Année politique Suisse 1980 : Infrastruktur und Lebensraum / Boden- und Wohnwirtschaft
 
Droit foncier
Dans le domaine du droit foncier [11], le problème de la vente de terrain aux personnes domiciliées à l'étranger domina une fois de plus la scène politique. Il se trouva au carrefour des tensions entre les réalités politiques et économiques. A la volonté de restreindre l'octroi d'autorisations permettant la vente de terrain à des étrangers — motivation étayée par un grand nombre d'interventions parlementaires, une initiative pendante de l'AN et un sondage représentatif [12] — s'opposa un nouveau nombre record d'achats immobiliers autorisés, réalisés par des personnes domiciliées à l'étranger. Bien que l'ordonnance dépendant de l'arrêté fédéral y relatif (Lex Furgler) ait été durcie en été 1979, le nombre de 5906 autorisations accordées surpassa cette année-là d'un tiers le total de l'année précédente. Plus de 80% de ces autorisations furent délivrées aux cantons touristiques du Valais (38%), des Grisons (25%), de Vaud (10%) et du Tessin (9%) [13].
Les efforts consentis en vue de restreindre encore les autorisations de vente et, plus généralement, de créer de nouvelles bases légales solides et efficaces pour résoudre ces problèmes donnèrent lieu à des débats. Ainsi .le Conseil fédéral estima, après avoir constaté le nouveau nombre record de ventes, qu'un durcissement supplémentaire de l'ordonnance concernant la vente d'immeubles à des personnes domiciliées à l'étranger dans les régions touristiques était indiqué. Il a prévu, en plus d'une extension à d'autres lieux touristiques du blocage des autorisations, une diminution de 15% des contingents cantonaux d'autorisations exceptionnelles dans toute la Suisse. La diminution ne sera pas répartie linéairement entre les cantons, mais tiendra compte de leur situation particulière et de leur vocation touristique. C'est après une courte consultation et avec l'accord de la majorité des gouvernements cantonaux que le Conseil fédéral mit la nouvelle ordonnance en vigueur, le 1er janvier 1981 déja, malgré l'opposition des cantons touristiques les plus concernés [14].
Indépendamment de la procédure concernant l'ordonnance, on soumit à la consultation, dans le courant de l'été, un projet de loi destiné à remplacer la «Lex Furgler». L'évaluation des résultats commença à la fin de l'année. Grâce au projet élaboré par la commission du juge fédéral Patry, l'arrêté fédéral concernant la vente d'immeubles à des personnes domiciliées à l'étranger, qui arrivera à échéance à fin 1982, doit donc être remplacé par de nouvelles normes durables. On souhaite parvenir à la réalisation d'une relation équilibrée entre les propriétés foncières des étrangers et des Suisses. En même temps qu'elle renonce à l'actuel système de blocage des autorisations dans des lieux déterminés, la Confédération devient compétente pour limiter dans toute la Suisse le nombre de résidences. secondaires et de vacances qui peuvent être acquises chaque année par des personnes domiciliées à l'étranger. En répartissant les contingents globaux entre les cantons, on devra prendre en considération les différents besoins et les diverses conceptions de planification. La répartition de ces contingents cantonaux entre les régions et les communes incombe aux cantons, dans un cadre délimité par certaines lignes directrices juridiquement fixées. Pour empêcher les manoeuvres destinées à éluder les prescriptions, on devra définir la domination étrangère à l'intérieur des sociétés immobilières d'une manière plus complète, qui ne tienne pas seulement compte de l'aspect purement financier. Les premières réactions à l'encontre du projet, dans les milieux intéressés, furent très critiques et différenciées. On se plaignit d'un trop grand nombre de notions indéterminées et l'on mit en doute l'existence de bases constitutionnelles suffisantes; dans les cantons touristiques directement concernés, on s'opposa au contingentement global et l'on estima que l'inclusion des hôtels particuliers (appartements exploités comme des hôtels, «apart-hotel»), contestée d'ailleurs aussi à l'intérieur de la commission d'experts, n'était qu'une nouvelle «chicane» inutile. D'un autre côté, l'on se demanda si en papillonnant de « Lex » en « Lex », en raison du manque de critères de contingentement et à cause des considérations fédéralistes, on n'obtiendrait qu'une «loi alibi», ouvrant largement la porte au lobby. Ailleurs encore, on attira l'attention sur le fait que l'initiative bien plus rigoureuse de l'AN avait des chances d'aboutir, car le mécontentement est assez largement répandu [15].
Le dilemme entre la résistance à la vente exagérée de terrain aux étrangers et les intérêts commerciaux se manifesta à travers les prises de position des scientifiques de l'EPFZ et des juges fédéraux. Tandis que les juges, prenant appui sur l'actuelle Lex Furgler, annulaient l'autorisation cantonale accordée à des étrangers pour construire une série d'appartements de vacances sous le couvert d'une gestion hôtelière à Obersaxen (GR), lés scientifiques déclaraient, à l'occasion d'un séminaire, que les alternatives au développement touristique dans les régions de montagne étaient limitées [16].
 
[11] Cf. aussi W. Kallenberger, Bodenreform-Konzeptionen, Zürich 1979.
[12] Interventions et initiative: NZZ, 179, 5.8.80; cf. aussi APS, 1977, p. 111 s.; 1978, p. 109 s. ; 1979, p. 120 s. Sondage: NZZ (sda), 271, 20.11.80 (64% des personnes interrogées se sont prononcées en faveur d'une réglementation plus restrictive).
[13] La Vie économique, 53/1980. p. 491 ss. (jusque-là le record des autorisations était de 4849 en 1971); cf. APS, 1979, p. 120 s. Selon une enquête de la Deutsche Bundesbank, 22% environ de la propriété immobilière totale des citoyens de la République fédérale à l'étranger se trouvent en Suisse (NZZ, sda, 245, 21.10.80).
[14] Presse des 4.10 et 9.12.80; TLM, 284, 10.10.80; 322, 18.11.80; 344, 10.12.80; NZZ, 259, 6.11.80; Vat. (sda), 260, 8.11.80; Lib., 59, 10.12.80. Cf. aussi APS, 1979, p. 120 s.
[15] Presse du 22.7.80 ; 24 Heures, 170, 23.7.80 ; 221, 23.9.80 ; 296, 20.12.80 ; TLM, 205, 23.7.80 ; 215. 2.8.80 ; 314, 9.11.80 ; LNN, 176, 31.7.80; 215, 16.9.80 ; TA, 176, 31.7.80 ; NZZ, l79, 5.8.80; 212, 12.9.80 ; 264, 12.11.80 ; 270, 19.11.80; 290—291, 12—13.12.80; Vat., 241, 16.10.80; 299, 27.12.80; 302, 31.12.80; Bund, 268, 14.11.80; JdG, 280, 29.1 1.80 ; 290, 1,1.12.80, Pour un système de contingentement analogue dans la politique de stabilisation de la population étrangère, cf. APS, 1970. p. 128 s.
[16] Lex : 24 Heures, 149, 28.6.80; NZZ, 148, 28.6.80. ETH: BaZ, 150, 30.6.80.