Année politique Suisse 1984 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Principes directeurs
La persistance d'un
climat conflictuel dans les relations Est-Ouest et le maintien de foyers de tension au Proche-Orient et en Amérique centrale ont contraint nos autorités de préciser à diverses reprises les principes directeurs qui régissent nos relations extérieures
[2]. Plusieurs députés sont intervenus à nouveau aux Chambres pour exhorter le chef du DFAE à multiplier les démarches propres à contribuer au rétablissement de la détente. Le National a ainsi transmis sous forme de postulat une motion Rebeaud (écologiste, GE) invitant le Conseil fédéral à proposer aux pays neutres et non-alignés d'Europe (N + N) la création commune d'un groupe d'arbitrage, chargé d'opérer en tant que médiateur pour relancer les pourparlers soviéto-américains sur la réduction des armements nucléaires stratégiques et des forces nucléaires intermédiaires. Ce groupe d'arbitrage aurait notamment pour mission d'élaborer un programme de désarmement progressif et équilibré entre les deux blocs militaires. Tout en soulignant combien les «possibilités» d'une petite nation comme la Suisse d'infléchir la position des grandes puissances sont restreintes, le gouvernement a indiqué qu'il allait renforcer son soutien aux efforts entrepris dans ce domaine. La proposition de la délégation helvétique, formulée devant le Comité de l'ONU sur le désarmement à Genève, de convier les Etats membres de renoncer sous les auspices des Nations Unies à l'emploi des armes chimiques et la subvention annuelle octroyée à l'Institut de recherche des Nations Unies pour le désarmement (UNIDIR) sont autant de contributions concrètes de notre pays à la défense et au maintien de la paix dans le monde. De plus, la Confédération a déjà eu l'occasion de mettre à disposition son territoire pour des négociations en matière de contrôle des armements et de désarmement. Elle a l'intention de s'en tenir à l'avenir à cette politique de disponibilité, afin de faciliter et d'encourager les contacts internationaux dans ces questions essentielles
[3].
La participation de la Suisse aux travaux de la Conférence régionale sur le désarmement (CDE), qui s'est ouverte en janvier à Stockholm, constitue une nouvelle étape de notre politique de soutien aux efforts déployés pour diminuer les tensions et limiter la course aux armements. Tenue dans le cadre de la
Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), cette réunion offrait l'occasion à notre pays de prendre part pour la première fois depuis 1907, de plein droit, à une conférence sur le désarmement. Elle marquait en outre la reprise du dialogue au sommet après la rupture de l'ensemble des négociations Est-Ouest au terme de l'année 1983. Dans une première phase, la CDE n'abordera que les questions relatives au renforcement des mesures dites «de confiance et de sécurité» (mesures de transparence et de restriction des manoeuvres militaires). Les problèmes touchant plus spécifiquement le processus de réduction des arsenaux militaires conventionnels seront traités ultérieurement. Les autorités helvétiques attachent une grande importance à l'amélioration de la transparence dans les canaux d'information et à l'aménagement d'un certain nombre de garanties. Ces garanties sont d'autant plus indispensables que certains hauts responsables du DMF préconisent à l'avenir de mettre les accents essentiels de notre stratégie militaire sur une politique globale de sécurité, dans laquelle la diplomatie et la coopération devraient en principe pallier les efforts que la Confédération ne serait plus totalement en mesure d'assumer en matière de défense. Le groupe des N + N a d'ores et déjà soumis au plénum des propositions fortement imprégnées par la Suisse. Elles portent sur des mesures de confiance concrètes et vérifiables sur le terrain: notification préalable des manoeuvres, amélioration du statut des observateurs étrangers et plafonnement des effectifs engagés dans les mouvements de troupes importants. Le document entend par ailleurs réaffirmer le principe du non-recours à la force armée et mettre en place un système de règlement pacifique des différends dont le projet helvétique a été examiné en mars lors d'une rencontre d'experts à Athènes. L'évaluation des résultats de ces négociations est prévue à Vienne, en novembre 1986, à l'occasion de la prochaine réunion de la CSCE
[4].
Fidèle à sa tradition de disponibilité, notre pays a continué d'assumer diverses tâches relevant des
bons offices. La protection des intérêts étrangers demeure à cet égard l'une des missions essentielles pour lesquelles la Suisse est le plus souvent sollicitée. Au terme de l'année, le Conseil fédéral n'exerçait pas moins de 18 mandats de puissance protectrice au sens de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. La Confédération s'est ainsi vue confier en janvier le soin de défendre les intérêts libanais en Iran
[5]. D'autre part, les pourparlers engagés entre l'Argentine et la Grande-Bretagne pour tenter de résoudre les questions en souffrance consécutives à la guerre des Malouines n'ont pas abouti. Ces entretiens se sont déroulés à Berne sous l'égide du secrétaire d'Etat du DFAE et en présence .d'un représentant du gouvernement brésilien
[6].
Moins de cinq mois après la première réunion de Genève, qui devait en principe amorcer la réconciliation nationale au Liban, les chefs des différentes factions en présence se sont retrouvés en mars à Lausanne pour tenter de parvenir à un règlement de la crise. Les positions étaient tellement contradictoires que nombre d'observateurs se sont demandés si Lausanne serait le lieu de la consécration de l'entente ou de la séparation. Un accord de compromis est intervenu au terme des négociations, laissant toutefois en suspens les principaux points litigieux. Face à l'évolution de la situation au Liban, le Conseil fédéral a décidé de nommer un nouvel ambassadeur à la tête de la représentation diplomatique helvétique à Beyrouth, laquelle avait été dirigée ces trois dernières années par un chargé d'affaires
[7]. Les ministres des affaires étrangères pakistanais et afghan se sont rencontrés pour leur part en août à Genève pour de nouvelles consultations. Celles-ci se déroulaient au moment où le Pakistan accusait Kaboul d'être à l'origine de bombardements visant directement son territoire, dans lequel sont regroupés près de trois millions de réfugiés afghans. Engagés depuis trois ans, ces contacts n'ont guère fait avancer le processus de règlement du conflit
[8].
L'engagement de la Suisse en faveur du respect des
droits de l'homme fait partie intégrante également de notre politique étrangère. L'opération consistant à assurer l'internement en Suisse de membres du contingent des forces armées soviétiques capturés en Afghanistan et mise sur pied en 1982 s'est poursuivie, non sans susciter de vives inquiétudes quant aux conditions de rapatriement des détenus. Deux nouveaux prisonniers ont été admis dans notre pays, tandis que sept autres sont arrivés au terme de leur période d'internement de deux ans
[9]. Le DFAE a été en outre amené à diverses reprises à appuyer les efforts consentis par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au profit de la population civile et des prisonniers de guerre du conflit irako-iranien. A l'occasion de la visite à Berne du chancelier autrichien Fred Sinowatz, un appel commun a été lancé aux belligérants en faveur du respect des droits humanitaires et du soutien de l'activité déployée par le CICR, conformément aux conventions de Genève
[10].
Sur le plan multilatéral, les propositions du Conseil fédéral de ratifier le premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, signée par la Suisse en 1976, se sont heurtées dans la procédure de consultation à une large opposition des cantons. La principale pierre d'achoppement porte sur l'inscription du droit à l'instruction qui, pour la plupart d'entre eux, menacerait leur autonomie en matière scolaire. La majorité des cantons avait du reste rejeté en 1973, contre l'avis du peuple, un projet d'article visant à introduire ce droit dans la Constitution. Les deux autres éléments de ce Protocole obligent les Etats contractants à garantir le respect de la propriété privée et à organiser régulièrement des élections libres au scrutin secret. Si notre pays obéit en général à cette dernière règle, le gouvernement a l'intention néanmoins de formuler deux réserves: l'une concerne l'absence du suffrage féminin sur le plan cantonal dans les deux Appenzell et l'autre l'élection par les «Landsgemeinden» de conseillers aux Etats (Obwald, Nidwald et Appenzell Rhodes-Intérieures) ou de membres du Grand Conseil (Grisons)
[11]. Une étape importante a par ailleurs été franchie dans les relations entre l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et la Turquie depuis le coup d'Etat militaire de 1980 à Ankara et l'exclusion de ses délégués à Strassbourg en avril 1981. L'Assemblée des vingt et un a en effet accepté la réintégration des parlementaires turcs au sein du plénum. La délégation helvétique a voté dans le sens de la majorité, à l'exception du conseiller national Riesen (ps, FR). La Commission européenne des droits de l'homme n'en demeure pas moins saisie d'une plainte portant sur des allégations de tortures pratiquées par le régime militaire. Le DFAE a une nouvelle fois convoqué l'ambassadeur de Turquie à Berne pour lui faire part des préoccupations de la Suisse sur les conditions de détention de certains prisonniers politiques
[12].
[2] Sur les relations Est-Ouest, cf. en particulier A. Guha, «Die Nachrüstung ist verantwortungslos», in Rote Revue, 63/1984, Nr. 4, p. 10 ss.; D. Frei, «Ost-West-Beziehungen: Es geht um Ideen», in Schweizer Monatshefte, 64/1984, p. 1016 ss.; P. A. Gachet, «L'Europe a-t-elle renoncé à se défendre?», in Revue économique et sociale, 42/1984, p. 295 ss.; cf. APS, 1983, p. 47 ss.
[3] Interventions parlementaires: BO CN, 1984, p. 346 (interpellation Braunschweig, ps, ZH), p. 407 s. (motion Rebeaud), p. 425 s. (postulat Ott, ps, BL), p. 440 s. et 995 s. (interpellations Carobbio, psa, TI). Comité sur le désarmement: NZZ, 6.7.84; BaZ, 11.7.84; E. Brunner, «Pour une interdiction des armes chimiques», in Documenta, 1984, no 3, p.17 ss. UNIDIR: FF, 1984, II, p. 865 ss et III, p. 1490; BO CE, 1984, p. 421 s. ; BO CN, 1984, p. 1863; JdG, 21.9.84.
[4] La Conférence de Vienne devra procéder également à une évaluation des travaux des réunions d'experts d'Athènes sur le «règlement pacifique des différends» (1984), d'Ottawa sur les «droits de l'homme» (1985) et de Berne sur les «contacts humains» (1986). Stockholm: presse du 18.1.84 (ouverture de la réunion); NZZ, 19.1.84; 21.1.84; 19.3.84 (bilan de la Ire session); 7.7.84 (bilan de la 2e); 16.10.84 (bilan de la 3e); 4.12.84 (4e). Stratégie militaire: L'Hebdo, 2, 12.1.84. Document des neutres: Bund, 20.2.84; TA, 20.2.84; NZZ, 8.3.84. E. Brunner, «Neutral Countries and arms control — A Swiss view», in Documenta, 1984, no 4, p. 28 ss. Réunion d'Athènes: BaZ, 13.3.84; 24 Heures, 13.3.84; Cf. en outre AT, 1411.84; Baz, 14.1 84; Bund, 14.1.84; SGT, 17.1.84; Ww,3, 19.1.84; R. Bindeschedler, «Die Madrider Folgekonferenz der KSZE», in Schweizer Monatshefte, 64/1984, p. 61 ss., ainsi que infra, part. I, 3 (Gesamtverteidigung).
[5] Ce mandata pris fin en août avec la reprise des négociations entre les deux pays (BaZ, 11.1.84). La Suisse a également été chargée de la défense des intérêts consulaires de la Nouvelle-Zélande en Libye (NZZ, 2.5.84) et de désigner les membres du tribunal arbitral chargé de régler le différend opposant l'Argentine et le Chili à propos du Canal de Beagle (NZZ, 20.10.84). Cf. également Rapp. gestion, 1984, p. 20 s.; APS, 1982, p. 34.
[6] LM, 20.7.84; NZZ, 21.7.84.
[7] Bilan de la réunion: NZZ, 16.3.84; 22.3.84; TLM, 21.3.84; cf. APS, 1983, p. 48 s.
[8] Rapp. gestion, 1984, p. 14 s.; Suisse, 23 et 24.8.84. Voir aussi NZZ, 30.11.84; 24 Heures, 3.12.84; cf. APS, 1980, p. 39 s.
[9] BO CN, 1984, p. 106 (question Clivaz, ps, BE); Suisse, 25.2.84; NZZ, 22.3.84; Ww, 17, 26.4.84; Bund, 19.5.84; BZ, 22.5.84; JdG, 22.5.84; cf. APS, 1982, p. 34; 1983, p. 49.
[10] TA, 16.2.84; 21.2.84; 15.3.84; Suisse, 8.3.84; NZZ, 10.3.84. Voir aussi infra, Relations bilatérales.
[11] BaZ, 20.3.84; 25.8.84; NZZ, 20.3.84; LM, 3.8.84; cf. APS, 1973, p. 126 s.
[12] BO CN, 1984, p. 1019 et 1486 (questions ordinaires DafRon, pdt, GE), ainsi que p. 1593 (question Braunschweig, ps, ZH); 24 Heures, 15.5.84; Europa, 51/1984, no 5/6, p. 6 ss.; cf. APS, 1981, p. 44; 1982, p. 38.
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