Année politique Suisse 1981 : Sozialpolitik / Sozialversicherungen
 
Assurance-vieillesse et survivants
En marge de ces analyses, une campagne visant à modifier l'image traditionnelle du rentier de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS) a été lancée à fin 1981. L'idée était de réaffirmer la place des aînés dans la société, en brisant le stéréotype de la retraite assimilée à la sénilité. L'importance de cette action a été soulignée par le fait que près d'un million de personnes bénéficiaient de l'AVS en 1981 sur l'ensemble du territoire helvétique. Pour ces retraités, la prévoyance vieillesse constitue une importante source de sécurité matérielle [11].
Conscients de cette réalité, plusieurs groupes de travail de la commission pour l'AVS ont entrepris les travaux préparatoires à la dixième révision de l'AVS. Deux problèmes majeurs devraient être traités à cette occasion: l'introduction de la rente flexible ou «à la carte» et l'amélioration de la situation des femmes retraitées. Sans être directement liées, ces deux questions paraissent cependant corollaires, voire même tributaires l'une de l'autre. L'introduction d'une retraite flexible pourrait, en effet, permettre d'éviter une refonte totale de l'AVS dans la perspective d'une future égalité de traitement entre hommes et femmes. Cette manière de procéder couperait court, en tous les cas, aux fatales séquelles psychologiques, politiques et financières, d'une solution généralisant l'âge de la retraite à 62 ou 65 ans [12]. Cependant, les dimensions des deux propositions ne sont pas comparables. En ce qui concerne les retraitées, un des postulats féministes visait à accorder à l'épouse le droit à sa propre rente. D'autre part, deux catégories de femmes, défavorisées par la loi, devraient bénéficier de plus d'attention: les célibataires et les divorcées. Des craintes ont cependant été émises, face à la détermination des autorités politiques de maintenir l'équilibre financier de l'AVS, que l'amélioration de la situation d'une catégorie de personnes ne se fasse au détriment d'une autre [13]. Pour ce qui est de la retraite à la carte, les problèmes s'avèrent fort complexes. En effet, soit tous les assurés, placés sur un pied d'égalité, seraient mis au bénéfice de cet avantage, ce qui se traduirait par un abaissement général de l'âge de la retraite compensé par une élévation des primes; soit le montant de la rente devrait être réduit en fonction des années d'anticipation — le chiffre de 5,3% par année différée a été avancé — mesure qui dissuaderait les revenus modestes d'en demander le bénéfice [14].
Aux yeux de l'Union syndicale suisse (USS), la question d'un abaissement généralisé de l'âge de la rente AVS reste toutefois une alternative à l'introduction d'un âge flexible de la retraite. Aussi a-t-elle organisé un vaste sondage auprès de ses membres afin de déterminer la voie à suivre. Les résultats ont montré que dans leur grande majorité les syndiqués restaient favorables à l'abaissement de l'âge de la retraite [15]. Les Organisations progressistes de Suisse (POCH) n'ont pas attendu le résultat de la consultation pour lancer une initiative «visant à abaisser à 62 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes l'âge donnant droit à la rente AVS». Le texte tient toutefois compte de la possible introduction de la retraite flexible. A l'appui de leur initiative, les POCH ont invoqué l'idée que le progrès technique et l'accélération des cadences épuisaient prématurément les travailleurs. Selon les initiants, l'augmentation subséquente des primes ne devrait pas dépasser 0,6 à 0,7% des salaires, les employeurs contribuant pour une part identique. Le lancement de cette initiative a soulevé un tollé de récriminations tant du côté du patronat que de la part des alliés traditionnels ou occasionnels des POCH. Le rapprochement avec une initiative similaire lancée par les mêmes organisations progressistes en 1974, et rejetée en votation populaire quatre ans plus tard, n'a pas manqué d'être fait. L'ensemble du monde politique a fustigé l'attitude des protagonistes, qualifiant leur action d'électoraliste [16].
Pour la première fois depuis six ans, le compte AVS s'est soldé par un boni de 170 millions en 1980. Le compte relatif aux allocations pour perte de gain (APG) accuse, quant à lui, un excédent de recettes de 165 millions. Seule l'assurance-invalidité (AI) se situe encore dans les chiffres rouges, avec un déficit de 40 millions. Sa situation financière s'est toutefois améliorée. Ces bons résultats sont essentiellement dus à une augmentation des cotisations de 8,4%, ainsi qu'à une majoration des contributions publiques de 14,4% [17].
Face à la hausse prononcée du taux d'inflation en 1981, le Conseil fédéral a décidé d'augmenter les rentes AVS/AI/APG, comme il en a la faculté [18]. Mis en présence de deux tendances opposées soutenues au sein de la Commission fédérale de l'AVS (majorité 13,6% et minorité 11%), le Conseil fédéral a opté pour le compromis de 12,7% [19]. Le groupe parlementaire du Conseil national PdT/PSA/POCH avait pourtant déposé une interpellation en début d'année, demandant la pleine compensation du renchérissement. La gauche a donc estimé l'augmentation insuffisante. Aussi le conseiller national A. Herczog (poch, ZH) est-il revenu à la charge en fin d'année, demandant au Conseil fédéral de prendre des mesures spéciales en faveur des rentiers [20]. Le gouvernement a également réadapté les prestations complémentaires (PC) dont plus de 114 997 rentiers bénéficiaient en Suisse à fin 1980. Le groupe socialiste des Chambres avait également déposé une interpellation dans ce sens; il a été partiellement satisfait [21].
Une tout autre position a été soutenue par l'intermédiaire du conseiller aux Etats H. Letsch (prd, AG) qui, dans un postulat, a invité le Conseil fédéral à réexaminer sa politique d'indexation automatique des rentes, laquelle contribuerait, selon lui, à accélérer la spirale inflationniste [22].
 
[11] NZZ, 302, 30.12.81 ainsi que Bulletin patronal vaudois, mai 1981. Programme d'action en faveurdes aînés: LNN, 244, 21.10.81; TA, 244, 21.10.81. Sur les problèmes des rentiers: CdT, 133, 12.6.81; 167, 24.7.81; TA, 232, 7.10.81; Suisse, 332, 28.11.81; SGT, 301, 24.12.81.
[12] Sur les travaux préparatoires: NZZ, 14.2.81; CdT, 121, 27.5.81; RCC, 1981, p. 498 ss. Voir également APS, 1980, p. 129 s.
[13] Selon W. Schweizer, plus de 40% des femmes célibataires toucheraient le minimum AVS (Bund, 67, 21.3.81). A propos de la situation des femmes, on consultera: «Femmes et sécurité sociale», in Volk und Recht, éd. française, numéro spécial du 8.11.80; «La femme et la dixième révision de l'ANS», in Bund, 25, 31.1.81.
[14] BaZ, 196, 24.8.81; 198, 26.8.81: TLM, 225, 2.9.81.
[15] USS, 24, 12.8.81 (F. Leuthy); TW, 199, 27.8.81.
[16] Texte de l'initiative in FF, 1981, II, p. 1220. Sur les prises de position des POCH : PZ, 31, 3.9.81; 32, 10.9.81. Pour les réactions à l'initiative : presse du 3.9.81; CdT, 202, 5.9.81 (PSA du TI) ; RFS, 35/36, 8.9.81 (Vorort) ; USS, 26, 9.9.81; VO, 36, 10.9.81 (PdT); Vr, 177, 14.9.81 (PSS). Cf. APS, 1974, p. 129; 1978, p. 128 s.
[17] Cf. RCC, 1981, p. 205 ss.; FF, 1981, p. 844 s.; Suisse, 272, 29.9.81.
[18] A l'occasion de cette réadaptation l'indice mixte a été, pour la première fois, intégralement appliqué. Il s'agit d'une pondération entre la hausse des salaires et celle des prix. Le CF peut réadapter les rentes tous les deux ans ou lorsque le taux d'inflation dépasse 8%, cf. RFS, 21, 26.5.81.
[19] Cf. RO, 1981, p.1014 ss.; voir aussi RCC, 1981, p. 464 ss. et presse du 25.6.81.
[20] Cf. interpellation Herczog in Délib. Ass. féd., 1981, III, p. 50 et interpellation PdT/PSA/POCH in Délib. Ass. féd., 1981, I, p. 32. Protestations de la gauche: Vr, 121, 25.6.81; USS, 22, 1.7.81; VO, 25, 2.7.81.
[21] Prestations complémentaires: RO, 1981, p. 1019. Voir également RCC, 1981, p. 166 ss. Interpellation socialiste: Délib. Ass. féd., 1981, I, p. 34; RCC, 1981, p.184; USS, 2, 14.1.81; TW, 13, 17.1.81; Vr, 13, 20.1.81.
[22] Letsch: BO CE, 1981, p. 403 ss. Voir également supra, part. I, 7a (Salaires).