Année politique Suisse 1981 : Infrastruktur und Lebensraum / Boden- und Wohnwirtschaft
 
Droit foncier
Dans le domaine du droit foncier, les discussions politiques ont avant tout porté sur la révision de la Lex Furgler et sur la nouvelle initiative contre la spéculation foncière. Pendant l'année 1980, les ventes de terrains à des personnes domiciliées à l'étranger avaient à nouveau légèrement augmenté par rapport à 1979. Les autorités fédérales et cantonales s'étaient prononcées sur 6020 requêtes et avaient donné leur accord dans 5950 cas (1979: 5906). Cependant, en raison des mesures toujours plus restrictives régissant la situation des lieux à vocation touristique [11], le marché immobilier à tendance à se déplacer vers des régions jugées moins attractives [12]. C'est pourquoi certaines communes, comme celles du canton d'Obwald, ont pris des mesures de défense en matière d'acquisition de terrains ou d'immeubles par des étrangers [13].
En automne, le Conseil fédéral a publié le projet de loi sur l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger. Lors de la procédure de consultation, le principe d'ériger une véritable loi de durée illimitée en lieu et place de l'arrêté fédéral qui arrivera à échéance en décembre 1982 n'a guère été contesté. En revanche, diverses objections ont été formulées à l'encontre de l'avant-projet. On lui reprochait dans l'ensemble son caractère hétéroclite qui, aux dires de certains — cantons et organisations touristiques, milieux économiques — ne se contentait pas seulement d'imposer des restrictions aux ventes d'immeubles à des étrangers, mais d'introduire en plus des mesures de nature économique excessives. D'autres, proches des milieux fédéralistes et des cantons touristiques à nouveau, ont dénoncé la haute main du Conseil fédéral dans l'attribution des autorisations d'acquisition. Ils ont fait grief au gouvernement de ne pas laisser suffisamment de compétences aux cantons, notamment dans la détermination et la répartition du contingent. Les derniers enfin — Fédération suisse pour la protection des paysages, Ligue suisse du patrimoine national — ont jugé le projet guère plus restrictif que les normes en vigueur, et regretté l'absence d'une réglementation précise concernant la sauvegarde de l'environnement ou la spéculation foncière [14].
Le projet révisé tient compte, dans une large mesure, des résultats de la consultation. La loi se bornera dorénavant à prévenir l'emprise étrangère sur «le sol national». Elle ne visera plus directement des objectifs touchant à la politique conjoncturelle, à l'aménagement du territoire ou à la protection des sites. En outre, elle étend dans la mesure du possible la responsabilité propre des cantons. Compétence leur sera ainsi donnée d'adapter, de manière optimale, sur leur territoire et dans le cadre de la loi, l'acquisition de logements les plus divers. Cette volonté de laisser aux cantons le soin de légiférer eux-mêmes en la matière est emprunte du souci d'une redistribution des tâches sur le plan fédéral. Toutefois, le gouvernement établit un certain nombre de règles plus restrictives, en particulier pour l'acquisition de logements de vacances dans les localités à vocation touristique. Des normes maximales unitaires sont fixées, normes qui en principe ne pourront plus être dépassées, hormis dans «les cas de rigueur» strictement délimités par la loi. Pour le reste, le projet reprend, moyennant des améliorations ponctuelles, les dispositions'de l'arrêté fédéral [15].
Bon nombre de commentaires critiques ont souligné que la nouvelle réglementation prévue allait favoriser «un bradage du sol» dans des communes qui avait été jusque-là épargnées. De plus, le fait que les limites fédérales ne s'appliquent qu'aux logements de vacances, certains craignaient des manoeuvres tendant à éluder la législation, du genre de celles de faire passer des immeubles de résidence secondaire pour des apparthôtels, alors que l'infrastructure hôtelière nécessaire fait totalement défaut [16].
Le projet de loi a également été présenté comme un contre-projet indirect à l'initiative pendante de l'Action nationale «contre le bradage du sol national». Déposée en 1979, elle exige l'arrêt total de l'acquisition de résidences secondaires par des étrangers [17].
Un groupe de travail formé par des milieux divers — Fédération suisse des locataires, Union des producteurs suisses, organisations écologistes et partis de gauche — ont lancé dans le courant de l'automne une initiative populaire «ville-campagne contre la spéculation foncière». Tout en garantissant la propriété, l'initiative veut interdire l'acquisition de terrains ou d'immeubles à des fins spéculatives. Le futur acquéreur d'une parcelle devra notamment prouver qu'il en a besoin pour son propre usage ou qu'il envisage la construction de logements à loyers modérés. D'autre part, elle prévoit d'instaurer un contrôle des prix sur les terrains agricoles. Ainsi le prix de vente d'une parcelle ne pourra dépasser le double de la valeur de rendement et seuls les exploitants de ces biens-fonds pourront faire valoir un usage personnel. Enfin, elle contient encore des principes sur l'expropriation et le prélèvement de plus-values, afin de dispenser les communes de payer des indemnités énormes pour des terrains déclassés [18]. Cette initiative a rencontré de nombreux détracteurs dans les milieux proches des entrepreneurs et des propriétaires fonciers, dans la mesure où elle tend à limiter les droits des propriétaires, paralyser le marché du sol et engendrer davantage de bureaucratie sans favoriser la construction de logements [19].
 
[11] L'ordonnance du 10.11.1976, qui avait remplacé l'arrêté du Conseil fédéral du 21.12.1973 régissant la situation dans les lieux à vocation touristique, a été modifiée en 1979 et 1980 dans le sens d'un renforcement des dispositions. Cf. La Vie économique, 54/1981, p. 677; APS, 1975, p. 116; 1976, p. 111, note 24; 1979, p. 120 s.; 1980, p. 108 s.
[12] La Vie économique, 53/1980, p. 491ss. et 54/1981, p. 677 ss. On constate effectivement que dans des cantons comme Schwyz, Obwald, Fribourg et Saint-Gall, le nombre de requêtes tend à augmenter, alors que dans les cantons touristiques du Valais et des Grisons, elles stagnent ou diminuent.
[13] NZZ, 256, 4.11.81.
[14] Procédure de consultation: FF, 1981, III, p. 585 s.; presse du 16.4.81; APS, 1980, p.109. Voir également F. Ebner, secrétaire du Vorort, «Fragwürdige Revision der Lex Furgler», in NZZ, 28, 4.2.81.
[15] FF, 1981, III, p. 553 ss. Le projet fixe les proportions suivantes: 5% de la surface ou 10% de la valeur fiscale de la propriété foncière en zone à bâtir du lieu concerné, ou 20% de l'ensemble des logements dans le lieu concerné, ou encore, dans le cas d'un immeuble à plusieurs appartements, 65% soit des coûts d'investissements de l'ensemble, soit des parts s'il s'agit de la propriété par étages.
[16] Commentaires: presse du 17.9.81. Apparthôtels: Vr, 94, 15.5.81; BaZ, 113, 16.5.81; Bund, 121, 26.5.81; LNN, 139, 19.6.81 et interpellation Loretan (prd, AG) in BO CN, 1981, p.1368 s.
[17] FF, 1981, III, p. 571 ss. et 619 s. Voir aussi APS, 1979, 120.
[18] FF, 1981, III, p. 690ss.; presse du 25.11.81; Woche, 13, 4.12.81. Cf. également H. Hoffmann, «Die schweizerische Volksinitiative gegen die Bodenspekulation», in Zeitschrift für Sozialökonomie, 17/1981, no 51, p. 8 ss.
[19] Cf. en particulier le groupement «Aktion freiheitliche Bodenordnung», géré par le directeur du Redressement national, R. Rohr (NZZ, 239, 15.10.81). Voir aussi NZZ, 274, 25.11.81; TA, 290, 14.12.81.