Année politique Suisse 1981 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Relations multilatérales
Dans un message publié en hiver,
le Conseil fédéral propose que la Suisse adhère en tant que membre à part entière à l'ONU. Le projet d'adhésion marque l'aboutissement d'un long processus puisque, sans compter notre participation aux différentes institutions spécialisées de cet organisme, pas moins de trois rapports gouvernementaux et la nomination d'une commission consultative d'experts auront vu le jour au cours de ces dix dernières années
[24]. Un premier volet règle la procédure d'adhésion. A ce propos, un chapitre entier est consacré à la neutralité et au problème des sanctions établies par la charte. Selon ce projet, la Confédération ne participera à aucune des éventuelles mesures militaires décrétées à l'encontre d'une nation. D'ailleurs, aucun Etat ne peut être contraint à s'y associer automatiquement. Une déclaration d'entrée solennelle réaffirmera le maintien de la neutralité permanente et armée de notre pays. En revanche, pour ce qui est des sanctions d'ordre économique par exemple, elles seront appréciées non pas sous l'angle du «droit de neutralité», mais sous celui de la «politique de neutralité». La Suisse ne saurait en effet se soustraire à des mesures appliquées par la totalité des Etats membres et, dans le cas inverse, elle pourra toujours invoquer sa neutralité et s'en distancer. Ainsi définie cette politique de neutralité ne saurait entraîner nécessairement une attitude d'abstention systématique. La Suisse n'hésitera pas à prendre clairement position en se fondant sur un certain nombre de critères objectifs, tels que l'application du droit international ou le respect des droits de l'homme. Un second volet prévoit l'engagement de quelque trente nouveaux fonctionnaires et précise que le coût de l'opération ne devrait pas dépasser 19 millions de francs par année. Ce montant est du reste inférieur aux dépenses consenties à certains organismes spécialisés de l'ONU
[25].
Le projet est donc libellé, les rôles distribués et le dossier va pouvoir entrer dans sa phase parlementaire, puis recevoir l'aval du peuple et des cantons. Sur ce plan tout reste à faire, d'autant plus qu'un sondage réalisé en octobre a mis en évidence le caractère pour le moins versatile de nos concitoyens à l'égard de cette institution. 37% des personnes interrogées se prononceraient contre, 33% pour et 30% seraient encore indécises. Avec respectivement 37 % de oui et 26% de non, les Romands seraient plutôt favorables à l'adhésion, alors que les Alémaniques, avec 40% de non et 32% de oui, plutôt réfractaires
[26]. Les résultats de ce sondage ne permettent évidemment pas de prédire l'issue du scrutin, que d'aucuns voudraient renvoyer à la prochaine législature
[27]. Ils reflètent néanmoins les clivages existant au sein du monde politique entre ceux qui poussent à un engagement immédiat, ceux qui, au contraire, y sont résolument hostiles et enfin ceux qui, tout en étant partisans, craignent un refus populaire dont les conséquences pourraient être plus néfastes qu'une simple abstention. Un comité d'opposition s'est constitué en fin d'année, présidée par un certain nombre de personnalités politiques
[28]. Cela dit et avant même la publication du message, le gouvernement avait insisté sur ses arguments majeurs en faveur de l'adhésion. La Suisse ne saurait rester plus longtemps à l'écart d'une organisation qui regroupe la presque totalité des Etats et qui tend à devenir le «centre de la coopération mondiale». Elle prolonge les efforts consentis pour la défense de nos intérêts dans les tribunes internationales qui nous étaient jusqu'à présent accessibles. Enfin, elle devrait nous permettre d'y débattre des sujets auxquels la Confédération a toujours été attachés, comme l'aide humanitaire ou la défense des droits de l'homme
[29]. C'est donc, a souligné un observateur de la politique nationale, «un exercice démocratique de psychologie» à l'échelon du pays qui va s'ouvrir et au terme duquel, quoi qu'il advienne, «l'image de la Suisse ne sera plus tout à fait la même»
[30].
Par ailleurs, le parlement a approuvé sans opposition majeure les deux protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949 sur la protection des victimes en temps de guerre. Le premier protocole se rapporte aux conflits internationaux. Il élargit les mesures dè protection à de nouveaux types de conflits, tels que les luttes pour l'autodétermination ou les combats de libération. Le second s'intéresse davantage aux victimes des conflits armés internes
[31]. Enfin, en matière de désarmement, le Conseil national a ratifié la convention visant à limiter l'emploi de certaines armes stratégiques particulièrement traumatisantes pour la population civile
[32].
[24] Rapports gouvernementaux: cf. APS, 1969, p. 40; 1971, p. 55 s.; 1977, p. 40 s. Commission d'experts: voir APS, 1975, p. 48 s.
[25] FF, 1982, I, p. 505 ss.; presse du 22.12.81.
[26] Ww, 44, 28.10.81. Un sondage identique, réalisé en octobre 1980, avait donné les résultats suivants: 39 % de non, 32 % de oui et 29 % d'indécis. Le clivage Suisse romande, Suisse alémanique était aussi clairement apparu avec respectivement 35% de oui, 33% de non et 40% de non, 33% de oui (Ww, 1, 7.1.81; Suisse, 8, 8.1.81).
[27] Cf. à cet égard la déclaration faite par les quatre partis gouvernementaux: NZZ, 271, 21.11.81.
[28] Composition de ce comité d'opposition : le CE H. Reymond (pl. VD) et les députés du CN C. Blocher (udc, ZH), O. Fischer (prd, BE), J. Iten (pdc, NW), H. Schalcher (pep, ZH) (Suisse, 356, 22.12.81). Par ailleurs, les propos équivoques tenus par le CF F. Honegger devant les Suisses de l'étranger réunis à Soleure, illustrent bien les divergences qui subsistent encore au sein de l'administration fédérale (SGT, 196, 24.8.81; 201, 29.8.81). Cf. également L'Hebdo, 42, 16.10.81; Suisse, 355, 21.12.81 (partisans et adversaires).
[29] P. Aubert : 24 Heures, 43, 21.2.81. R. Probst: NZZ, 272, 23.11.81; 24 Heures, 281, 3.12.81. Voir aussi l'avis de l'ancien secrétaire d'Etat au DFAE, A. Weitnauer: NZZ, 110, 14.5.81.
[30] Cf. l'éditorial de J.-S. Eggly, «ONU: la voile est mise», in JdG, 298, 22.12.81.
[31] Par ailleurs, ces protocoles développent encore de manière considérable les règles sur la conduite des hostilités adoptées à La Haye en 1907 et qui n'ont jamais été retouchées depuis lors. Ils améliorent en outre la protection des blessés et celle du personnel sanitaire. Seuls 17 Etats les ont jusqu'à présent ratifiés (FF, 1981, I, p. 973 ss. ; III, p. 224 s.; BO CE, 1981, p. 370 ss. et p. 434; BO CN, 1981, p. 592 ss. et p.1391).
[32] FF, 1981, III, p 273 ss.; BO CN, 1981, p. 1449 ss.
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