). A Zurich, le gouvernement a rejeté l'initiative (Vr, 67, 21.3.77; 273, 22.11.77).
[20] Discussion générale: Cf. TA, 149, 29.6.77; 276, 25.11.77 (semaine de cinq jours à l'école, enquête). Fribourg: Bund, 132, 9.6.77; Lib., 219, 23.6.77. Tessin et Thurgovie: Bulletin du Centre suisse de documentation en matière d'enseignement et d'éducation, 16/1977, no 61, p. 51 (TG); no 62, p. 46 (Tl); cf. infra, part. II, 6b.
[21] Uri: LNN. 265, 12.11.77. En février 1978, la révision a été acceptée en votation populaire (Vat., 48, 28.2.78). Autres révisions (GR, OW,TI, ZH): cf. infra, part. II, 6b.
[22] Bund 253, 28.10.77.
[23] Cf. infra, part. II, 6b.
[24] Vat. (ddp), 19, 24.1.77. Cf. également: NZZ, 16, 20.1.77; 74, 29.3.77 ainsi que APS 1976, p. 139.
[25] Tat, 60, 11.3.77; NZZ, 172, 25.7.77. Cf. APS, 1976, p. 170 ainsi que TW, 123, 28.5.77; 165, 18.7.77; 258, 3.11.77; Vat., 269, 17.11.77; Vr, 295, 17.12.77 (réformes dans le canton de Berne, dans la Suisse centrale et dans le canton de Zurich).