Année politique Suisse 1981 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Politique économique extérieure
Si cette vague de protectionnisme est encore loin de submerger le commerce international, elle n'en a pas moins fortement imprégné les négociations économiques multilatérales. A l'occasion des réunions du Comité mixte Suisse-CEE à Bruxelles, la délégation helvétique s'est élevée contre l'introduction d'un dépôt à l'importation par l'Italie en mai, dépôt qui pourrait avoir à terme des effets négatifs dans les échanges bilatéraux. Il devait être initialement supprimé en octobre, mais a été prorogé jusqu'en février 1982 avec l'accord de la
CEE. Nos délégués ont en outre soulevé à nouveau le problème de la taxe parafiscale horlogère perçue par la France et exigé une fois de plus que le traitement des produits suisses soit conforme aux dispositions de libre-échange
[53]. Cette recrudescence des entraves sur le marché mondial a également été évoquée par le Conseil des ministres de l'
AELE, réuni une première fois en mai sous la présidence de notre chef du DFEP, F. Honegger, puis en novembre. Les ministres ont réaffirmé leur attachement au système ouvert des échanges et souligné les dangers d'un recours systématique à des solutions sectorielles. Ils se sont déclarés prêts à contribuer à la recherche d'un accord au sein de l'OCDE sur les crédits à l'exportation
[54]. Par ailleurs, le Conseil a convenu, à l'initiative de la Suisse, que les aides gouvernementales pratiquées par les pays membres feront l'objet à l'avenir d'un examen annuel. On craint en effet que le cumul de ces aides puissent avoir un impact négatif sur les échanges
[55]. Enfin, notre pays a signé avec l'Islande, dans le cadre de l'AELE, un accord portant sur l'échange de produits agricoles, de poissons et autres produits de mer
[56].
C'est au terme de négociations difficiles que la prolongation pour cinq ans de l'Accord multifibre (AMF), renouvelé au sein du
GATT, a été ratifiée par les cinquante principaux pays exportateurs et importateurs, dont fait partie la Suisse. Entré en vigueur en 1974, ce protocole avait été prolongé en 1978 pour quatre nouvelles années. L'entente a finalement pu se faire sur un texte de compromis, non sans que PVD et pays membres de la CEE se soient livrés une rude bataille. Les premiers se sont longtemps opposés à l'introduction d'un mécanisme destiné à prévenir toute augmentation désordonnée des importations ainsi qu'à un abaissement, dans certains cas, du taux de croissance des ventes annuelles, dont le plafond est fixé à 6%
[57]. D'autre part, à la suite de négociations entreprises en 1979 déjà lors du Tokyo-Round, la Suisse et le Canada ont conclu un arrangement bilatéral dans le secteur des fromages. Berne s'est engagée à contraindre les exportateurs suisses de fromage à respecter certains prix minima sur le marché canadien. En échange Ottawa a décidé d'interrompre la procédure engagée contre notre pays, accusé de recourir à des méthodes assimilables au dumping en raison de sa politique de subventionnement du lait
[58].
Après les échecs successifs des préparatifs entrepris à l'ONU pour lancer des négociations globales entre pays riches et pauvres, la
Conférence de Cancun (Mexique), réunie en octobre 1981, a permis aux partenaires de redéfinir leur stratégie dans un climat plus serein. Ce sommet avait pour but de relancer un dialogue Nord-Sud vidé progressivement de son contenu à la suite de l'accentuation des positions «libérales» des puissances occidentales et de l'ébranlement de la cohésion des pays du «groupe des 77». Si cette rencontre n'a débouché sur aucune réalisation concrète, elle a néanmoins contribué à une prise de conscience, au plus haut niveau politique, des problèmes de la coopération Nord-Sud, à la lumière de l'«interdépendance» et de la «responsabilité conjointe». Elle a également été marquée par un assouplissement américain en regard du sommet des sept grandes nations industrialisées, tenu en juillet à Ottawa. Les USA se sont déclarés prêts, du moins formellement, à entamer des discussions globales. Absente de ces diverses réunions, la Suisse s'est tout de même prononcée à plusieurs reprises sur ces pourparlers dans des enceintes plus restreintes. Tout en plaidant en faveur du lancement de négociations globales, elle a réaffirmé l'importance du maintien des prérogatives des organisations internationales. De telles négociations devraient se limiter à donner des impulsions politiques supplémentaires à ces institutions spécialisées. Les mesures concrètes seraient pour leur part négociées, comme par le passé, au sein des organisations existantes. Enfin, une collaboration bilatérale active viendrait compléter ce dispositif, collaboration qui tiendrait compte du degré de développement des différents PVD. Dans les pays semi-industrialisés, l'accent serait mis sur le transfert des technologies, alors que pour les plus démunis, des aides financières leur seraient accordées
[59].
Cette volonté de graduer notre coopération avec les PVD en fonction de leur niveau de développement constitue l'une des modifications majeures apportées en 1981 à l'arrêté fédéral concernant les préférences tarifaires. Instrument de la politique commerciale destinée à faciliter les exportations de produits en provenance de certains pays du tiers monde, ce texte est entré en vigueur en 1972 pour une durée de dix ans. Il donne au Conseil fédéral la compétence de choisir les marchandises qui peuvent faire l'objet d'un tarif préférentiel, les pays bénéficiaires ainsi que le taux d'abaissement des droits de douane. Il est assorti d'une clause de sauvegarde qui autorise le gouvernement à supprimer des préférences dans le cas où les intérêts de l'économie nationale seraient menacés. Les produits concernés sont essentiellement industriels; toutefois, ceux pour lesquels les PVD se montrent particulièrement concurrentiels en sont exclus. La nouvelle réglementation, ratifiée par les Chambres, reprend dans son ensemble le schéma de l'ancienne à la différence qu'elle est munie dorénavant d'une disposition nouvelle dite clause de «graduation ». Cette dernière permet aux autorités de retirer les préférences aux pays qui atteindraient un niveau de développement jugé suffisant
[60].
Le contentieux qui avait opposé la
CEE, la société suisse Hoffmann-La Roche et
S. Adams a donné lieu à de nouveaux développements. Dans une motion déposée en décembre 1980 au Conseil national, C. Grobet (ps, GE) demande au gouvernement s'il ne serait pas opportun de modifier l'article 273 du Code pénal qui réprimande les délits d'espionnage économique au profit d'une puissance étrangère. Le député reproche au droit actuel de ne pas protéger les personnes qui contribuent, par la fourniture d'informations aux responsables politiques et judiciaires, à dénoncer des pratiques commerciales abusives. Partant de l'idée que notre économie a un besoin urgent de conserver, face à la concurrence étrangère, un solide rempart juridique, le Conseil fédéral recommande au National de rejeter la motion. Toutefois, la disposition en question et les autres seront étudiées par la commission d'experts chargée de la révision globale du Code pénal
[61].
[53] Dépôt à l'importation: FF, 1982, 1, p. 357. Taxe parafiscale: FF, 1982, I, p. 358 s. Voir aussi NZZ, 126, 3.6.81.
[54] NZZ, 111 et 112, 15 et 16.5.81; EFTA Bulletin, 1981, no 3, p. I8 et no 5, p. 14.
[55] FF, 1981, III, p. 19; FF, 1982, I, p. 361.
[56] FF, 1982, I, p. 479 ss.
[57] NZZ, 268 et 269, 18 et 19.11.81 ; 272, 23.11.81; 283, 5.12.81; 292, 16.12.81; 298, 299, 300, 23-28.12.81. Cf également A. Nydegger et al., «Die Wettbewerbslage der schweizerischen Textilwirtschaft», in Aussenwirtschaft, 36/1981, p. 12 ss. et APS, 1974, p. 69; 1978, p. 70.
[58] FF, 1981, III, p. 52 ss. ; TLM, 107, 17.4.81; NZZ, 99, 30.4.81.
[59] Ottawa: presse du 23.7.81; JdG, 171, 25.7.81 ;NZZ, 170, 25.7.81. Cancun: FF, 1982, I, p. 378 s.; NZZ, 245, 246, 22-23.10.81; BaZ, 249, 24.10.81; 251, 27.10.81. Cf. aussi supra, Aide au développement. Notre pays avait, en revanche, pris part à un sommet du même genre organisé en décembre 1975 à Paris. Cf. APS, 1975, p. 84.
[60] FF, 1981, II, p. 1 ss.; III, p. 226 s.; presse du 20.5.81 ainsi que supra, Aide au développement.
[61] Cas Adams: TLM, 13, 13.1.81; 33, 2.2.81; 102, 11.6.81; BaZ, 137, 16.6.81; 277, 26.11.81. Motion Grobet: Délib. Ass. féd., 1981, I, p. 53; Suisse, 162, 11.6.81. Voir également les interpellations du groupe socialiste au CN (BO CN, 1981, p. 641 ss.) et de W. Carobbio (psa, TI) (BO CN, 1981, p. 643 s.) ainsi que APS, 1980, p. 72 s. Pour la révision du Code pénal, cf. supra, part. I, 1b (Strafrecht).
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