Année politique Suisse 1983 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Relations bilatérales
Si les relations bilatérales ont, dans l'ensemble, conservé leur intensité et leur cliversité, il faut cependant souligner quelques cas ayant marqué l'année écoulée. Parmi ceux-ci, la visite du président français François Mitterrand a revêtu une portée symbolique et politique non négligeable, car aucun chef de l'Etat français n'avait effectué un voyage officiel en Suisse depuis 1910. Ce sommet a permis d'aborder des questions d'ordre bilatéral telles que les problèmes douaniers ou les échanges commerciaux, et de dégager en outre une large convergence de vue entre les deux pays sur l'appréciation de la situation internationale
[21].
En réponse à une demande d'explications du DFAE, le ministre français des relations extérieures rassura son homologue helvétique en lui précisant que la France n'avait pas l'intention, dans l'hypothèse d'une menace militaire soviétique, d'utiliser son armement atomique en territoire suisse, contrairement aux affirmations d'un militaire français publiées par un quotidien romand
[22].
Les rapports entre la Confédération et l'
Italie ont été émaillés de quelques incidents sans être toutefois altérés en profondeur. Le ministre italien de l'intérieur a formulé quelques critiques à l'encontre des autorités fédérales, après la spectaculaire évasion de L. Gelli, l'un des principaux protagonistes de l'affaire de la loge P2. Celui-ci était détenu dans une prison genevoise dans l'attente d'une éventuelle extradition
[23]. En fin d'année, le Conseil fédéral a protesté à son tour auprès de l'ambassadeur d'Italie contre les violations répétées de la souveraineté helvétique, commises par des fonctionnaires et des magistrats de la péninsule, dans le cadre de différentes affaires et procédures. D'autre part, une nouvelle convention a été passée entre Berne et Rome pour l'amélioration des rapports entre le canton du Tessin et l'enclave de Campione dans le domaine social, fiscal et de la formation
[24].
A l'occasion du soixantième anniversaire du traité intégrant la principauté du Liechtenstein dans le territoire douanier suisse, le président de la Confédération s'est rendu à Vaduz, après W. Ritschard et précédant de quelques semaines G.-A. Chevallaz. Les contacts bilatéraux avec l'Autriche ont connu une certaine intensité gräce à une série de rencontres au niveau ministériel. Celles-ci ont permis d'assurer la continuité des relations entre les deux pays à la suite de profondes modifications intervenues dans la composition du gouvernement autrichien après les élections générales.
En réponse à un parlementaire, le Conseil fédéral a rappelé que les relations entre la Suisse et la République démocratique allemande demeuraient hypothéquées par le problème des nationalisations de biens helvétiques et de leur indemnisation jugées actuellement «totalement insuffisantes»
[25].
Comme nous l'avons déjà relaté par ailleurs, l'exécutif a décidé, à la fin (lu mois d'avril, de procéder à la fermeture du bureau bernois de l'agence de presse soviétique Novosti et à l'expulsion de son directeur. Cet événement provoqua un vaste débat dans les milieux politiques. En .adoptant cette mesure sans précédent, les autorités dénoncèrent une ingérence dans les affaires intérieures du pays, mettant en cause notamment les agissements de deux collaborateurs helvétiques de l'agence, membres du Parti du travail. Alors que l'Union soviétique a rejeté en bloc ces accusations, en précisant que la décision fédérale lui paraissait contraire à la lettre et à l'esprit de l'Acte final d'Helsinki, le parlement suisse s'est rangé, dans sa grande majorité, aux côtés du gouvernement
[26].
Nous analyserons ultérieurement quelques contentieux d'ordre économique et financier ayant revêtu une acuité particulière entre les Etats-Unis et la Confédération. Ils n'ont pas affecté en profondeur les relations entre les deux nations. De passage à Genève, le vice-président américain, G. Bush, s'est entretenu avec le chef du DFAE du rôle de la diplomatie suisse au sein de la CSCE. D'autre part, le secrétaire d'Etat R. Probst rencontra des hauts fonctionnaires de l'administration Reagan lors d'un voyage estival aux USA
[27].
La problématique des droits de l'homme a occupé une place importante dans les rapports récents avec certains pays. Berne a tenu à exprimer officiellement sa préoccupation à propos des personnes détenues pour des motifs politiques en Turquie. Cependant, dans une réponse apportée au conseiller national R. Daflíon (pdt, GE), le principe d'un boycottage de ce pays ne fut pas retenu
[28].
Dans le cas de l'
Argentine, une pétition comprenant 20 000 signatures fut déposée en juin au Palais fédéral pour demander aux présidents des Chambres la constitution d'une commission d'enquête sur la «disparition» de citoyens helvétiques dans ce pays. La commission des affaires étrangères du Conseil des Etats estima toutefois qu'il n'était pas possible de donner suite à une telle demande. Cette attitude s'inscrit dans la perspective de celle adoptée par le Conseil fédéral qui avait délaissé l'idée d'une participation à une commission d'enquête internationale pour lui préférer des modes d'actions diplomatiques plus discrets. En revanche, la Suisse a salué ostensiblement l'arrivée au pouvoir du nouveau président argentin Alfonsin élu fin octobre. Dans son message de félicitations, le président de la Confédération a mis en exergue «le retour heureux aux traditions démocratiques» et R. Probst a assisté aux cérémonies d'investiture
[29]. L'évolution de la situation en Amérique centrale a motivé la réunion de plusieurs milliers de personnes, à Berne, pour protester contre la politique des Etats-Unis dans cette région du monde
[30].
Bien que l'essentiel de la politique étrangère relève de la compétence du gouvernement fédéral et du parlement, des éléments ponctuels de
politique transfrontalière cantonale peuvent être mis en évidence durant l'année 1983. Une série de cantons (BE, SO, BS, BL, VD, NE, JU) se sont regroupés afin de régler, avec la France, et sous l'égide de la Confédération, des questions relatives à l'imposition des travailleurs frontaliers. Selon le nouvel accord, ceux-ci seront imposés dans l'Etat de résidence, mais ce dernier versera une compensation financière à l'Etat du lieu de travail
[31].
Le
canton du Jura a reçu, avec un certain éclat, le premier ministre de la province canadienne du Québec, R. Levesque. Cette visite suscita divers commentaires en raison de la conclusion, à cette occasion, d'un accord de coopération culturelle et économique entre les deux gouvernements régionaux. D'autre part, les autorités jurassiennes ont également passé un accord de coopération avec les Seychelles, en collaboration avec la Direction de la coopération au développement et de l'aide humanitaire du DFAE
[32].
[21] Visite de F. Mitterrand: TA, 13.4.83; Bund, 14.4.83; L'Hebdo, 15, 14.4.83; presse du 16.4.83. Relations franco-helvétiques : Vat., 3.1.83 ; Ww, 7, 16.2.83 ; BaZ, 5.4.83 ; Bund, 9.4.83 ; Suisse, 10.4.83 ; 24 Heures, 12.4.83. A noter également les visites du ministre yougoslave des affaires étrangères (TA, 21.1.83), du secrétaire d'Etat adjoint américain K. Dam (TLM, 23.3.83) et du vice-président du Conseil d'Etat bulgare (NZZ, 13.4.83). Le CF Chevallaz s'est rendu en Suède (NZZ, 25.5.83).
[22] TLM, 11.12.83; 16.12.83; 17.12.83 ; BaZ, 21.12.83; BO CN, 1983, p. 1736 (question ordinaire Butty, pdc, FR).
[23] L. Gelli avait été arrêté à Genève en septembre 1982. Le DFJP avait émis un préavis favorable à son extradition vers l'Italie (JdG, 8.7.83). Le Tribunal fédéral (TF) a émis une réponse positive (TA, 20.8.83; JdG, 22.8.83). La nouvelle pratique du TF en matière d'extradition : Bund, 24.3.83 ;NZZ, 7.4.83. Sur la fuite, cf. presse des 11-13.8.83; L'Hebdo, 33, 18.8.83. Protestation italienne et réponse de Berne: NZZ, 13.8.83; JdG, 19.8.83; TA, 20.8.83.
[24] Affaires Pétrovic, Ciolini, Ambrosiano: cf. 24 Heures, 17.9.83; NZZ, 23.12.83. Convention: TLM, 5.1.83; ce nouvel accord a suscité le lancement d'une initiative au TI contre le nouveau droit accordé aux citoyens suisses d'accéder au casino de Campione; cf. infra, part. II, 1 k.
[25] Visites à Vaduz: NZZ, 18.2.83 (W. Ritschard); TA, 29.3.83 (P. Aubert); 24 Heures, 16.4.83 (G.-A. Chevallaz). Visites ministérielles autrichiennes en Suisse: NZZ, 5.7.83 (affaires étrangères); NZZ, 1.9.83 (finances); NZZ, 18.10.83 (défense). Contentieux avec la RDA : TLM, 24.2.83; BaZ, 25.2.83; BO CN, 1983, p. 542.
[26] Décision du CF: presse du 30.4.83. Précisions apportées parle DFJP : presse du 4.5.83 ; L'Hebdo, 18, 5.5.83. Conférence de presse de P. Aubert: TA, 11.5.83. Sur les implications en politique intérieure, cf. supra, part. I, lb (Öffentliche Ordnung).
[27] Problèmes financiers: cf. infra (Relations économiques bilatérales). Entretiens: 24 Heures, 5.2.83 (G. Bush); NZZ, 16.6.83 (R. Probst).
[28] Notification officielle: cf. NZZ, 10.8.83; BO CN, 1983, p. 1885 (question ordinaire Dafllon, pdt, GE). Une délégation de manifestants turcs fut reçue au DFAE, cf. presse du 10.8.83. Le CF a d'autre part déploré la création unilatérale d'un Etat chypriote turc; cf. BaZ, 17.11.83.
[29] Précisions sur la pratique du DFAE: JdG, 4.1.83; BO CN, 1983, p. 1562. Le DFAE a officiellement notifié à l'Argentine qu'il n'acceptait pas les conclusions d'un rapport officiel argentin considérant les «disparus» comme personnes décédées (TLM, 11.5.83). Pétition aux Chambres: cf. presse du 23.6.83; 24 Heures, 12.11.83. Message du CF au nouveau président argentin: TLM, 3.11.83. R. Probst à Buenos Aires: TLM, 10.12.83; BaZ, 17.12.83.
[30] Forum de la solidarité avec l'Amérique centrale organisé par les Comités Salvador et Nicaragua, des organisations proches des Eglises, des mouvements tiers-mondistes, le PS et les POCH; cf. presse du 15.6.83 et NZZ, 17.6.83. Cf. en outre : rapport de J. N. Rey sur la situation prévalant en Amérique centrale (TLM, 29.4.83). La Suisse a reconnu le nouvel Etat antillais de St-Christophe et Nevis (NZZ, 20.9.83) et établi des relations diplomatiques avec Antigua et Barbuda (NZZ, 15.12.83).
[31] L'accord a été préparé grâce à une collaboration étroite entre les gouvernements cantonaux intéressés, puis signé par l'exécutif fédéral. Il n'entrera en vigueur qu'après la ratification de chaque canton. Cf. Suisse, 14.5.83; 24 Heures, 4.8.83; 8.11.83 ainsi que APS, 1982, p. 40. Sur le cas spécial de Genève, cf. Suisse, 17.7.83.
[32] Visite Levesque: presse du 1.7.83; L'Hebdo, 27, 7.7.83. Commentaires sur l'accord de coopération: BaZ, 1.7.83 ; 24 Heures, 1.7.83 ; 4.7.83 ; Suisse, 1-3.7.83 ; JdG, 4.7.83 ; 24 Heures, 4.7.83. L'objet principal du débat est de savoir si l'accord conclu nécessite l'aval du DFAE. Le canton du JU est le seul à s'être doté d'un ministre de la coopération. Seychelles: TLM, 24.7.83; 12.10.83.
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