Année politique Suisse 1980 : Allgemeine Chronik / Öffentliche Finanzen / Politique financière
Ces divergences fondamentales ont ressurgi lors des débats parlementaires sur les mesures d'économie 1980. Publié conjointement au rapport sur le plan financier 1981–1983 de la présente législature, ce paquet comprenait trois révisions constitutionnelles et plusieurs modifications au niveau de la loi. Les premières dispositions ont nécessité l'approbation du peuple et des cantons, alors que les secondes ont été soumises au référendum facultatif. Deux des trois projets d'arrêtés constitutionnels ont essentiellement touché les cantons, les contraignant de se priver des recettes provenant du droit de timbre et du bénéfice de la Régie fédérale des alcools. On s'est tourné ensuite du côté des consommateurs, puisque la suppression de la subvention destinée à élever le prix du blé panifiable devait être entièrement supportée par ceux-ci. Conséquence de cette modification du régime du blé: le kilo de pain augmenterait de 22 centimes dès 1982 et entraînerait pour le consommateur une dépense moyenne annuelle de 15,60 francs. Ces changements représentent, toutefois, moins de la moitié d'un programme bâti principalement sur des révisions légales. La pièce maîtresse de tout l'édifice concerne, sous réserve de certaines atténuations possibles, l'abattement linéaire de 10% des subventions, des contributions et des prêts limité aux années 1981 et 1982. Le but de l'exercice consiste à obtenir rapidement un allégement des charges de quelque 360 millions. Enfin, le gouvernement a proposé de réduire les dépenses fédérales dans le sens d'une suppression des subventions et des quotes-parts (parts cantonales au produit des amendes douanières, contributions en faveur de la lutte contre les épizooties) et d'une prolongation des délais d'exécution (réalisation de la protection des eaux, fonds d'aide aux investissements de montagne etc.)
[9].
Bien que la conception générale du paquet d'économies ne s'est heurtée aux Chambres qu'à l'opposition de l'extrême-gauche,
les discussions portant sur le détail des mesures ont néanmoins été très animées. C'est l'arrêté fédéral sur la réduction des contributions qui a été le plus controversé. Les socialistes ont proposé en vain l'exclusion des subventions à caractère social et culturel des mesures de diminution. Ils ont essuyé par la suite un nouvel échec en demandant que les subventions allouées aux caisses maladie en soient au moins exclues. D'autre part, un amendement de la minorité de la commission des Etats, visant à moduler entre 5 et 15% les taux de réduction en fonction de la capacité financière des cantons, a été repoussé de justesse par les sénateurs. Le gouvernement a toutefois fait un pas important en direction de ces différentes thèses. Peu avant le débat au National, l'Administration fédérale des finances a en effet indiqué quelles contributions et prestations échapperaient, à partir de 1981, au couperet de la diminution de 10%. Finalement, les subventions destinées à l'assurance-maladie et aux cantons financièrement faibles ont été réduites de 5%; celles octroyées aux universités de 2%. Quant aux versements directs dont bénéficie l'agriculture de montagne, ils ont été totalement exemptés des dispositions de diminution envisagées
[10]. Enfin, la durée de validité de l'arrêté fédéral a été limité à trois ans par le parlement et non à deux comme le suggérait pourtant le Conseil fédéral
[11]. Le PS et les communistes ont tour à tour menacé de recourir au référendum facultatif contre ces réductions jugées excessives
[12]. Le PS s'est en outre opposé à un renchérissement du prix du pain, consécutif à la suppression de la subvention aux céréales panifiables indigènes. Un amendement proposant de ne pas entrer en matière sur cette question a été écarté. Les Chambres fédérales ont, toutefois, décidé, contrairement au gouvernement, de limiter la validité de la suppression des parts cantonales aux droits de timbre et de la réduction de ces mêmes parts aux recettes de la Régie des alcools jusqu'à l'entrée en vigueur de la première étape de la répartition des tâches entre Confédération et cantons (au plus tard en 1985). Pour le reste, toutes les autres révisions de lois, à quelques détails près, ont été acceptées
[13].
Le
corps électoral helvétique a donc été invité à se prononcer en novembre sur les modifications constitutionnelles destinées à compresser les dépenses confédérales. A la veille du
scrutin, les positions partisanes étaient clairement tranchées. Les propositions visant à la suppression de la quote-part des cantons au produit des droits de timbres et à la réduction de celle au bénéfice de la Régie fédérale des alcools ont largement été approuvées par les grands partis nationaux. Des résistances ont toutefois été enregistrées à gauche et dans les milieux fédéralistes. Les premiers ont adressé des critiques véhémentes à l'encontre d'une politique axée unilatéralement sur les économies. Les seconds ont estimé que ces révisions ne correspondaient qu'à un simple transfert des charges sur les cantons. En ce qui concerne le régime du blé, le PS a laissé à ses membres le soin de se déterminer librement et le projet ne s'est heurté qu'au refus de certains partis de gauche à nouveau ainsi qu'aux grandes organisations syndicales
[14]. Peuple et cantons ont malgré tout
largement ratifié ces trois mesures, avec respectivement 67,3% de oui pour le droit de timbre, 71,1 % de oui pour la Régie des alcools et 63,5% pour le régime du blé. Tous les cantons alémaniques ainsi que Genève et Fribourg ont accepté ces différents projets. En revanche, Neuchâtel et surtout le Jura (70% de non) ont décliné l'ensemble de ces propositions
[15].
Selon une enquête réalisée peu après la votation sur le paquet d'économies 1980 et portant sur l'avenir des finances fédérales, une moitié des personnes interrogées (49 %) souhaiterait que nos autorités recourent simultanément à des compressions de dépenses supplémentaires ainsi qu'à des ressources nouvelles. Alors qu'un tiers des interviewés s'est prononcé pour un recours unique à des économies, un huitième seulement se contenterait d'impôts spéciaux
[16]. Ces quelques données empiriques concordent parfaitement avec l'idée que le Conseil fédéral se fait de l'assainissement des finances publiques. C'est ainsi que, à côté du programme d'économies soumis au parlement et au verdict du souverain, il a présenté d'une façon plus précise en juillet comment il escomptait obtenir des recettes fiscales supplémentaires. Afin de combler progressivement un trou de quelque 1,2 milliards de francs, l'exécutif propose deux grands types de sources d'imposition. Primo, introduction de nouveaux impôts spéciaux. Mis à part son message de janvier relatif à une redevance sur le trafic des poids lourds et l'assujettissement du commerce de l'or et du tabac à l'ICHA
[17], le gouvernement a publié deux projets de loi visant d'une part à étendre l'ICHA aux agents énergétiques et d'autre part à prélever un impôt anticipé sur les intérêts des avoirs fiduciaires des banques. Deuxièmement, il a soumis en procédure de consultation un avant-projet de prorogation du régime financier avec un certain nombre de modifications
[18].
[9] FF, 1980, I, p. 477 ss. Cf. également supra, part. I, 4c (Pflanzliche Produktion) et infra, 6d (Protection des eaux).
[10] Le CF peut en effet consentir à de telles dérogations, pour autant cependant que les économies réalisées atteignent au moins 360 millions par année. Cf. FF, 1980, II, p. 603 ss. ; RO, 1980, p. 1494 ss. (ordonnance du CF) ; presse du 4.7.80 ainsi que supra, part. I, 4c (Einkommenssicherung), 7c (Assurance-maladie) et 8a (Hochschulen).
[11] Le CE pour sa part s'était déterminé pour 4 ans.
[12] PSS: 24 Heures, 137, 14.6.80: 140, 18.6.80; NZZ (sda), 143, 23.6.80. PdT, POCH et PSA: Suisse, 173, 21.6.80; 178, 26.6.80; VO, 26, 4.7:80. Un référendum a tout de même été lancé par le «Comité pour l'unité ouvrière» de Savigny (GE); il a échoué. Cf. NZZ (sda), 221, 23.9.80; 24 Heures (ats), 221, 23.9.80.
[13] Le CN a en outre introduit, sur proposition de sa commission, la suppression de l'aide fédérale aux abris privés. Cf. BO CE, 1980, p. 80 ss., 109 ss., 301 ss. et 403 ; BO CN, 1980, p. 489 ss. ; 567 ss., 711 et 811 s.; presse des 13 et 14.3.80 ; Lib., 165, 18.4.80 et TA, 90, 18.4.80 (commission du CN) ; presse des 5 et 6.6.80. En ce qui concerne les textes définitifs des arrêtés constitutionnels et des lois soumis au référendum facultatif, cf. FF, 1980, II, p. 633 ss., 636 ss., 642 s. et 650 ss.
[14] Ont recommandé trois fois oui: PRD (VD: non pour les droits de timbre et la Régie des alcools), UDC et PDC (BE et TI: liberté de vote pour le prix du pain). Le PSS a recommandé deux fois oui et donné liberté de vote pour le prix du pain (AG et TG: non pour le prix du pain). Le PdT, le POCH, le PSA et le PS jurassien ont refusé tous les trois projets. Cf. Suisse, 332, 27.11.80; 24 Heures, 276, 27.11.80; NZZ, 278, 28.11.80.
[15] VD a refusé le projet concernant les droits de timbre, tandis que VS et TI ont rejeté celui concemant le prix du pain. Comparativement au projet analogue de 1978 (54,8% de oui), ce dernier a obtenu en 1980 un score plus éloquent. Cf. FF, 1981, I, p. 332 ss.; Vox, Analyses des votations fédérales, 30.11.80; presse du 1.12.80 ainsi que APS, 1978, p. 87 s.
[16] Vox, Analyses des votations, fédérales, 30.11.80. Voir également le sondage réalisé pour le compte de la Schweizerische Handels-Zeitung, 16, 17.4.80.
[17] Poids lourds: FF, 1980, I, p. 1089 ss. ainsi que infra, part. I, 6b (Gesamtverkehrskonzeption). ICHA: RO, 1979, p. 2144 s.; 1980, p. 1106.
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