Année politique Suisse 1984 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Intégration européenne
Les réticences manifestées par les Chambres à ratifier certaines conventions et l'attitude réservée des autorités helvétiques vis-à-vis de l'initiative de l'Assemblée parlementaire de Strasbourg de créer une «Commission des Sages» pour revaloriser le Conseil de l'Europe sont autant de signes qui traduisent une certaine désaffection du monde politique suisse à l'égard de l'intégration européenne. Il est vrai que l'état de santé économique de l'Europe ne s'est guère amélioré et que de sommet en sommet la Communauté européenne (CE) n'est pas parvenue à juguler la profonde crise structurelle et financière qui la secoue depuis plusieurs années. Rarement peut-être la situation de la CE n'aura été aussi précaire, et ce malgré l'approbation par le Parlement des Dix d'un projet de traité instituant l'«Union européenne». La faible participation enregistrée à l'occasion des élections européennes de juin et l'affaire complexe de la contribution britannique au budget de la CE ont conduit d'aucuns à envisager l'éclatement de la Communauté. Lors de la célébration du cinquantenaire de l'Union européenne de Suisse (UES), son nouveau président central, le conseiller national Cotti (pdc, TI), a insisté sur la nécessité d'imaginer de nouvelles voies de coopération et de renseigner de façon permanente nos concitoyens sur l'évolution du cadre institutionnel de l'Europe
[27].
Au cours de leur débat annuel sur l'activité de la délégation parlementaire helvétique à l'Assemblée du
Conseil de l'Europe, les Chambres ont accepté une motion chargeant le Conseil fédéral de rapporter chaque année sur sa collaboration aux travaux du Conseil des ministres de l'organisation des vingt-et-un. La motion de la délégation a été adoptée en dépit des objections formulées par le chef du DFAE. Le parlement a approuvé également le troisième rapport gouvernemental relatif à la ratification des conventions européennes par la Suisse. P. Aubert a expliqué à cette occasion les raisons de la «prudence helvétique» dans l'adoption de certains instruments
[28].
A cet égard, le National a examiné à son tour le message ayant trait à l'approbation de quatre
protocoles additionnels à des conventions du Conseil de l'Europe dans les domaines de l'extradition, de l'entraide judiciaire en matière pénale et de l'information sur le droit étranger. Contrairement au Conseil des Etats, la chambre populaire a refusé par 100 voix contre 70, au vote par appel nominal, d'intégrer l'escroquerie fiscale au nombre des délits visés par le texte sur l'entraide judiciaire. Au terme de la procédure d'élimination des divergences, le parlement a décidé d'écarter ce protocole contesté du groupe des quatre
[29]. L'attention des observateurs s'est toutefois portée sur le Conseil des Etats qui avait à se déterminer sur le projet de ratification de la
Charte sociale européenne, publié en juin 1983 par l'exécutif. Considérée par nombre de spécialistes comme un test de crédibilité pour la politique européenne de la Suisse, aucune convention du Conseil de l'Europe n'aura suscité autant de controverses depuis l'entrée de notre pays dans cette institution. Lors des débats, les adversaires ont exprimé leurs craintes quant au flou juridique de certaines dispositions. Ils s'en sont pris notamment à deux des cinq articles du «noyau dur» de la Charte, à savoir la reconnaissance du droit de grève pour l'ensemble des travailleurs et la garantie pour les étrangers de bénéficier des mêmes prestations sociales et médicales que les nationaux. Plusieurs sénateurs ont estimé que la réserve formulée au sujet du droit de grève dans la fonction publique était juridiquement insuffisante. En outre, ils ont été d'avis que la Suisse ne saurait prendre des engagements trop précis en matière d'assistance sociale dans la mesure où l'essentiel des compétences dans ce domaine étaient du ressort des cantons. Le conseiller fédéral Aubert s'est efforcé de «démonter» tous ces arguments juridiques. Il a insisté en particulier sur le fait que notre pays était certain de recevoir l'aval du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur sa «déclaration interprétative» relative au droit de grève des fonctionnaires. Il a relevé en outre que depuis l'entrée en vigueur en 1979 d'un nouvel article constitutionnel sur l'assistance publique, la Confédération disposait d'un système d'assistance parfaitement compatible avec les dispositions de la Charte. En dépit de ces explications, la chambre des cantons a décidé, par 29 voix contre 12, de refuser au gouvernement l'autorisation de ratifier ce traité. Seuls les socialistes, quelques démocrates-chrétiens et la libérale genevoise Bauer-Lagier se sont prononcés en faveur de lâ ratification
[30].
[27] Cinquantaine de l'UES: Europa, 51/1984, no 9/10, p. 5 ss. et no 11/12, p. 4 ss. Crise des institutions européennes: Suisse, 25.3.85; TA, 14.6.84; 19.6.84. Voir aussi NZZ, 11.7.84; 13.7.84; 12.10.84; 24.11.84; LM, 3.8.84 ; TA, 22.9.84 ; Europa, 51/1984, no 3/4, p. 4 ss. («Union européenne») et no 11/12, p. 8 s. («Commission des Sages»); R. Wyder, Die Schweiz und der Europarat 1949-1971, Diss. Bern 1984.
[28] Délégation auprès du Conseil de l'Europe : BO CN, 1984, p. 782 ss., BO CE, 1984, p. 320 ss. Rapport sur les conventions européennes: FF, 1984, I, p. 792 ss.; BO CN, 1984, p. 779 ss.; BO CE, 1984, p. 419 ss.
[29] BO CN, 1984, p. 591 ss. et 1833; BO CE, 1984, p. 506 ss. Le CN et le CE ont en revanche respectivement ratifié la Convention portant création d'une Organisation européenne Eumetsat pour l'exploitation des satellites météorologiques (FF, 1984, II, p. 1277 ss. ; BO CN, 1984, p. 1497) et les accords concernant l'adhésion de la Suisse à l'Organisation européenne de télécommunications par satellite Eutelsat (FF, 1984, III, p. 389 ss. ; BO CE, 1984, p. 685). Enfin, dans le cadre de notre politique de soutien aux organisations internationales, les Chambres ont adopté le projet d'arrêté fédéral concernant l'octroi d'un prêt à la Fondation des immeubles pour les organisations internationales (FIPOI), à Genève, pour financer la construction de deux bâtiments du CERN (FF, 1984, I, p. 1233 ss.; BO CN, 1984, p. 800 s.; BO CE, 1984, p. 514 s.).
[30] BO CE, 1984, p. 28 ss. ; presse du 8.3.84. Cf. également Vat., 3.3.84; NZZ, 19.10.84; APS, 1976, p. 41; 1983, p. 51.
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