Année politique Suisse 1978 : Sozialpolitik / Bevölkerung und Arbeit
Conventions collectives de travail
A propos du renouvellement des conventions collectives de travail (CCT), celle de l'industrie des machines et de la métallurgie, connue aussi sous le nom de «
Convention de paix du travail», revêtait une importance politique majeure. C'est en effet elle qui avait introduit, en 1937, le principe de la paix du travail et donné, depuis lors, le ton au monde du travail helvétique. Entrée en vigueur le 19 juillet 1978, après plus de huit mois de négociations souvent difficiles, cette nouvelle convention doit s'appliquer à quelque 120 000 travailleurs tous occupés dans la métallurgie. Quelles en sont succinctement les principales innovations? Elles concernent avant tout la réduction de la durée du travail qui passe de 44 à 42 heures, l'extension progressive des vacances à quatre et cinq semaines, l'intégration du 13e mois dans le salaire qui perd ainsi son caractère de gratification, l'augmentation des allocations pour enfants et une couverture de la perte salariale en cas d'accidents ou de maladie
[21]. Par ailleurs, la réglementation et l'arbitrage des conflits ont été améliorés. Ainsi, la procédure s'en trouve sensiblement accélérée grâce à l'institution de tribunaux sur le plan central et régional. Elle permet désormais une intervention immédiate des partenaires conventionnels, notamment lorsque le licenciement d'un nombre élevé de travailleurs est prévu ou en cas de modifications structurelles entraînant des conséquences fâcheuses pour le personnel
[22]. Dans le fond, le renouvellement de cette CCT dépendait, du cité ouvrier, de la réponse du plus puissant syndicat de la branche, la Fédération suisse des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie (FTMH). Or cette dernière, tout comme la Fédération chrétienne de la métallurgie (FCOM), avait présenté un catalogue de revendications au patronat
[23]. Malgré le refus de l'Association suisse des constructeurs de machines (ASM) de prendre en considération certaines propositions notoires des représentants syndicaux, la majorité des délégués de la FTMH s'est prononcée en faveur du renouvellement de la CCT
[24]. La paix du travail a donc été sauvegardée, mais à l'intérieur des sections syndicales, les dissensions entre régions linguistiques du pays ont rarement pris une telle ampleur. Alors qu'une écrasante majorité des délégués alémaniques et tessinois se prononça pour la convention, 95% des représentants romands, plus une importante délégation de Schaffhouse, la refusèrent
[25]. La critique des réfractaires visait avant tout la trop longue reconduction de la convention (5 au lieu de 4 ans) et le fait que bon nombre de revendications jugées prioritaires n'avaient pas été satisfaites. Il s'agit principalement du refus d'étendre le champ d'application de la CCT aux employés techniques et commerciaux, ainsi qu'aux apprentis; d'accepter une clause contractuelle impliquant le principe «à travail égal, salaire égal»; et enfin d'élargir les droits syndicaux dans l'entreprise
[26]. Ce mécontentement s'est également cristallisé dans les rangs de «Manifeste 77», groupement d'essence romande qui, à l'intérieur de la FTMH, conteste l'appareil syndical. Il a trouvé que les résultats obtenus étaient nettement insuffisants
[27]. Enfin, les délégués de l'ASM ont qualifié la nouvelle convention de «raisonnable», quoique dure pour certaines entreprises et l'ont approuvée à l'unanimité. Ils ont cependant ajouté que pour la première fois, les organisation syndicales avaient présenté des revendications de type «idéologique» inacceptables
[28].
Un second conflit a pu être évité de justesse en matière de renouvellement des CCT, c'est celui qui a opposé le
Syndicat suisse des mass media (SSM) et la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR). L'essentiel du litige portait sur trois points bien précis: l'introduction de la semaine des 40 heures, un réajustement salarial pour les professions les moins rémunérées et la création d'une commission paritaire au sein de la direction de la SSR
[29]. Devant l'intransigeance patronale, la SSM refusa dans un premier temps le projet de la nouvelle CCT de son partenaire et porta l'affaire devant l'Office fédéral de conciliation. Ce dernier, tout en recommandant à la SSM de signer la convention, demandait à la SSR d'octroyer à tous les employés de la radio-TV, qui n'avaient pas reçu d'augmentation de salaire entre 1977 et 1978, une hausse générale de 1% de leur revenu réel. Conjointement, l'Office de conciliation incita la SSR à engager des négociations sur l'introduction de la semaine de 40 heures. Ce compromis, accepté par la SSM, fut refusé par la SSR
[30]. Finalement, la SSM s'est ralliée à la proposition de convention de la SSR évitant ainsi un conflit grave
[31].
D'autres CCT ont été conclues dans l'industrie de la chaussure, du chocolat et de la chimie bâloise; dans la construction à Zurich et à Fribourg, dans les vins et liqueurs du canton de Vaud
[32]. Des négociations plus difficiles se sont déroulées dans la chimie valaisanne et dans les garages genevoise
[33]. Quant aux membres de l'Union suisse des lithographes, ils ont approuvé à une très forte majorité la CCT mise au point par leurs représentants
[34]. En revanche, le ton est fortement monté chez les travailleurs du bâtiment, à telle enseigne, qu'il a failli mettre en péril la convention signée au terme de l'année 1976
[35].
Sur 12 conflits de travail recensés en 1978 (1977: 16),10 (9 l'année précédente) d'une durée d'un jour au moins ont touché 13 (1977: 54) entreprises et 1240 (1977: 1380) travailleurs. Le nombre de journées perdues s'est élevé à 5317 (1977: 4649)
[36]. Au début de l'année, c'est sans conteste la fermeture de l'entreprise
Firestone à Pratteln (BL) qui a retenu l'attention des commentateurs et ce, pour deux raisons. Premièrement, cette affaire correspondait à un des plus importants licenciements collectifs survenus en Suisse depuis la récession, puisque environ 600 ouvriers ont été congédiés. Deuxièmement, les autorités fédérales ont jugé l'affaire assez grave pour intervenir directement et proposer avec la collaboration de l'exécutif de Bâle-Campagne un plan de sauvetage à négocier avec la maison-mère à Akron aux Etats-Unis
[37]. Malgré une grève du personnel de l'usine et cette intervention fédérale, la direction centrale de Firestone décida de stopper définitivement sa production en Suisse et demanda aux responsables de la gestion à Pratteln de liquider au mieux l'affaire. Un plan social comprenant notamment des engagements juridiques et contractuels en matière de délais de licenciements et d'indemnisations de salaires fut élaboré en collaboration avec les autorités du canton
[38]. Présenté au personnel de l'entreprise, il fut sévèrement critiqué et jugé irrecevable par les représentants de la Fédération du textile, de la chimie et du papier (FTCP) et de la FTMH, qui souhaitaient ainsi engager une épreuve de force. C'est en définitive les travailleurs de l'usine eux-mêmes qui dénouèrent la crise en acceptant ce plan social
[39].
D'autres conflits ont éclaté un peu partout en Suisse. A Zurich, les rédacteurs de la «Tat» se sont mis en grève à la suite de la décision de leur éditeur de nommer un nouveau rédacteur en chef sans que les employés du journal en aient été informés. A Genève, c'est à la suite d'un licenciement collectif de 300 personnes qu'une occupation d'usine a eu lieu, de même que dans une entreprise fribourgeoise et aux Ateliers du Nord à Chevenez (Jura)
[40].
[21] NZZ (ats), 136,15.6.78 ; 151, 3.7.78 ; 24 Heures, 137, 15.6.78 ; Bund, 150, 30.6.78 ; TLM. 183, 2.7.78 ; TG, 152, 3.7.78; JdG, 153, 4.7.78; RFS. 28, 18.7.78.
[22] Cf. extraits du service de presse de l'Union syndicale suisse (CSS) in SP VPOD, 29, 20.7.78 et SMUV-Zeitung, 28, 19.7.78.
[23] Cf. APS, 1977, p. 125.
[24] Si la FSE et I'USSA s'étaient largement prononcées en faveur de la convention, la FTMH par 163 voix contre 68 et 7 abstentions, de même que la FCOM par 150 voix contre 103 l'ont finalement ratifiée: SMUV-Zeitung, 25, 21.6.78; 24 Heures, 153, 4.7.78; SAZ, 73/1978, p. 503.
[25] 3 sections neuchâteloises sur 4 ont cependant approuvé cette CCT, alors que les sections de Lausanne et de Morges se sont abstenues: 24 Heures, 152, 3.7.78.
[26] VO, 139, 28.6.78 ; 24 Heures (ats), 167, 30.6.78 ; TLM, 183, 2.7.78 ; TW, 152, 3.7.78 ; NZZ, 186, 5.7.78 ; TA, 153, 5.7.78.
[27] 24 Heures, 132, 9.6.78 ; (ats), 167, 30.6.78; TA, 131, 9.6.78; VO, 141, 30.6.78; JdG, 152, 3.7.78.
[29] NZZ, 31, 38, 40, 47, 49, 51, 54, 7.2.-2.3.78; TG, 31, 7.2.78; BaZ, 51, 21.2.78; TA, 50, 1.3.78.
[30] 24 Heures, 153, 4.7.78; TG, 172, 29.7.78.
[31] M. Knuchel, délégué de la SSM, a admis que la ratification constituait un échec. Toutefois, a-t-il ajouté, c'est la moins mauvaise des solutions qui a été acceptée ; en signant le nouveau contrat il nous reste toujours la faculté de le dénoncer: JdG, 153, 4.7.78; Vat., 152, 4.7.78.
[32] Chaussures: NZZ, 40,17.2.78 ; FOBB/L'ouvrier sur bois et du bâtiment, 11,13.3.78. Chocolat: NZZ, 227, 1.10.78. Chimie bâloise : NZZ, 3, 5.1.78. Construction: TA, 231, 5.10.78 ; TLM, 363, 29.12.78. Vins et liqueurs: TLM (ats), 193, 20.10.78.
[33] Chimie valaisanne: TLM, 187, 6.7.78. Garages: JdG, 11, 14.1.78; 39, 16.2.78.
[34] JdG (ats), 94, 24.4.78; Vr, 96, 26.4.78.
[35] TG, 19, 24.1.78 ; TA, 20, 25.1.78 ; NZZ 21,26.1.78 ; 85,13.4.78 ; FOBB..., 5, 30.1.78 ; TW, 56, 8.3.78 ; 61, 14.3.78; 79, 15.4.78.
[36] La Vie économique, 52/1979, p. 56.
[37] BaZ, 81, 86, 88, 91, 124, 23.3-10.5.78; NZZ. 69, 2.3.78; 106. 10.5.78.
[38] NZZ, 112, 18.5.78; BaZ, 131, 18.5.78; 154, 10.6.78.
[39] SP VPOD, 12, 12.5.78; 16, 18.5.78; 20, 7.8.78 (commentant la position des syndicats). Cf. également BaZ, 159, 190, 193, 199, 206, 15.6-7.8.78,
[40] Conflit de la Tat: NZZ, 221-225, 23.9-28.9.78; Wut, 3-7, 30.9-24.10.78. Groupe Technicair à Genève: 24 Heures, 99, 29.4.78 ; TG, 102, 117, 133, 135, 141, 3.5.-20.6.78; VO, 94, 96, 105, 110, 124, 132, 2.5.-19.6.78. Entreprise fribourgeoise Winkler: TLM, 246, 3.9.78; 272, 29.9.78; 277, 4.10.78; Lib., 302, 29.9.78; 9.11.78. Ateliers du Nord: TLM, 341, 7.12.78; 344, 10.12.78; VO, 276, 9.12.78.
Copyright 2014 by Année politique suisse
Dieser Text wurde ab Papier eingescannt und kann daher Fehler enthalten.