Année politique Suisse 1984 : Sozialpolitik / Bevölkerung und Arbeit
Temps de travail
Le recherche de stimulants pour l'emploi se situe également au centre des controverses relatives à la restructuration du temps de travail. La gauche syndicale et politique préconise une réduction progressive de la durée légale et globale du travail, assurant le maintien du revenu salarial. Les présupposés d'une telle revendication reposent sur les conséquences présumées du remplacement de l'homme par la machine. Ainsi, suivant la logique de cette analyse, la croissance de la productivité justifierait la diminution des horaires. Celle-ci permettrait par ailleurs de contrebalancer les mesures de rationalisation, en favorisant une meilleure répartition du travail entre tous. Elle répondrait également à des exigences qualitatives, en facilitant les chances d'épanouissement des hommes comme des femmes sur le plan professionnel, familial ou culturel. Cette formule semble faire écho puisqu'il n'a fallu à
l'Union syndicale suisse (USS) que huit mois pour
déposer son intiative en faveur d'un abaissement à 40 heures de la durée hebdomadaire du travail. Celle-ci, à l'instar de l'approche globale de la gauche, est vivement contestée par le patronat pour qui l'amélioration du marché de l'emploi passe avant tout par un renforcement de la compétitivité des entreprises. Dans ce sens, il se prononce pour un aménagement flexible et individuel du temps de travail. Il relève cependant qu'une diminution de l'activité des travailleurs ne peut résulter que d'un accroissement conséquent de la productivité, pour autant que les gains réalisés ne soient pas revendiqués pour d'autres prestations, telles que des augmentations de salaires
[9].
Cette argumentation a d'ores et déjà motivé l'opposition des employeurs à l'initiative du PSS et de l'USS visant une
extension des congés payés pour tous les salariés. En effet, bien que les Chambres, en 1983, se soient portées au devant des exigences de la gauche, en allongeant le droit aux vacances fixé dans le CO et malgré la décision du Conseil fédéral de mettre en vigueur dès juillet ces nouvelles dispositions, les auteurs de l'initiative ont maintenu leurs propositions. Ils ont allégués que la révision laissait insatisfaites trois de leurs revendications jugées essentielles: l'obtention d'une cinquième semaine de vacances pour les plus de 40 ans, l'intégration du secteur public dans son champ d'application et la compétence réservée aux cantons d'étendre à leur choix la limite légale des congés. Mais cette fermeté peut tout autant s'expliquer par des raisons de pure statégie; à savoir la volonté de l'USS de ne pas démobiliser sa base
[10].
Le
secteur public n'est pas resté en marge de ces impulsions favorables à la réduction de la durée du travail. Le gouvernement a pour sa part accepté la requête de l'Union fédérative du personnel des administrations et des entreprises publiques qui l'invitait à
abaisser de 44 à 42 heures l'horaire hebdomadaire des fonctionnaires fédéraux; tout en différant l'entrée en vigueur de cette décision au ler juin 1986. Quant à son application, le gouvernement demandait aux Chambres, compétentes en matière budgétaire, de débloquerprogressivement des crédits additionnels de 88 millions au total, destinés à l'engagement de 1880 agents supplémentiares. Grâce à des mesures de rationalisation et de restructuration au sein des différents secteurs administratifs, les répercussions que cette réduction d'horaire devaient engendrer sur les finances et l'état du personnel fédéral s'avéraient ainsi moins importantes que celles prévues en 1982. Pour susciter l'approbation du législatif, le Conseil fédéral rappelait également la diminution progressive intervenue depuis lors dans l'économie privée. Au cours de l'examen du budget de la Confédération pour 1985, le parlement a prudemment ouvert la porte à l'introduction de la semaine de 42 heures. Il a en effet manifesté de manière catégorique que l'accroissement du personnel ne pourrait s'opérer qu'en étroite soumission à la loi relative au plafonnement des effectifs de la Confédération ainsi qu'aux exigences visant l'assainissement des finances de l'Etat
[11].
La chambre du peuple a par ailleurs repoussé un postulat du groupe indépendant et évangélique, déposé en 1982, qui proposait, pour satisfaire les salariés inquiets de la réorganisation de l'horaire hebdomadaire envisagée, de commuer. celle-ci en une extension des vacances et des jours fériés
[12]. Elle a réservé un sort identique à la motion du conseiller Pini (prd, TI), priant le Conseil fédéral d'examiner la possibilité d'introduire une réduction différenciée des horaires afin de se conformer aux besoins spécifiques de chacun des services de l'administration
[13]. Cette inclination à l'aménagement de nouvelles formes de la durée du travail semble aussi discrètement s'affirmer dans les rangs de la gauche. Yvette Jaggi (ps, VD) a en effet déposé un postulat pour exiger du gouvernement qu'il facilite aux fonctionnaires et aux employés de la Confédération, l'aménagement individualisé de leur horaire d'activité. Si celui-ci a été rejeté, le Conseil fédéral a toutefois souscrit à sa motivation fondamentale visant la création, au sein de l'administration, d'un plus grand nombre de poste à temps partiel. Il envisage en effet de proposer aux Chambres d'amender dans ce but la loi sur le statut des fonctionnaires
[14]. Il a également ménagé une ouverture à la modulation de l'âge donnant droit à la retraite. La nouvelle ordonnance, réglant la réelection des fonctionnaires pour la période 1985-1988, stipule que les femmes pourront désormais poursuivre jusqu'à 65 ans leur activité, si elles en formulent la demande. Cette décision est toutefois bien en retrait de la revendication de l'Association du personnel de l'administration générale de la Confédération, exigeant l'introduction de la retraite flexible dès 60 ans pour les femmes comme pour les hommes
[15].
[9] NZZ, 10.2.84; 14.8.84; AT, 28.4.84; Bund, 13.6.84; 6.8.84; 10.8.84; USS, 7, 22.2.84; SAZ, 23, 7.7.84; RFS, 34/35, 21.1.84. L'USS a par ailleurs publié les résultats d'une enquête sur la durée du travail en Suisse, effectuée en mai 1983, attestant la diminution progressive des horaires dans l'économie privée (Revue syndicale suisse, 76/1984, p. 11 ss.). Initiative en faveur des 40 heures: TW, 27.4.84; 24.8.84; 28 et 29.8.84; USS, 10, 21.3.84; 24,29.8.84; cf. également APS, 1983, p. 136. La Fédération des colonies libres italiennes et l'Association des travailleurs immigrés ont lancé une pétition de soutien en faveur de l'initiative (BaZ, 20.1.84; TLM, 20.1.84).
[10] Vr, 8.3.84; BaZ, 2.4.84; 24 Heures, 3.4.84; cf. APS, 1983, p. 136. Les adhérents des fédérations syndicales et du PSS ont voté en faveur du maintien, conformément aux recommandations du comité directeur de l'USS, mais contre l'avis de leurs représentants parlementaires (presse du 10.4.84; TA, 10.5.84). Prises de position sur l'initiative: RFS, 18,1.5.84; SAZ, 1.5.84, 35,30.8.85; Revue syndicale suisse, 76/1984, p. 177 ss.
[11] FF, 1984, II, p. 703 ss. ; BO CN, 1984, p.1526 ss. ; BO CE, p. 428 ss., cf. APS, 1982, p.122 ;1983, p.136. La loi instituant des mesures destinées à améliorer les finances fédérales ne permet aucune augmentation du personnel, à moins que les besoins ne puissent être satisfaits par des mesures de rationalisation, la réduction de tâches existantes ou des mutations à l'intérieur de l'administration (RO, 1983, p. 1382 s. cf. APS, 1983, p. 89).
[13] BO CN, 1984, p. 400.
[14] BO CN, 1984, p. 394; 24 Heures, 25.3.84; 28.7.84. Remédier à l'insécurité juridique qui entoure le travail à temps partiel reste par ailleurs l'une des préoccupations de la gauche (USS, 36, 28.11.84; Motion Reimann, ps, BE, BO CE, 1984, p. 428).
[15] RO, 1984, p. 346 ss. ainsi que NZZ, 29.3.84; Bund, 13.9.84; 24 Heures, 13.9.84; voir aussi infra, part. I, 7c (Assurance-vieillesse et survivants).
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