Année politique Suisse 1983 : Sozialpolitik / Bevölkerung und Arbeit
 
Conventions collectives de travail
Les pourparlers portant sur la révision ou le renouvellement des conventions collectives de travail (CCT) ont buté, cette année encore, sur le problème lancinant de l'adaptation des salaires au taux d'inflation. Jusqu'en 1982, cette question avait pourtant fait l'objet d'un large consensus entre partenaires sociaux. Les réserves formulées quant à la validité de l'indice des prix à la consommation avaient donné le signal à une vaste offensive des milieux patronaux contre le principe de la compensation automatique du renchérissement. A vrai dire, la politique de ces derniers tend aujourd'hui à dissocier indexation uniforme des salaires et conventions de travail, afin de compenser le coût de la vie en fonction des possibilités financières de chaque entreprise et de la situation économique. A l'inverse, l'objectif syndical consiste à maintenir ce système au sein des CCT, de manière à en faire bénéficier l'ensemble des salariés. C'est sur ce principe que les négociations et les conventions se sont brisées en 1983 dans les banques, la chimie, les arts graphiques, l'industrie du bois et du bâtiment [29].
Les pourparlers dans le secteur bancaire sont révélateurs du climat qui a prévalu sur le front des discussions salariales. Alors que les représentants de l'Association suisse des employés de banques (ASEB) entendaient obtenir un réajustement intégral et une majoration générale des salaires, l'Association suisse des banquiers voulait attribuer une partie de celle-ci au renchérissement et le reste aux prestations individuelles. A défaut d'être parvenu à la signature d'un accord avec I'ASEB, les banquiers s'en sont tenus pour 1984 aux conditions suivantes: 5 % d'augmentation de la masse salariale, dont 1,5 % seulement au titre de l'adaptation à la hausse des prix [30].
Pour leur part, les travailleurs de la chimie bâloise ont lutté fermement pour maintenir leurs acquis. Les négociations sont restées bloquées également sur la question de l'indexation automatique et rétroactive du renchérissement, les employeurs souhaitant renoncer à inscrire cette clause dans la nouvelle CCT. Le catalogue des revendications de la FTCP comprenait en outre la réduction à 40 heures du temps de travail, une amélioration du barème des vacances ainsi que l'introduction de prescriptions en faveur d'une meilleure protection contre les licenciements [31].
Dans les arts graphiques, l'absence de CCT remonte au mois de mai. Le Syndicat du livre et du papier (SLP) a refusé en effet de prolonger sans autre l'ancienne convention. Au cours des négociations, les partenaires sociaux n'ont pas été en mesure de conclure un accord. Face à l'intransigeance patronale, les adhérents du SLP ont alors donné à leur comité central la compétence de déclencher des mesures de lutte pour accélérer les pourparlers. Le syndicat réclamait notamment la prise en compte des changements techniques, l'intégration dans la CCT des apprentis et des employés à temps partiel, ainsi que la concrétisation du principe de l'égalité des traitements entre hommes et femmes. Les avis ont en outre divergé sur le problème de l'indexation automatique, les employeurs demandant que l'on applique ce système uniquement lorsque le taux d'inflation est supérieur à 4%. Pour 1984, les parties au contrat ont toutefois convenu d'un réajustement des rémunérations basé sur l'indice des prix de novembre [32]. Enfin, dans les industries du bois et du bâtiment, des négociations salariales difficiles ont également été enregistrées. La Société suisse des entrepreneurs a recommandé à ses membres de n'octroyer qu'une augmentation individuelle des salaires de 1 %, alors que les syndicats revendiquaient une hausse uniforme de 3% [33].
Au terme de huit mois de négociations intenses, la convention nationale régissant l'industrie des machines et des métaux a été reconduite pour cinq ans. Le renouvellement de la CCT intervenait dans un climat particulièrement tendu, en raison de la profonde récession économique qui sévit dans ce secteur. La paix du travail a été sauvegardée à la suite de l'adoption (139 voix contre 94) des propositions patronales par les délégués de la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie (FTMH). Le résultat de ce scrutin indique combien l'épreuve de force a été évitée de justesse. Tandis que les syndicats chrétiens s'étaient opposés, dans un premier temps, à la ratification de la CCT., les délégués genevois de la FTMH ont tenté en vain de faire voter ce texte à bulletin secret. Pour les quelque 200 000 salariés au bénéfice de la convention, la durée hebdomadaire de travail sera progressivement abaissée à 40 heures. Cette réduction de l'horaire s'accompagne cependant d'une diminution correspondante des salaires, de l'ordre de 2,4% au terme de la période conventionnelle. Les autres améliorations portent principalement sur l'allongement de la durée des vacances pour les jeunes employés, l'augmentation des allocations familiales et l'extension des droits de participation concernant les mesures de chômage partiel. De plus, une disposition a été introduite en matière de protection de la sphère privée des travailleurs. Elle prévoit de limiter l'enregistrement des données personnelles. En revanche, des revendications non matérielles, telles que la présence syndicale dans les entreprises, le renforcement de la protection contre les licenciements ou l'assujettissement des apprentis à la CCT, ont été rejetées par le patronat [34].
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Conflits de travail
Bien que les relations entre partenaires sociaux se soient sensiblement durcies, rares sont les conflits de travail qui se sont terminés par une grève. La statistique officielle n'a recensé pour 1983 que 5 conflits collectifs d'une journée au moins. Ces grèves ont été observées par 985 personnes (1982: 55), occupées dans 5 établissements; le nombre de journées perdues s'est élevé à 4438. Trois d'entre elles ont été motivées par des licenciements, les deux autres en raison de revendications salariales non satisfaites [35]. Ainsi, 48 employés de la firme Matisa, implantée dans la banlieue lausannoise, ont observé un arrêt de travail de douze jours pour s'opposer à des mesures de suppression d'emplois. Ce conflit a suscité un certain émoi dans les milieux politiques. Le conseiller national Gloor (ps, VD) est intervenu auprès du Conseil fédéral pour lui demander notamment de renforcer la protection des travailleurs contre les licenciements décrétés par des entreprises étrangères établies dans notre pays. En dépit des efforts déployés par l'Office cantonal de conciliation, les suppressions d'emplois ont été maintenues [36]. Par ailleurs, 650 ouvriers des aciéries Monteforno à Bodio (TI) se sont mis en grève pendant cinq jours pour protester contre une décision du tribunal arbitral concernant la compensation du renchérissement [37]. De son côté, le Tribunal cantonal zurichois a rendu l'un des jugements les plus importants pris en matière de droit de grève. Chargé de statuer en deuxième instance sur un arrêt prononcé en 1981 par un tribunal de prud'hommes du canton, relatif à un conflit collectif survenu à la suite du licenciement sans préavis de treize employés, il a estimé en effet que la participation à cette grève ne représentait pas une violation des dispositions de droit privé sur le travail [38].
 
[29] NZZ, 12.11.83; 16.11.83; USS, 34, 16.11.83; TA, 6.12.83; BaZ, 10.12.83; 31.12.83. Voir aussi BO CN, 1983, p. 526 (interpellation Magnin, pdt, GE) et p. 1049 ss. (interpellation Jaeger, adi, SG); TA, 6.1.83; 3.2.83; NZZ, 8.2.83, ainsi que APS, 1982, p. 121 ss.
[30] 1,5% a également été attribué en vertu du «Règlement uniforme» (RUTT). Cf. NZZ, 8.11.83; 20.12.83; Suisse, 18.11.83; 20.12.83; L'Hebdo, 51, 22.12.83. Voir aussi APS, 1982, p.121.
[31] BaZ, 22.6.83; 21.9.83; 28.9.83; 27.10.83; 15.11.83;19.11.83 ; 29.12.83; 31.12.83; USS, 35, 23.11.83. Sur la manifestation de la FICP, cf. supra, introduction.
[32] TA, 6.5.83; 26.11.83; NZZ, 3.6.83; 18.11.83; Le Gutenberg, 42, 20.10.83; 46, 17.11.83; 48, 1.12.83.
[33] TLM, 27.4.83; Vr, 21.6.83.
[34] Presse du 11.7.83 ; USS, 22, 20.7.83. Cf. en outre TA, 27.6.83 ; 9.7.83 ; NZZ, 29.6.83 ; Suisse, 5.7.83 ;10.7.83 ; 12.7.83; Ww, 27, 6.7.83; SZ, 15.7.83; 19.7.83; BaZ, 19.7.83; 20.7.83; 10.8.83.
[35] La Vie économique, 57/1984, p. 102.
[36] BO CN, 1983, p. 1207 ss. ; TLM, 18.2.83 ; 24 Heures, 18.2.83 ; 3.3.83 ; 4.3.83. Une grève avait déjà éclaté en 1976 dans cette entreprise (cf. APS, 1976, p. 126).
[37] TA, 3.11.83; 7.11.83; CdT, 5.11.83; 7.11.83; 23.11.83. Les autres grèves ont éclaté dans l'imprimerie de la «Tribune de Genève» (Suisse, 8.2.83; 10.2.83; Tribune de Genève, 11.2.83), dans une imprimerie zurichoise (Vr, 4.8.83; 5.8.83; 8.8.83) et dans une entreprise de construction à Oron (VD) (TLM, 5.11.83; 24 Heures, 8.11.83).
[38] TA, 3.6.83 ; 24 Heures, 9.12.83. Cf. en outre NZZ, 18.1.83 ; Ww, 10, 9.3.83 ; G. Casetti, «Coopération entre partenaires sociaux», in La Vie économique, 56/1983, p. 198, ainsi que APS, 1981, p. 208; 1982, p. 124.