Année politique Suisse 1983 : Sozialpolitik / Bevölkerung und Arbeit
 
Marché du travail
En dépit d'une timide reprise de l'activité économique amorcée dans la seconde moitié de l'année, la situation sur le marché du travail s'est à nouveau considérablement détériorée en 1983. Le nombre moyen de chômeurs complets a pratiquement doublé par rapport à l'exercice précédent — passant de 13 220 en 1982 à 26 288 en 1983 — alors que celui des chômeurs partiels a progressé d'un tiers: 43 930 en 1983 contre 36 611 en 1982. Comparés à la population active, les taux de chômage les plus élevés ont été enregistrés dans les cantons de Neuchâtel (2,3%), de Bâle-Campagne (2%), du Jura (2%), du Tessin (1,4%), de Schaffhouse (1,3%) et de Soleure (1,2%). La moyenne annuelle nationale s'est établie pour sa part à 0,8% (1982: 0,4%) [4]. La Suisse a ainsi retrouvé le nombre de chômeurs qui était le sien au plus fort de la crise de 1974-76. Les raisons de cette forte hausse de chômage sont multiples. Elles tiennent à la fois à l'élargissement des bénéficiaires de l'assurance-chômage et à l'amélioration de ses prestations, au taux de reflux moins prononcé des travailleurs étrangers [5], aux faiblesses structurelles de l'offre industrielle et surtout à la concentration de la récession sur certaines branches à forte main-d'oeuvre: l'industrie des machines, la métallurgie et l'horlogerie [6]. Plusieurs manifestations ont à nouveau été organisées pour s'opposer aux mesures de licenciements collectifs décrétées ou annoncées par des entreprises particulièrement touchées par la crise. La plus imposante s'est déroulée à Schlieren, dans le canton de Zurich, où quelque 4000 manifestants ont protesté contre la décision du groupe Schindler de fermer la fabrique de wagons et d'ascenseurs, établie dans la localité [7]. Les socialistes ont invité les autorités fédérales à intervenir, afin de maintenir l'activité dans l'entreprise et saisi le parlement d'un projet de plan de sauvetage de l'usine [8].
Pour remédier à l'évolution négative sur le front de l'emploi [9], le Conseil fédéral a soumis à l'approbation des Chambres un premier train de mesures visant au renforcement de notre économie. Le volet principal de ce projet est constitué par un programme d'acquisitions, censé déclencher un volume de commandes supplémentaires propres à stimuler la demande intérieure. Il comprend en outre des dispositions concernant le marché du travail. C'est ainsi que dans le cadre des mesures visant à procurer du travail, la contribution fédérale pour 1983 a été sensiblement augmentée. En complément à ce programme pour l'emploi, le gouvernement a présenté un second projet destiné à consolider à plus long terme la capacité d'adaptation de notre économie aux mutations structurelles en cours. Il prévoit pour l'essentiel d'améliorer les instruments au service de la politique régionale et d'instituer, pour les petites et moyennes entreprises, une garantie contre les risques à l'innovation [10]. Enfin, le Conseil fédéral a, comme l'année dernière, aménagé de nouvelles mesures d'assistance en faveur des chômeurs arrivés au terme de leur période d'indemnisation [11].
Lors du débat parlementaire, les représentants des cantons horlogers et les partis de gauche ont accueilli avec certaines réserves ce projet de relance conjoncturel. Certes, ils n'ont pas contesté la nécessité d'un soutien de l'Etat à l'économie. Toutefois, ils auraient souhaité que les propositions fédérales soient davantage modulées en fonction des besoins spécifiques des régions et des branches les plus touchées par la récession. Le groupe socialiste du National a du reste déposé une motion invitant le gouvernement à élaborer un programme de relance complémentaire destiné notamment à stimuler les adaptations structurelles en cours. Il s'agirait en l'espèce de favoriser le développement et l'application de nouvelles technologies, de promouvoir la formation et la reconversion professionnelles ainsi que d'étendre les mesures d'aide en vue d'encourager la mobilité professionnelle [12]. La Chambre populaire a en outre accepté sous forme de postulat une motion Jaggi (ps, VD) demandant au Conseil fédéral d'appliquer avec plus de souplesse les dispositions prévues par la future loi sur l'assurance-chômage, afin d'alléger les obligations des chômeurs en quête d'un emploi [13];. Cette revendication figure' également âu nombre des résolutions adoptées par les différents comités de chômeurs, réunis pour la première fois sur le plan national [14].
Dans la plupart des régions appartenant à l'arc horloger, des efforts ont été consentis pour maintenir ou créer des emplois. C'est ainsi que les autorités bernoises, à l'instar de celles du canton de Soleure, ont mis en place un vaste plan de relance destiné à promouvoir leur économie régionale [15]. De son côté, le PS zurichois a déposé une initiative chargeant le gouvernement cantonal de prendre des mesures visant à garantir l'emploi. Une initiative socialiste analogue a été repoussée par le souverain argovien [16]. Des dispositions ont en outre été prises par certains cantons pour venir en aide aux chômeurs ayant épuisé leur droit aux indemnités versées par la caisse fédérale d'assurance-chômage. Le corps électoral neuchâtelois a largement plébiscité un projet de loi relatif aux «mesures de crise» contre le chômage. Il permettra non seulement aux autorités de prendre le relais de la Confédération pour accorder des allocations supplémentaires, mais de financer encore la création d'emplois temporaires ainsi que des cours de reconversion et de perfectionnement professionnels [17]. Enfin, les cantons de Genève et de Soleure ont procédé à une refonte complète de leur législation en matière de chômage et de recyclage. Cette révision consiste pour l'essentiel à adapter le dispositif cantonal d'aide aux chômeurs à la réglementation de la nouvelle loi fédérale qui entrera en vigueur en janvier 1984 [18].
 
[4] La part des femmes au chômage total a quelque peu diminué, passant de 43,4% en 1982 à 39,9 % en 1983. En revanche, la proportion des jeunes a augmenté légèrement. Enfin, le nombre de places vacantes a régressé à nouveau, passant de 5209 (1982: 8392) à la fin janvier à 4246 (1982: 4343) à la fin décembre. Cf. La Vie économique, 57/1984, p. 134 ss. ; Rapp. gest., 1983, p. 301, ainsi que APS, 1982, p. 119. Sur le chômage des jeunes en Suisse, voir BO CN, 1983, p. 539 s. (interpellation Bircher, ps, AG); SZ, 30.4.83, ainsi que infra, part. I, 7d (Jugend).
[5] Durant la récession de 1974-76, le chômage avait surtout frappé le secteur de la construction. Cf. APS; 1974, p. 120; 1975, p. 125 s., 1976, p. 120 s.
[6] Cf. Bulletin/Commission pour les questions conjoncturelles, no 285, supplément de La Vie économique, 57/1984, fasc. 1, p. 3 ss. Voir aussi Ww, 3, 19.1.83; 42, 20.10.83 (J.-P. Bonny); BaZ, 17.2.83; 19.2.83; 24.2.83; 26.2.83 et 12.3.83 (dossier consacré au chômage en Suisse dans les années 1980); D. Maillat, Le fonctionnement du marché de l'emploi au niveau local, Saint-Saphorin 1983 ; Arbeitslosigkeit — Schicksal der achtziger Jahre? Zürich 1983 (tiré à part de la NZZ); Wirtschaft und Recht, 35/1983, no 4: Krise des Arbeitsmarkts — Arbeitslosigkeit (p. 249 ss.).
[7] Schlieren: NZZ, 17.5.83; 25.5.83; 4.6.83; TA, 19.10.83; 15.11.83. D'autres manifestations se sont déroulées à Lausanne (24 Heures, 21.3.83), Neuchâtel (Suisse, 22.3.83) et Genève (Suisse, 28.10.83). Cf. également APS, 1982, p. 120.
[8] BO CN, 1983, p. 1450 ss. (interpellation du groupe socialiste) ; BO CE, 1983, p. 394 ss. (interpellation Lieberherr, ps, ZH). Voir aussi BO CN, 1983, p. 1154 ss. (interpellation du groupe PdT/PSA/POCH) et p. 1526 s. (interpellation Affolter, ps, ZH).
[9] Cf. APS, 1982, p. 51 et supra, part. I, 4a (Konjunkturlage).
[10] Sur les programmes conjoncturel et structurel, cf. supra, part. I, 4a (Konjunkturpolitik, Strukturpolitik).
[11] Cf. infra, part. I, 7c (Arbeitslosenversicherung).
[12] BO CN, 1983, p. 1151 ss. Cf. aussi BO CN, 1983, p. 395 s. (postulat Uchtenhagen, ps, ZH); USS, 12, 13.4.83 (communiqué), ainsi que infra, part. III a (Parti socialiste). Sur le débat parlementaire concernant le premier programme de relance, cf. supra, part. I, 4a (Konjunkturpolitik).
[13] BO CN, 1983, p. 1149 ss.
[14] Suisse, 7.4.83; 25.5.83; 5.6.83.
[15] Cf supra, part. I, 4a (Strukturpolitik).
[16] Zurich: Vr, 9.3.83; 5.10.83; NZZ, 21.3.83; 7.4.83. Argovie: BaZ, 24.6.83; NZZ, 24.6.83; 27.6.83; AT, 27.6.83.
[17] TLM, 23.2.83; 28.2.83; JdG, 7.10.83. Cf. aussi APS, 1982, p. 121, note 18.
[18] Genève: JdG, 16.9.83; 14.11.83; Suisse, 14.11.83; 27.12.83. Soleure: SZ, 12.8.83; 24.12.83