Année politique Suisse 1982 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Europe
En Suisse même, la situation de la
Pologne a vivement touché les sentiments humanitaires et les sensibilités politiques. Au début de l'année, des actions de secours ont été montées en quelques semaines par les oeuvres d'entraide — en premier lieu l'organisation catholique Caritas — les collectivités publiques et certaines entreprises. Tout au long de 1982, les syndicats suisses ont témoigné leur soutien aux syndicalistes polonais internés ou emprisonnés; ils ont aidé de leurs deniers une délégation du syndicat «Solidarnosc» qui s'est trouvée bloquée en Suisse au moment de l'instauration de l'état de guerre
[22]. L'état d'exception en Pologne a suscité un vif débat au Conseil national. A cette occasion, le gouvernement a renouvelé son appel en faveur d'un complet rétablissement des libertés fondamentales. Berne a maintenu son aide humanitaire indirecte, mais n'a pas voulu jouer dans la campagne d'assistance à la population polonaise le rôle que proposait le motionnaire A. Dürr (pdc, SG). Par contre, la Confédération a accueilli un contingent de plus de mille réfugiés sélectionnés parmi ceux que l'Autriche hébergeait dans ses camps de transit
[23].
Eclipsée par d'autres crises, la Pologne suscitait un peu moins d'attention auprès du public lorsque, dans les premiers jours de septembre, son ambassade à Berne fut attaquée par un groupe d'exilés qui l'occupèrent pendant trois jours avant d'être délogés par la police bernoise. A l'Est, la réaction des media fut d'attribuer cet acte de terrorisme aux opposants polonais de l'intérieur, voire à la collaboration de ceux-ci avec les services secrets occidentaux. En Suisse, le doute n'a pas plané longtemps; les partis gouvernementaux ont condamné cette prise d'otages et nié tout rapport entre celle-ci et les aspirations justifiées du peuple polonais à la liberté. Les autorités polonaises ont remercié notre gouvernement pour le dénouement heureux de cet épisode
[24]. Lorsque, quelques semaines plus tard, elles ont interdit tous les syndicats, le DFAE a convoqué le chargé d'affaires du régime de Varsovie pour protester contre cet acte au nom du Conseil fédéral
[25].
Les violations des droits de l'homme en
Turquie ont également préoccupé l'exécutif fédéral. Il a constaté que les pays européens avaient refroidi leur attitude à l'égard du régime turc et, comme il n'avait pas encore pris de décision au sujet de l'action de soutien économique de l'OCDE que divers gouvernements s'efforçaient de bloquer, il a choisi de se cantonner dans la réserve jusqu'à nouvel avis. Au Conseil de l'Europe, la délégation parlementaire suisse s'est opposée à l'exclusion des représentants du gouvernement d'A.nkara mais, à Berne, plusieurs députés socialistes ont estimé que les militaires turcs ne devaient plus être ménagés. L'opposition de la gauche et des syndicats aux contacts avec le régime turc a d'ailleurs entraîné l'annulation précipitée de la visite que devait lui rendre une délégation du Tribunal fédéral. Conséquence de la situation économique et politique en Asie Mineure de même que des mesures prises par les pays voisins du nôtre, l'afflux de ressortissants turcs sur notre territoire a contraint le Conseil fédéral à réintroduire le visa obligatoire pour ces voyageurs
[26].
L'invasion du Sud-Liban par l'armée israélienne a été l'élément dominant du
conflit israélo-palestinien en 1982. Les dimensions prises par l'opération de «pacification» et les massacres survenus en septembre dans les camps palestiniens de Beyrouth ont suscité dans notre pays un malaise d'autant plus sérieux qu'une partie de l'opinion continuait de croire possible la normalisation des relations entre les différents peuples du Proche-Orient. Le Conseil fédéral partageait cette conviction et il a exhorté les belligérants à cesser immédiatement les hostilités au Liban conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU. Après les tueries de septembre, le gouvernement a proclamé son horreur et son indignation, sans toutefois mentionner le nom d'Israël, vu l'incertitude qui régnait au sujet des circonstances exactes de ces événements
[27]. La guerre du Liban a entraîné une série de protestations de la part des milieux socialistes, progressistes, communistes et tiers-mondistes; les critiques ont non seulement visé Israël, mais aussi les relations de la Suisse avec ce pays, dans le secteur militaire en particulier
[28]. Comme d'autres pays, la Suisse a reçu un appel à l'aide urgent du président libanais, à la fin du mois de juin. Les bons offices helvétiques n'ont cependant pas été requis et l'assistance suisse a pris la forme d'une aide humanitaire
[29]. Par ailleurs, le Conseil fédéral a été amené à se prononcer sur la violence en Amérique centrale; il a souhaité que les problèmes du Salvador soient résolus démocratiquement, sans recours à la force ni ingérence étrangère
[30].
[22] Secours: SGT, 9, 13.1.82; NZZ, 9, 13.1.82; 20, 26.1.82. Plus de 7 millions de francs ont été récoltés en 6 semaines (24 Heures, 38, 16.2.82). La délégation polonaise a pris le nom de «Groupe de coordination syndicale Solidarnosc», tandis que des «Comités de solidarité avec Solidarnosc» s'étaient constitués à l'occasion des journées d'action nationale (presse des 28, 29, 30.1. et 1.2.82); voir encore NZZ, 59, 12.3.82; 134, 14.6.82, 203, 2.9.82, 252, 29.10.82 et presse du 14.12.82 (manifestation de soutien à Berne), ainsi que USS, 2, 21.1.82; 9.12.82; TW, 201, 30.8.82. Cf. APS, 1981, p. 38.
[23] BO CN, 1982, p. 270 ss. (interpellations des groupes prd et pdc, ainsi que motion Dürr, transmise comme postulat). Débat: voir aussi VO, 3, 21.1.82 (CN Magnin, pdt, GE); 10, 11.3.82; TW, 28, 4.2.82; Vat., 30, 6.2.82; Bund, 36, 13.2.82 (A. Blum). Réfugiés : TA, 16, 21.1.82 ; 46, 25.2.82 ; 24 Heures, 69, 24.3.82. Voir encore infra (Relations économiques bilatérales).
[24] Presse des 7, 8, 9 et 10.9.82; voir supra, part. I, 1b (öffentliche Ordnung). Indépendamment de cet événement, des représentations zairoise (TLM, 69, 10.3.82) et iranienne (Suisse, 105, 15.4.82) ont été occupées à Genève.
[25] Presse du 13.10.82. Voir aussi les diverses réactions aux affrontements du mois d'août en Pologne (Susse, 204, 2.9.82; VO, 36, 8.9.82).
[26] Soutien économique: BO CN, 1982, p. 1026 (question Dafflon, pdt, GE); BaZ, 139, 18.6.82; voir aussi BO CN, 1982, p. 559 (interpellation Herzog, poch, ZH) et p. 951 s. (interpellation du groupe socialiste) ; cf. APS, 1981, p. 44. Conseil de l'Europe: BO CN, 1982, p. 678 ss. (discussion du rapport de la délégation parlementaire helvétique; voir interventions Müller, ps, BE et Renschler, ps, ZH). Tribunal fédéral: TA, 92, 93, 22-23.4.82; Lib. 170, 24.4.82. Visa: presse du 1.7.82; NZZ, 150, 2.7.82; cf. infra, part. I, 7d (Politique à l'égard des étrangers).
[27] BO CN, 1982, p. 712 (questions Baechtold, ps, VD et Magnin, pdt, GE); p. 1134 s. (questions Butty, pdc, FR, Meier, pdc, LU et Magnin); p. 1487 (questions Mascarin, poch, BS et Ziegler, ps, GE); NZZ, 155, 8.7.82; 185, 12.8.82; presse du 21.9.82. Voir aussi BO CN, 1982, p. 270 (interpellation Herczog, poch, ZH, à propos de l'annexion du Golan). Cf. encore APS, 1980, p. 41, 1981, p. 39.
[28] BO CN, 1982, p. 1470 (interpellation Herczog, poch, ZH); Délib. Ass. Féd., 1982, III, p. 76 (motion Ziegler, ps, GE); VO, 24, 17.6.82; TA, 152, 5.7.82; TW, 164, 17.7.82; NZZ, 252, 29.10.82; cf infra, part. I, 3 (Landesverteidigung).
[29] Appel : TA, 148, 30.6.82 et presse du 1.7.82. Le 21 juin, le CF a décidé de libérer un crédit supplémentaire de 5 millions de francs au titre de l'aide humanitaire pour le Liban; au 31 juillet 4,3 millions avaient été utilisés (BO CN, 1982, p. 1487).
[30] BO CN, 1982, p. 248 (questions Bäumlin, ps, BE et Morel, ps, FR); p. 966 (postulat Bäumlin pour une aide humanitaire au Salvador, transmis); p. 974 (interpellation PdT/PSA/POCH); BaZ, 53, 4.3.82; Bund, 79, 5.4.82; cf. infra (Exportations d'armements).
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