Année politique Suisse 1978 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Politique énergétique
Les réserves des agents énergétiques les plus utilisés jusqu'à présent étant limitées, une reconversion des structures d'approvisionnement s'avère absolument indispensable. Mais, étant donné que le pétrole reste, malgré quelques variations de prix momentanées, la source d'énergie la meilleure marché, la politique énergétique de la Suisse se trouve placée devant le problème suivant: comment entamer le processus de reconversion que chacun s'accorde à reconnaître comme indispensable, sans déroger pour autant et de façon trop marquée au principe de l'économie de marché? Certes, l'élaboration d'une conception globale de l'énergie n'a pas permis de résoudre ce problème, mais elle a, du moins, fourni des bases de discussion dont l'importance est incontestable.
Au terme de quatre années de travaux, la commission pour la conception globale de l'énergie (CGE) a déposé son rapport final à la fin de l'année. Conformément è son mandat, la commission a décrit quel pourrait être l'approvisionnement énergétique de la Suisse jusqu'en l'an 2000. Ce faisant, elle s'est surtout attachée à chercher des moyens propres, visant d'une part, à mieux utiliser l'énergie et, d'autre part, à diminuer notre dépendance à l'égard du pétrole. La commission est partie du postulat selon lequel il y a une relation étroite entre le développement économique et la consommation d'énergie. Cette relation n'est cependant pas aussi rigide qu'on pourrait le croire, dans la mesure où elle est influencée non seulement par des facteurs tels que la structure économique, mais encore par le degré d'efficacité atteint par la production et l'utilisation de l'énergie. Un second postulat consiste à admettre que la croissance annuelle moyenne du produit intérieur brut (PIB) sera de 2,5% et que, compte tenu de ce développement constant, la consommation d'énergie connaîtra une croissance identique à celle du PIB. Ensuite la commission a conçu un.certain nombre de scénarios, destinés à mettre en évidence les mesures susceptibles d'économiser ou de mieux utiliser l'énergie, voire de remplacer, dans une certaine mesure, le pétrole par d'autres agents énergétique. Comme le précise maintes fois ce rapport, le but poursuivi par la CGE n'est pas de pronostiquer sur la croissance de la consommation d'énergie, mais d'étudier, au contraire, l'efficacité et le coin des diverses mesures d'économie et de substitution possibles. Que les scénarios élaborés ne soient que des instruments de travail et des points de repère, et non pas des prévisions en matière de besoins énergétiques, cela peut se comprendre aisément par le fait qu'une croissance annuelle moyenne de 2,5% du PIB, de même qu'une stabilité relative des prix sont incertains.
Mis à part l'exposé sur un développement sans contraintes de l'économie énergétique et utilisé comme valeur référentielle, une autre variante propose une politique fondée sur le droit actuellement en vigueur. Les dix autres scénarios présupposent que la Confédération se dotera d'un article constitutionnel lui octroyant des attributions nouvelles en matière de politique énergétique. Cet article constitutionnel, préconisé par la commission à une faible majorité, devrait permettre à la Confédération de percevoir un impôt énergétique, d'imposer le raccordement aux systèmes de chauffage à distance, d'édicter des prescriptions sur l'isolation minimum des bâtiments ainsi que sur la consommation maximum d'énergie des véhicules à moteur, des appareils et des machines. Le scénario IIIcG, auquel la majorité de la commission a donné sa préférence, prévoit quant à lui un impôt de 6% environ. Le produit de cette contribution publique atteindrait quelque 700 millions de francs par an et serait affecté au financement des efforts entrepris en matière d'économies d'énergie et d'énergies de substitution. Il servirait également à financer la recherche dans le domaine énergétique. Par rapport à l'évolution constante admise, il serait ainsi possible d'économiser, jusqu'en l'an 2000, 22% de notre énergie. En revanche, la consommation des produits pétroliers diminuerait, même en chiffres absolus, par rapport à 1975 et ne représenterait plus, à la fin de ce siècle, que 46,75% de notre bilan énergétique (1975: 74,4%). La diminution de la consommation des hydrocarbures devrait être obtenue, en premier lieu, par une action de substitution de grande envergure dans le domaine du chauffage des logements et des locaux. En effet, outre l'utilisation accrue des énergies renouvelables (énergie solaire, pompes à chaleur, chauffage à distance, etc.), il faudra surtout recourir à l'emploi du gaz naturel et de l'énergie nucléaire. Pour ce qui est des centrales nucléaires, dont la construction et l'exploitation est fort discutée dans l'opinion publique, le scénario IIIcG prévoit les mises en service suivantes: Gösgen 1979, Leibstadt 1981, Kaiseraugst 1984, Graben 1988, ainsi que deux autres centrales pour les années 1995 et 2001.
Compte tenu de l'opposition politique à l'égard de la construction des centrales nucléaires, la commission a également élaboré un scénario IIId3 dans lequel sont présentés les moyens dont la politique énergétique aurait à se servir si l'on renonçait, après la mise en service de Leibstadt, à la construction d'autres centrales nucléaires, tout en s'efforçant de diminuer encore notre dépendance vis-à-vis du pétrole. Dans ce cas, le moyen d'action principal serait la perception d'un impôt énergétique de l'ordre de 1 l %, dont le produit servirait à promouvoir massivement l'utilisation des énergies de remplacement. Il serait, en outre, indispensable de renforcer les prescriptions visant à réduire les déperditions d'énergie. Enfin il faudrait construire deux ou trois centrales alimentées au gaz ou au charbon.
Etant donné qu'une forte minorité de la commission et que certains milieux de l'économie contestent la nécessité d'établir un article constitutionnel traitant de la politique énergétique à suivre, la commission a également élaboré le scénario II qui ne touche pas à l'ordre juridique actuel. Dans ce cas, l'instrument principal dont dispose la Confédération est l'information. Toutefois, les économies à faire et la substitution des hydrocarbures à réaliser dépendraient alors de la bonne volonté des cantons, des communes et des particuliers. Cette bonne volonté étant admise, il serait alors possible, compte tenu d'une évolution constante, d'économiser 9% de l'énergie, mais, en chiffres absolus, la consommation de pétrole continuerait à s'accroître fortement
[1].
Grâce à ses travaux aussi étendus que considérables, la commission pour la conception globale de l'énergie n'a certes pas résolu les problèmes énergétiques, quoi qu'elle a apporté une contribution essentielle permettant, dorénavant, de discuter beaucoup plus concrètement. Le Conseil fédéral se ralliera-t-il aux recommandations de la majorité de la commission et proposera-t-il l'adoption d'un article constitutionnel sur l'énergie? On ne le saura qu'au terme de la procédure de consultation qui a été rapidement ouverte
[2]. Les premières prises de position ont montré que des personnalités éminentes du monde économique sont partisans du scénario II, ce qui n'est guère étonnant, compte tenu des objections qu'ils ont déjà formulées auparavant au sujet des nouvelles attributions à octroyer à la Confédération et de la perception d'impôts dans le secteur énergétique
[3]. Les sociétés d'électricité qui, l'été dernier encore, s'étaient prononcées contre une compétence plus étendue de la Confédération, ont accueilli favorablement le rapport final. Dans cette appréciation, on ne saurait négliger le rôle important qui revient à l'énergie nucléaire dans le remplacement des hydrocarbures
[4].
C'est principalement cette attitude positive de la commission à l'égard de l'énergie atomique qui a suscité des
critiques massives de la part des organisations pour la protection de l'environnement. Elles ont en outre prétendu, que leur opinion n'avait pas été suffisamment prise en considération pour ce qui est des énergies de remplacement et ont critiqué l'hypothèse (de la commission) selon laquelle le produit intérieur brut, exprimé en termes réels par tête d'habitant, doublerait presque d'ici l'an 2000
[5]. C'est pourquoi, les six plus grandes organisations pour la protection de l'environnement ont présenté un projet où figure leur propre conception de l'énergie. Ce plan prévoit une meilleure utilisation de l'énergie et, par conséquent, une limitation de l'augmentation de la consommation à 17% pour les 25 ans à venir. De même que les programmes élaborés par l'Alliance des indépendants et le Parti socialiste suisse, cette conception n'est, dans ses principes, guère éloignée du scénario IIId3 de la CGE
[6]. A la grande déception des partisans de l'énergie nucléaire, l'Union syndicale suisse, en rejetant les propositions de son comité national, s'est prononcée en faveur d'un programme proche de celui du Parti socialiste suisse et a notamment préconisé que l'on renonce autant que possible à édifier de nouvelles centrales atomiques
[7]. La thèse selon laquelle il existe un rapport étroit entre la croissance de la consommation d'énergie et les offres d'emplois n'a pas convaincu les syndicalistes. Bien au contraire, ils ont considéré que l'encouragement de mesures d'économie et de promotion d'énergies de remplacement auraient des répercussions beaucoup plus favorables sur le marché de l'emploi
[8].
Le Conseil national a étudié toute une sérié de
propositions demandant au Conseil fédéral de participer plus activement à la politique énergétique. Dans la mesure où le conseiller fédéral W. Ritschard a annoncé qu'il demanderait, dans un proche avenir, au parlement d'adopter une politique énergétique complète fondée sur la CGE, la Chambre populaire s'est bornée à accepter la plupart de ces propositions sous forme de postulats. Il s'agit de la motion du groupe parlementaire UDC (introduction d'un impôt sur l'énergie), ainsi que des motions Jaeger (projet d'une conception de l'énergie et prescription d'un décompte individuel des frais de chauffage) et W. Meier (loi sur les économies d'énergie), de mente que les postulats Rippstein (encouragement de la consommation de bois de chauffage), Basler (livraison du courant en provenance de petites installations au réseau général) et Lilian Uchtenhagen (encouragement des économies d'énergie au moyen de tarifs appropriés)
[9]. En revanche, c'est à une faible majorité que le Conseil national a refusé de repousser le projet de construction d'une centrale solaire expérimentale par la Confédération. En effet, la motion Pedrazzini (pdc, TI) a été adoptée par le Conseil national contre la volonté du Conseil fédéral. Dans la lutte contre les déperditions d'énergie, la déclaration commune des directeurs cantonaux des finances devrait avoir des suites favorables, étant donné qu'ils souhaitent accorder des allégements fiscaux pour les travaux d'isolation entrepris dans les immeubles. Après quelques hésitations, le Conseiller fédéral Chevallaz a abrogé les dispositions fiscales qui pénalisaient jusqu'à présent les pompes à chaleur, puisque le carburant Diesel et le gaz liquide nécessaire à leur fonctionnement ne seront, dorénavant, pas plus fortement taxés que l'huile de chauffage:. Sur proposition du Conseil fédéral, le Conseil national a accordé un crédit de 34 millions de francs (en tranches annuelles de 6 millions de francs chacune environ) pour la collaboration de la Suisse au projet européen de recherche. sur la fusion thermonucléaire contrôlée. Cette nouvelle source d'énergie dont le développement n'est qu'à ses débuts, pourrait, le moment venu, constituer une solution de rechange à l'énergie produite par fission de l'atome, actuellement si contestée
[10].
Le programme énergétique établi pour les deux Bâles ainsi que celui de la ville de Berne ont suscité des échos mitigés. D'un côté on s'est montré satisfait du fait que, mis à part la Confédération, des cantons et des communes se préoccupaient de leur avenir énergétique. Mais, d'un autre côté, la mesure principale qui a été proposée, à savoir le développement du chauffage à distance, n'a pas suscité partout l'enthousiasme, bien au contraire. Cela, non seulement en raison de l'obligation inévitable de s'y raccorder, mais encore à cause du projet visant à produire une majeure partie de la chaleur à distance dans des centrales nucléaires proches des villes
[11].
Bien qu'elle ait été conçue, à l'origine, comme une mesure d'économie d'énergie, l'adoption de l'heure d'été a surtout été préconisée en raison d'une meilleure adaptation, dans le domaine des transports notamment, aux horaires d'été des pays avoisinants du Sud et de: l'Ouest. Contre la loi qui aurait permis au Conseil fédéral d'imposer l'heure d'été, les agriculteurs avaient lancé, l'an dernier, un
référendum, car ils craignaient que ce changement d'heure soit néfaste à l'accomplissement des travaux agricoles ainsi qu'au rythme de vie. Se sont prononcés contre ce projet de loi (alors que de nombreux milieux ne l'avaient pas pris trop au sérieux), l'UDC, le Parti évangélique, l'extréme droite et l'Union suisse des paysans, ainsi que quelques sections cantonales du Parti radical et du PDC. Le
vote populaire révéla une faible majorité de non. Conformément aux pronostics, les cantons ayant des relations étroites avec l'étranger ont approuvé cette loi
[12].
La consommation totale d'énergie s'est à nouveau accrue de 5,1% en 1978 (1977: 2,2 %). C'est la consommation de gaz qui a augmenté le plus avec 10,6% (18,1 %), tandis que celle d'électricité a crû de 3,4% (4,6%) et celle des hydrocarbures de 5,6% (0,6%). La part du pétrole et de ses dérivés à la consommation totale s'est légèrement accrue pour se fixer à 75,3% (75,2%). La forte croissance de la consommation des produits pétroliers s'explique surtout par des températures nettement plus basses durant les mois d'hiver
[13].
[1] La Conception globale de l’énergie, Berne 1978 (cité par la suite: CGE). A propos du travail de la commission cf. aussi APS, 1974, p. 86 et APS, 1976 p. 91 s.
[3] Vorort: NZZ, 299, 23.12.78; RFS, 1/2. 9.1.79. Industrie pétrolifère: NZZ, 297, 21.12.78. Cf. aussi B. Wehrli, «Energiewirtschaft, Dirigismus oder spontane Entwicklung», in Schweizer Monatshefte, 58/1978, p. 589 ss.
[4] NZZ, 297, 21.12.78. Le scénario IIIcG met en évidence les parts attribuées à chaque énergie de remplacement: le gaz 34%, le nucléaire ca. 27%, les énergies renouvelables 18% (CGE. vol. l, p. 648; vol. II, p. 110).
[5] LNN, 294, 20.12.78. Selon la CGE le BIP réel par tète d'habitant augmentera de 81% (CGE, vol. I, p. 165).
[6] Schweiz. Bund für Naturschutz et al., Jenseits der Sachzwänge, Zürich 1978; Landesring der Unabhängigen, Konzept einer humanen Energiepolitik, 1978; PSS: Vr, 116, 22.5.78; SP-Information, 34, 28.6.78.
[7] Projet du comité fédéral: Revue syndicale, 70/1978, p. 57 ss. Congrès de I'USS: TA, 251, 28.10.78 ; Revue syndicale, 70/1978, p. 254 s. Partisans de l'énergie nucléaire: NZZ, 252, 30.10.78.
[8] Cette thèse a été défendue par Bergmaier in RFS, 41, 10.10.78. Opposée à cette thèse: la commission ad hoc du CN (BO CN, 1978, p. 460 s.). Cf. aussi les explications pesant le pour et le contre de la commission pour la CGE (CGE, vol. I, p. 739 ss.), Cf. également APS, 1977, p. 93.
[9] Cf. Ritschard in BO CN, 1978, p. 668. UDC: BO CN, 1978, p. 1050 es.; cf. aussi APS 1977, p. 94. Jaeger (adi, SG): BO CN, 1978, p. 393 et 959 s. Meier (ps, BE): BO CN, 1978, p. 1763 ss. Rippstein (pdc, SO): BO CN, 1978, p. 409 s. Basler (udc, ZH), BO CN. 1978, p. 964 s. Lilian Uchtenhagen (ps, ZH): BO CN, 1978, p. 956 s.
[10] Centrale solaire: BO CN, 1978, p. 1053 s. Isolation des bâtiments: Bulletin d'information du délégué aux questions conjoncturelles, 34/1978, p. 19 ; Postulat Brosi (udc, GR) (BO CN, 1978, p. 1384). Au sein du parlement zurichois, une motion, demandant d'accorder des subventions en faveur de l'isolation des bâtiments, a été rejetée (TA, 223, 26.9.78). Pompe à chaleur: TA, 8, 11.1.78 ; NZZ, 112, 18.5.78; cf. aussi la motion du CN Biel (adi, ZH) (Délib. Ass. féd., 1978, VII, P. 32). Fusion thermonucléaire: FF, 1978, II, p. 1 ss.; BO CN, 1978, p. 1388 ss.
[11] BS/BL: Bund, 12, 16.1.78; BaZ, 19, 20.1.78; 108, 22.4.78; 118, 3.5.78. Berne: Bund, 68, 22.3.67; 249, 24.10.78. Une autre critique a également été formulée contre la proposition du gouvernement bâlois, visant à agrandir la centrale de chauffage à distance; le Grand Conseil a demandé à une de ses commissions de réexaminer la question (BaZ, 26, 27.1.78; 69, 11.3.78; 126, 12.5.78).
[12] APS, 1977, p. 95; JdG, 106, 9.5.78; NZZ (sda), 118, 25.5.78. Résultats du scrutin: 886 340 oui contre 963 338 non (24 Heures, 122, 29.5.78).
[13] JdG (ats), 113, 16.5.79
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