Année politique Suisse 1981 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Relations bilatérales
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'au chapitre des relations bilatérales, la Suisse entretient un réseau de contacts aussi large que varié. Toute une panoplie de chefs d'Etats, ministre des Affaires étrangères ou délégations gouvernementales, à titre officiel ou privé, ont séjourné dans notre pays
[6]. Les visites officielles des présidents italien et autrichien ont été l'occasion de raffermir quelque peu les liens privilégiés qui nous unissent à ces deux pays. On savait les autorités italiennes particulièrement préoccupées par le sort de ses ressortissants travaillant en Suisse. Or il semblerait qu'au terme du voyage de S. Pertini, ce contentieux ait en grande partie été aplani. Deux conventions ont même été ou sont en voie d'être ratifiées par le parlement. La première porte sur une rétrocession des prestations de l'assurance-invalidité aux saisonniers et, dans un tout autre domaine, le seconde vise à une rectification de frontières
[7]. Quant à la visite du chef d'Etat autrichien, elle avait avant tout pour but de discuter du projet de ratification des accords consulaires entre les deux pays, concernant six Etats dans lesquels soit la Suisse, soit l'Autriche n'ont pas de missions diplomatiques
[8].
De son côté, le ministre du DFAE, P. Aubert, s'est rendu d'abord en France afin d'y évoquer les conséquences pour le monde industriel et bancaire helvétique des mesures françaises de nationalisation. Un certain nombre d'établissements français nationalisés ont en effet des filiales suisses. Le dossier controversé de la fuite des capitaux et de l'évasion fiscale qui, en 1980, avait provoqué un refroidissement dans nos liens avec ce pays voisin n'a guère été abordé
[9]. Le chef de la diplomatie suisse s'est envolé par la suite pour le Canada afin de s'y entretenir de l'importante question de l'embargo sur les livraisons d'uranium canadien aux centrales nucléaires suisses. La Suisse demeure le seul pays contre lequel cette mesure, décrétée en 1977, est toujours en vigueur. Notre pays refuse de signer un accord additionnel par lequel il s'engagerait à mieux contrôler ses exportations de matériel nucléaire. Au terme de ces pourparlers, aucune solution satisfaisante ne semble avoir été trouvée
[10].
Malgré les récents événements qui ont quelque peu altéré nos relations avec certains pays de l'Est, des contacts fructueux restent possibles. La visite de l'ambassadeur E. Brunner en URSS tendrait à le prouver. Cette consultation s'inscrivait certes dans le contexte des travaux de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), mais elle marquait aussi la reprise du dialogue politique bilatéral. Depuis plus de trois ans en effet, plus aucun haut fonctionnaire du DFAE ne s'était rendu à Moscou et l'on se souvient que le voyage de P. Aubert, prévu en mars 1980, avait été annulé à la suite de l'intervention soviétique en Afghanistan
[11]. Cette démarche n'a pas empêché notre exécutif d'intervenir publiquement en faveur de la famille du Prix Nobel de la paix, A. Sakharov
[12]. Par ailleurs, la Suisse a conclu avec la Hongrie un accord fiscal, visant à éviter que des sociétés dites mixtes, financées à la fois par l'industrie hongroise et par des firmes suisses, soient imposées deux fois. Il s'agit de la première convention du genre jamais signée par notre pays avec un Etat communiste
[13].
Au lendemain du coup de force des militaires en Pologne, l'attention s'est évidemment portée vers ce pays. Le Conseil fédéral a été l'un des premiers gouvernements à condamner officiellement les mesures répressives ordonnées par l'armée. Dans un communiqué publié en décembre, il a souhaité la levée de l'état d'exception ainsi que le complet rétablissement des libertés fondamentales. D'aucuns se sont demandés si cette prise de position n'était pas susceptible de créer un précédent dangereux dans la mesure où il est extrêmement rare que nos autorités s'immiscent dans les affaires intérieures d'un pays. Cela d'autant plus qu'elles avaient réagi mollement lors du coup d'Etat militaire en Turquie ou de l'arrivée de la junte au pouvoir au Salvador
[14]. Dans la plupart des grandes villes suisses, des manifestants se sont réunis à l'appel des syndicats et des partis de gauche pour dénoncer l'état de siège en Pologne et pour exprimer leur solidarité avec les syndicalistes polonais. Une manifestation nationale de soutien a même été organisée à Berne, manifestation qui a rassemblé plus de 10 000 personnes
[15]. Varsovie a publiquement critiqué l'attitude du Conseil fédéral dans cette affaire et condamné le fait que les autorités helvétiques aient toléré la réunion de leaders de «Solidarnosc»
[16] dans divers villes. Ce durcissement d'attitude ne devrait pas affecter notre aide alimentaire à ce pays. Le gouvernement fédéral a en effet accepté sous forme de postulat une motion le chargeant de renforcer les mesures prises jusqu'à présent
[17].
A l'occasion de la rencontre à Berne entre P. Aubert et le responsable des Affaires étrangères au sein de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), le chef du DFAE s'est déclaré prêt à offrir ses bons offices pour un règlement équitable du conflit au Proche-Orient. En outre, il a tenu à préciser à nouveau la position du Conseil fédéral. Un tel règlement ne saurait être envisagé sans y associer toutes les parties concernées. Il faudra donc d'une part reconnaître le droit d'Israël à l'existence et à la sécurité dans des frontières internationalement reconnues et d'autre part prendre en considération les aspirations légitimes du peuple palestinien à se déterminer sur son propre avenir. L'OLP représente à cet égard incontestablement la principale organisation palestinienne
[18]. Cette entrevue a suscité un certain nombre de réactions. Le PRD et les milieux pro-israéliens l'ont nettement désapprouvée. Ils ont estimé qu'en recevant un tel représentant, le gouvernement ne faisait que cautionner une organisation terroriste et remettait de surcroît en question la pratique qui consiste à ne reconnaître que des Etats légalement créés. Pour sa part, l'ambassade d'Israël en Suisse a recouru à un procédé guère en usage dans notre pays. Elle a distribué à la presse un dossier sur les déclarations récentes de ce responsable politique et de membres de l'OLP. Il est effectivement exceptionnel qu'une mission d'un pays étranger s'en prenne à la politique des autorités helvétiques. Cette visite pourrait cependant avoir des répercussions plus importantes qu'il n'y paraît. Elle montre en effet à la communauté internationale que la Suisse, tout comme la plupart des Etats européens, admet que la participation des Palestiniens à la recherche d'une solution au problème du Proche-Orient est primordiale et qu'à ce titre, l'OLP a un rôle essentiel à jouer
[19].
[6] Cf. en particulier les visites des premiers ministres péruvien (NZZ, 78, 3.4.81) et indien (NZZ, 105, 8.5.81), du vice premier ministre égyptien (NZZ, 74, 30.3.81), des chefs d'Etats du Venezuela (BaZ, 135, 15.6.81) et du Ghana (TA, 243, 26.10.81), des ministres des Affaires étrangères tunisien (TLM, 14, 14.1.81), indonésien (NZZ, 49, 1.3.81), belge (BaZ, 99, 9.4.81), cypriote (NZZ, 108, 12.5.81) et portugais (BaZ, 265, 12.11.81) ainsi que les délégations gouvernementales du Nicaragua (NZZ, 19, 24.1.81) et de l'Iran (NZZ, 76. 1.4.81).
[7] Le voyage du chef d'Etat italien avait du reste été précédé de celui de son ministre des Affaires étrangères (TA, 30, 6.2.81; CdT, 30, 6.2.81). S. Pertini: Ww, 20, 13.5.81 (interview); NZZ, 112, 16.5.81; 114, 19.5.81; 117, 22.5.81. Sécurité sociale : FF, 1980, III, p. 120 ss. ; BO CE, 1981, p. 320 ss. ; BO CN, 1981, p. 359 ss. Rectification de frontières: FF, 1981, III, p. 471 ss.; BO CE, 1981, p. 442.
[8] Ww, 36, 2.9.81 (interview) ; Bund, 209, 210, 211, 8.9.-10.9.81. Le parlement a en outre ratifié un traité avec ce pays portant sur la réciprocité dans le domaine de la responsabilité de l'Etat. Désormais, les ressortissants lésés d'un des pays seront traités de la même manière que leurs propres nationaux (FF, 1980, III, p.1161 ss.; BO CE, 1981, p.148 s; BO CN, 1981, p. 486 s.).
[9] TLM, 215, 15.10.81; presse du 7.11.81. Dans une réponse à une question ordinaire du CN A. Ogi (udc, BE) qui désirait savoir dans quelle mesure les actionnaires suisses seraient indemnisés, le CF P. Aubert a précisé que son homologue français avait donné toutes les garanties quant à une indemnisation prompte (BO CN, 1981, p. 1512). Voir également Ww, 17, 22.4.81 (dossier sur la fuite des capitaux de France vers la Suisse); L'Hebdo, 7, 23.10.81 ainsi que infra, part. I, 4b (Banken).
[10] 24 Heures, 79, 5.4.81; 99, 30.4.81; JdG, 97, 28.4.81; NZZ, 100, 2.5.81.
[11] NZZ, 239, 15.10.81; 24 Heures, 241, 17.10.81. Cf. aussi APS, 1980, p. 39 s.
[12] Intervention CF: Bund, 287, 8.12.81; NZZ, 286, 9.12.81. Une pétition a même été remise à la Mission de l'URSS auprès des organisations internationales à Genève par une délégation comprenant entre autres les députés M. Bauer (pl, GE) et G. Duboule (prd, GE) (24 Heures, 289, 12.12.81).
[13] FF, 1981, III, p. 478 ss. ; BO CN, 1981, p. 1644 ss. Plusieurs conventions de ce type conclues avec la Nouvelle-Zélande (FF, 1980, III, p. 1218 ss. ; BO CE, 1981, p. 216 s. ; BO CN, 1981, p. 261), l'Irlande (FF, 1981, II, p. 625 ss. ; BO CE, 1981, p. 418;BO CN, 1981, p.1663) et la Grande-Bretagne (FF, 1981, II, p.1233 ss.; BO CN, 1981, p. 1664) ont été modifiées.
[14] Intervention gouvernementale: presse du 15.12.81. Réactions: NZZ, 291, 15.12.81 (partis); TA, 291, 15.12.81 (parlementaires); Vr, 244, 16.12.81 (PSS); USS, 41, 23.12.81 (syndicats); VO, 51, 24.12.81 (PdT). Voir également P. Aubert in LNN, 289, 14.12.81 (interview) et L'Hebdo, 15, 18.12.81 (commentaires sur les événements de Pologne). Plusieurs manifestants se sont rassemblés pour dénoncer le caractère arbitraire des régimes salvadorien (Suisse, 18, 18.1.81; Bund, 14, 19.1.81) et turc (TA, 135, 15.6.81).
[15] Manifestations de soutien en Suisse romande (Suisse, 349, 15.12.81), en Suisse allemande (NZZ, 290, 14.12.81) et sur le plan national (presse du 21.12.81).
[16] Réaction des autorités polonaises: TLM, 357, 23.12.81. Réunion de représentants de «Solidarnosc»: Ww, 52, 23.12.81.
[17] Motion du CN P. Günter (adi, BE): BO CN, 1981, p. 1734 s.
[18] Presse du 15.7.81. Cf. également les propos tenus par P. Aubert dans sa réponse à une question ordinaire du CN G. Baechtold (ps, VD) (BO CN, 1981, p. 450 s.).
[19] Service de presse du PRD : NZZ, 155, 8.7.81. Communauté juive en Suisse : BaZ, 125,1.6.81; 148, 29.6.81; JdG, 153, 11.7.81. Cf. également Suisse, 191, 10.7.81; SCT, 162, 15.7.81 ainsi que APS, 1980, p. 41.
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