Année politique Suisse 1982 : Sozialpolitik / Gesundheit, Sozialhilfe, Sport
 
Politique de la santé
La Confédération dispose, en matière de santé, de deux instruments de politique sociale: l'assurance-accidents et l'assurance-maladie. La santé publique proprement dite est, pour l'essentiel, du ressort des cantons. Au sens actuel, cependant, la politique de la santé recouvre un domaine plus étendu que la médecine et les hôpitaux. Le contrôle des denrées alimentaires et la protection de l'environnement en font également partie, dans la mesure où leur but est de conserver des conditions de vie saines; ces questions sont examinées dans d'autres chapitres [1].
Le niveau de qualité du système de distribution des soins en Suisse est élevé, bien qu'il subsiste des disparités entre cantons. En période de prospérité économique, d'importants investissements ont été consacrés à l'amélioration de l'infrastructure hospitalière et des équipements médicaux. Du point de vue financier, la santé est devenue le premier secteur de la politique sociale [2]. 12,364 milliards de francs lui ont été consacrés en 1980. Cela représente quelque 7% du produit national brut (PNB) pour la même année [3].
Or, deux tendances signalées depuis plusieurs années pèsent sur notre système de santé. D'une part, les coûts médico-pharmaceutiques progressent plus rapidement que le PNB et les salaires. Depuis 1966, leur augmentation annuelle a été, en moyenne, de 11,4%, contre 7% environ pour les salaires [4]. D'autre part, la situation des caisses-maladie se dégrade. Le volume des remboursements suit l'expansion de la «demande de santé», tandis que les subsides de la Confédération demeurent limités. En conséquence, les caisses-maladie doivent augmenter les contributions de leurs membres. En 1981, les dépenses des caisses se sont gonflées de 9,7%; au début de 1982, la plupart de ces institutions ont adapté leurs tarifs de cotisations, mais cela n'a pas été suffisant. De nouvelles hausses ont été annoncées pour 1983 [5].
Face à cette situation, le domaine de la santé tend à mobiliser une attention accrue au plan fédéral. En octobre 1982, le DFI a invité les représentants des milieux intéressés à se réunir pour étudier avec lui les possibilités concrètes d'enrayer la progression disproportionnée des coûts; il a fixé comme objectif de maintenir les frais d'hospitalisation et de soins à domicile dans les limites de l'évolution générale des salaires [6]. Les nombreuses délégations qui ont participé à la «conférence nationale en matière de santé publique» n'ont pas trouvé un terrain vierge: la multiplication des investissements, la hausse des tarifs et des prix ont déjà suscité maintes critiques quant à l'organisation du secteur de la santé [7]. Fait nouveau, il semblerait que les caisses-maladie, les directeurs cantonaux des services responsables des hôpitaux et les fédérations de médecins ou de pharmaciens ont cessé de se jeter mutuellement la pierre. Personne ne s'attendait à voir des résultats spectaculaires sortir de la première réunion; il y a été décidé d'examiner, à courte échéance, diverses propositions relatives aux coûts dans le secteur hospitalier, aux tarifs des soins ambulatoires, à la médecine préventive et à la responsabilité personnelle des patients [8].
Dans les milieux parlementaires, l'éventualité d'une crise latente de la santé publique a commencé à être sérieusement envisagée. En mars, un groupe comptant 97 membres issus des principaux partis s'est constitué en vue d'une réflexion sur les problèmes de la politique de la santé. Un cadre de référence élargi est ainsi posé, à l'approche de la discussion du projet de révision partielle de la loi sur l'assurance-maladie [9]. A la session d'automne, les représentants de la gauche au Conseil national ont déclenché un bref débat sur le thème des coûts médicaux et hospitaliers. Mécontents de la réponse donnée à une interpellation qu'ils avaient formulée à ce sujet, les socialistes ont en effet invité l'exécutif fédéral à utiliser sans hésitation les compétences dont il dispose pour faire pression sur les prix de la santé. Ils ont souligné, une fois de plus, la nécessité de débloquer les subventions aux caisses-maladie. Le chef du DFI a alors rappelé que, sans toucher aux prérogatives des cantons, lui et ses collègues avaient déjà pris une série d'initiatives [10].
La mise à l'étude d'un projet de loi sur la prévention des maladies, promise par le Conseil fédéral pour faire pendant à l'initiative des Bons Templiers qui fut rejetée en 1979, semble être devenue inopportune aux yeux des cantons. Un groupe de travail du DFI qui s'est penché sur les différents types de prévention a publié son rapport en octobre; ce texte, remis en consultation, laisse entrevoir le rôle d'information et de soutien des politiques cantonales que la Confédération pourrait exercer sur la base d'une telle loi [11].
Le projet de recherche sur la prophylaxie des maladies cardio-vasculaires financé par le Fonds national de la recherche scientifique a été mené à bien. Ses résultats ont montré, à l'exemple de quatre villes témoins, qu'il est possible d'inciter l'individu à choisir des habitudes de vie plus saines [12].
Dans certains cantons, les problèmes liés à la distribution des soins ont continué de susciter de vives controverses. Le conflit qui opposait les caisses-maladie et le corps médical argoviens a rebondi: le Conseil fédéral a en effet accepté le recours que les mutualités avaient formulé contre une décision de l'exécutif cantonal relative à une hausse du tarif des prestations médicales [13]. Dans le canton de Zurich, les caisses et les médecins ont fait campagne contre la nouvelle loi cantonale sur la santé et ont obtenu son rejet en votation populaire [14]. Les pharmaciens lucernois sont parvenus à faire aboutir leur référendum contre la loi sur la santé, mais, malgré l'opposition de la gauche, le peuple a entériné l'oeuvre du législatif [15]. Dans le canton de Neuchâtel, le souverain a approuvé l'initiative socialiste «pour une meilleure santé publique» [16].
 
[1] Voir supra, part. I, 4c (Tierische Produktion) et part. I, 6d (Umweltschutz), ainsi que infra, part. I, 7c (Assurance-maladie et Assurance-accidents). Pour la question du numerus clausus, cf. infra, part. I, 8a (Hochschulen). Voir encore infra, part. II, 5 (Santé publique, hôpitaux).
[2] La Vie économique, 55/1982, p. 389 s. (P. Gilliand); NZZ, 253, 30.10.82 (W. v. Wartburg); cf. APS, 1980, p. 126; 1981, p. 128.
[3] Selon un communiqué de la Société suisse pour la politique de la santé, ces dépenses se répartissent entre: hôpitaux (45,9%), médecins (16,6%), dentistes (9,7%), médicaments (14%), facultés de médecine (4,9%), etc... (SAZ, 28/29, 15.7.82).
[4] Presse du 15.10.82 (données du DFI). Voir aussi Office fédéral des assurances sociales, Rapport sur les aspects actuariels. financiers et économiques de la sécurité sociale en Suisse, Berne 1982, p. 111 ss.
[5] Suisse, 178, 27.6.82 et TA, 146, 28.6.82 (Assemblée des délégués du concordat suisse des caisses-maladie) ; Caisse-maladie et accidents chrétienne-sociale, no 7, septembre 1982; TA, 240, 15.10.82; Bund, 272, 20.11.82; cf. APS, 1981, p. 129.
[6] Presse du 15.10.82; Ww, 42, 20.10.82; NZZ, 259, 6.11.82; cf. APS, 1981, p.130.
[7] Voir Ww, 2, 13.1.82 et 44, 3.11.82 (G. Kocher); Domaine public, 627, 25.2.82; NZZ, 260, 8.11.82; cf. APS, 1980, p. 126. Aussi: L. Ramel (e.a.), Soins d domicile, Lausanne 1982.
[8] Conférence: presse du 9.11.82; Bulletin des médecins suisses, 46, 17.11.82; Schweiz. Krankenkassen-Zeitung, 22, 16.11.82.
[9] Vat., 29, 5.2.82; NZZ, 58, 11.3.82.
[10] Postulat Crevoisier (psa, BE) et interpellation du groupe socialiste: BO CN, 1982, p. 1407 ss. Par ailleurs, le parlement a reconduit les subventions aux écoles de personnel soignant: FF, 1981, III, p. 1085 ss.; BO CE, 1982, p. 107 ss.; BO CN, 1982, p. 913 ss.; FF, 1982, II, p. 492.
[11] BaZ, 191, 18.8.82; presse du 2.10.82; cf. APS, 1979, p.141.
[12] F. Gutzwiller (e.a.), Prophylaxie von Herz-Kreislauf Krankheiten in der Schweiz, Berne, 1982; presse du 31.3.82; cf. APS, 1977, p. 147. P. Tschopp, président du groupe d'experts du programme national de recherche sur l'efficacité et les coûts du système de santé, a démissionné (TA, 203, 2.9.82; L'Hebdo, 35, 2.9.82).
[13] TA, 212, 13.9.82; NZZ, 223, 25.9.82; BaZ, 263, 10.11.82; question ordinaire Zehnder (ps, AG), in BO CN, 1982, p. 1136; cf. APS, 1981, p. 129.
[14] NZZ, 77, 2.4.82; 86, 15.4.82; 95, 26.4.82; TA, 95, 26.4.82.
[15] Vat., 129, 7.6.82.
[16] TLM, 330, 26.11.82; 333, 29.11.82.